Après des années de crise, les LBO en difficulté continuent de faire les premières pages des quotidiens financiers. Les rééchelonnements de dette n’ont pas toujours suffi pour supporter la persistance de la crise. Il a fallu trouver d’autres solutions, financières et opérationnelles pour sauver les entreprises sous LBO. Etat des lieux d’un an de négociations par les experts du secteur.
Une réforme inaboutie
Charles-Henri Carboni : La situation est aujourd’hui fondamentalement comparable à celle d’il y a quelques mois, avec majoritairement des deuxièmes tours de LBO déjà traités. Les bouleversements sont plutôt à venir : le climat est davantage caractérisé par l’attente des répercussions pour le marché, des nouvelles dispositions mises en œuvre par l’ordonnance du 12 mars 2014, et dont la plupart seront applicables au 1er juillet prochain. Certaines dispositions rendront plus favorables les opérations de lender-led dont on note par ailleurs une percée. Les banquiers français répugnent toujours à prendre directement le contrôle des entreprises, et cette attitude diffère de celle de leurs confrères européens et notamment anglais. En France, le droit social et sa jurisprudence – notamment l’utilisation possible de la théorie du co‑emploi – constituent à mon sens un repoussoir absolu pour les banques. Cette situation favorise davantage l’intervention d’investisseurs ou de fonds très spécialisés qui, en rachetant les créances, n’ont pas peur de transformer de la dette en capital et alors de prendre le contrôle des sociétés. Après avoir finalement annoncé qu’il y aurait un levier possible pour «exproprier» les actionnaires indélicats, la réforme, en tout cas pour la première ordonnance, est en deçà de ce qui était attendu. La seule possibilité pour que les créanciers prennent le contrôle est encadrée dans un schéma très particulier puisqu’il renvoie au droit des sociétés, si le capital social est inférieur de 50 % à ce qu’il devrait être. Si les actionnaires ne pallient pas cette difficulté, des investisseurs tiers peuvent alors entrer au capital. Par ailleurs, les créanciers, via les comités, peuvent proposer des solutions alternatives de plan de continuation. On offre donc la possibilité aux créanciers d’avancer sans pour autant aller jusqu’au bout du raisonnement puisqu’il s’agit d’un cas bien particulier. Une intention a cependant été exprimée clairement et une deuxième ordonnance est dorénavant annoncée, créant quelques tiraillements politiques car il n’est pas anodin d’exproprier des actionnaires.
Ce signal peut être perçu positivement à l’étranger, mais il peut également être un repoussoir pour d’autres. Nous sommes donc dans l’attente de voir comment tout ceci va s’organiser.
Alexandra Bigot : Nous sommes cependant très loin de la pratique américaine. Nous devrions pouvoir exproprier les actionnaires dont la participation n’a plus aucune valeur et qui ne souhaitent pas apporter de new money, alors que les créanciers ne sont pas en mesure de recouvrer totalement leur créance. Les prêteurs juniors posent par ailleurs le même problème sur un certain nombre de LBO. La question n’est donc pas seulement celle des actionnaires mais aussi celle des créanciers qui ne sont plus dans la valeur et bloquent une restructuration car ils n’obtiennent pas ce qu’ils souhaitent. Aux Etats-Unis, les classes de créanciers (ou d’actionnaires) sont déterminées en fonction de leurs droits et chaque classe, représentative de droits similaires, vote séparément et peut le cas échéant être expropriée en cas de blocage injustifié, à savoir si ses membres ne sont plus dans la monnaie et ne récupéreraient pas plus dans un scénario de liquidation («cramdown»). Nous en sommes très loin dans le système français qui permet à des créanciers juniors, comme à des actionnaires fondateurs, de bloquer des restructurations ou d’exiger des compensations sans rapport avec la valeur économique de leurs droits. Certes, l’ordonnance constitue une amélioration, mais elle est assez floue sur les critères permettant de trancher entre le plan des créanciers et celui du débiteur. Seule la pratique nous dira dans quelle mesure un plan proposé par des créanciers sera adopté ou non par le tribunal.
Jean-Louis Detry : Cette ordonnance est loin d’être complète notamment sur le problème de la valeur pré-monnaie. Les actionnaires ayant 100 se font-ils exproprier à une valeur X, ou pour un euro ? Est-ce que les créances sont passées sur une valeur pré-monnaie qui donne à l’actionnaire initial 20 % ou 10 % ? Existe-t-il des recours ou est-ce définitif ? C’est un des points clés, source de contentieux futurs, pour lesquels il n’y a pas de réponse.
Charles-Henri Carboni : Nous attendons effectivement la réponse. En revanche, il existe une petite modification concernant la new money qui est positive. Elle permet de donner des garanties afférentes à cette new money lors de la conciliation, y compris lorsqu’elle a été décaissée pendant la période précédant l’homologation. Nous avons tous été confrontés à la difficulté de l’urgence et aux banquiers new money qui refusaient de décaisser tant qu’il n’y avait pas d’homologation, faisant ainsi avorter des opérations. Les pouvoirs publics l’ont bien intégré dans cette réforme, mais elle reste non aboutie, notamment sur le sujet des créanciers prenant le contrôle. Il s’agit là d’un compromis puisque l’on ne veut pas aller jusqu’au bout en attendant de voir ce que la réforme donnera devant les tribunaux.
Laurent Jourdan : Les tribunaux de commerce ont déjà dit qu’ils ne l’appliqueraient pas, qu’ils n’étaient pas là pour exproprier des actionnaires. Je ne suis pas certain qu’ils appliquent ce principe et ce même avec une deuxième ordonnance si elle voit le jour.
Jean-Louis Detry : L’ancien texte prévoyait, dans le cas particulier des titres du mandataire social, l’expropriation pour un euro. Ce qui a déjà été fait quelques fois avec, par la suite, des recours d’actionnaires estimant que la société valait beaucoup plus. Des contentieux lourds ont donc eu lieu.
Charles-Henri Carboni : Ce système était très particulier car il s’agissait de l’expropriation des actions du mandataire social. Toutes les autres étaient à l’abri de toute velléité d’intervention des tribunaux. Lorsque le dirigeant détenait 100 % de son capital, cette situation revenait à prendre le contrôle de l’entreprise, mais il s’agit là de cas exceptionnels.
La maturité des acteurs
Guillaume Cornu : La réforme va aider à mettre en place des solutions, mais il est surtout intéressant de voir les évolutions majeures en matière de restructuring. Nous avons eu deux phases de crise. Une première restructuration de LBO en 2008 avec une position attentiste. Aujourd’hui, nous sommes dans le traitement des dossiers avec pour but d’assurer la pérennité de l’entreprise, ou au moins de la solution. On achète peut-être moins de temps qu’avant. L’explication vient des premiers dossiers qui ont rechuté mais aussi d’une évolution dans la typologie des créanciers, dans le comportement des banquiers traditionnels français liée aux réformes prudentielles. L’approche de la restructuration financière des entreprises se fait désormais beaucoup plus par la valeur d’entreprise qu’uniquement par la capacité de génération de cash flow et de remboursement de la dette. On se pose dorénavant la question de savoir ce que couvre la valeur de l’entreprise. Qui est le propriétaire économique de l’entreprise ? On recherchait précédemment des solutions palliatives, d’attente, en vue d’un redressement qui n’a pu malheureusement se produire en raison de la deuxième vague de crise, notamment à l’été 2011. Les créanciers français sont dorénavant beaucoup plus enclins à étudier différentes solutions : ils sont disposés dans certains cas à céder leur créance moyennant décote mais contre un paiement cash, ils sont ouverts dans certaines situations à participer à des lenders led, ils peuvent convertir une partie de leur créance en «équipe» avec un investisseur financier, ils peuvent rechercher des solutions de portage par un tiers.
Nous avons vu dans plusieurs dossiers des banquiers français vendre très tôt leurs créances à différents fonds qui constituent aujourd’hui de nouveaux acteurs qui vont compter sur le marché français. L’exemple de Vivarte illustre bien cette évolution. En effet, nous constatons depuis quelques années l’arrivée de nouveaux fonds, avec une certains accélération au cours des derniers mois. Il s’agit, dans la plupart du temps de fonds en provenance des USA ou de fonds anglo- saxons, qui s’installent le plus souvent à Londres afin de se déployer sur le marché européen et notamment en France, Espagne, Italie et Portugal. Ces fonds disposent de moyens considérables, peuvent investir tant en equity qu’en dette, et sont de plus en plus actifs dans les situations complexes. Désormais, quelle que soit la solution mise en place, force est de constater que nous sommes passés de l’ère de la restructuration financière à l’ère des restructurations opérationnelles et stratégiques, passant la plupart du temps par des recompositions du capital. Nos dossiers combinent de plus en plus des compétences de transaction/restructuration, c’est-à-dire une conjugaison de compétences de restructuration opérationnelle, stratégique, de M&A et de restructuration financière. Le travail en équipe réunissant des compétences pluridisciplinaires s’est largement développé. Cette situation est notamment liée au fait que tant les sponsors que les créanciers acceptent aujourd’hui, pour des raisons différentes, de prendre leur perte tout en voulant sauvegarder leur image et rechercher des nouvelles solutions pérennes.
Jean-Louis Detry : L’opérationnel n’était auparavant pas une réelle préoccupation. Aujourd’hui, les banquiers (propriétaires économiques de la société quand la valeur d’entreprise est inférieure à la dette) s’intéressent à la valeur de l’entreprise mais également à la projection pérenne de cette valeur dans le futur. Les montages proposés doivent inclure des solutions de réorganisation de dette mais également de réorganisation au sein même de l’entreprise et de son management. Les créanciers ont donc besoin de gouvernance active qu’ils ne sont pas toujours eux-mêmes en mesure d’assurer.
Vincent Danjoux : Nous venons de passer sept ans de crise durant lesquels les acteurs ont énormément évolué. Les fonds d’investissement savent désormais qu’il est contre-productif de maintenir coûte que coûte en portefeuille un actif abîmé qui ne pourra jamais revenir dans la monnaie, avec ou sans restructuration : ils acceptent de se défaire d’un actif sous-performant rapidement pour éviter de passer trop de temps sur sa gestion. Par ailleurs, l’environnement juridique a évolué (même si moins de 10 % des opérations passent par une procédure judiciaire, les procédures à l’amiable prédominant amplement) ; ceci a contribué à changer l’état d’esprit et la perception des acteurs au profit des créanciers. Il était tout naturel, il y a sept ans, de voir des actionnaires utiliser tous les leviers juridiques pour conserver un actif en dehors de la monnaie. Dorénavant, la raison prime et les actionnaires laissent plus facilement les clés des actifs qui n’ont plus de probabilité de recouvrer une valeur positive des fonds propres investis.Ces évolutions sont aussi liées à la nécessité pour les entreprises de parfois repenser en profondeur leur modèle économique après de nombreuses années d’exploitation difficiles, ce qui justifie la plupart du temps une structure financière très allégée et des apports importants de new money.On assiste également à des modifications substantielles de périmètre qui passent par la cession de division ou le rapprochement de deux actifs sous LBO.Ces tendances illustrent le retour de la prééminence des objectifs stratégiques et opérationnels dans la gestion des participations des fonds d’investissement.Benoît Sellam : Pendant ces années de crise, les acteurs de l’écosystème ont accumulé une expérience remarquable, ils ont grandi et mûri ensemble. Les dossiers ne sont plus du tout abordés de la même manière qu’il y a six ou sept ans. Aujourd’hui, la question récurrente est celle de la pérennité de la solution mise en place. Un bon exemple est la conversion de dette en capital dans le cadre de plans proposés par les créanciers.
Cette nouvelle faculté pour les créanciers de proposer des plans pour débloquer une situation est utile car on a déjà vu des cas d’actionnaires récalcitrants qui empêchent une solution d’émerger. Mais à moyen terme, la question est de savoir si le créancier peut être un bon actionnaire. Autrement dit, au-delà des aspects juridiques, est-il économiquement capable de faire le travail d’un actionnaire et de sortir durablement l’entreprise de l’ornière ? Le métier d’actionnaire est fondamentalement différent de celui de créancier. L’actionnaire fixe un cap à l’entreprise, l’aide à faire les bons choix stratégiques et organisationnels au bon moment pour ne pas se retrouver dans une impasse, c’est un soutien actif. Dès lors, une prise de contrôle par les créanciers ne constitue une solution pérenne que si l’acteur économique qui convertit dispose en son sein de la compétence d’actionnaire.
Les lender-led
Jean-Pierre Farges : Les lender-led ont été introduits en France en 2009 avec le dossier CPI, suivi de SGD puis Novasep. Ils se développent véritablement depuis un an et demi. La question de la double casquette créancier/actionnaire et des problèmes qu’elle peut poser a été envisagée dès les premiers lender-led. Dans CPI, la priorité des prêteurs/actionnaires était d’éviter tout risque de gestion de fait. Ils souhaitaient donc que soit mis en place une structure de société cotée, avec des administrateurs indépendants qui siègent au conseil de surveillance. Dans la Saur, l’année dernière, l’important était justement de ne plus avoir recours à des tiers indépendants, mais d’avoir des représentants des prêteurs/actionnaires les plus importants au conseil de surveillance de la société afin de s’assurer que ces nouveaux prêteurs/actionnaires soient impliqués comme n’importe quel autre actionnaire dans les choix stratégiques du groupe. D’où le lock-up des deux banques principales qui ont accompagné la société. Aujourd’hui, dans Vivarte, la problématique est au cœur des débats.
Cette problématique n’est pas abordée dans le cadre de la réforme. Mais n’oublions pas qu’en pratique, il sera toujours demandé à l’actionnaire qui est prêteur de privilégier sa casquette d’actionnaire à celle de prêteur. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle, la période d’agrafage entre l’equity et la dette est, à la demande des créanciers, de plus en plus courte.
Françoise Maljean : Il a été effectué un premier lender-led avec Saur/Hime l’an dernier. Mais ce n’est pas compatible avec le droit des sociétés français qui doit être réformé. En France, on a tendance à durcir la réglementation et la législation à l’encontre des établissements bancaires. En tant que banque de proximité, nous ne voyons donc pas l’intérêt du lender-led. Dans certains dossiers, on peut se retrouver prêteur, obligataire et actionnaire majoritaire, ce qui augmente les risques.
Jean-Pierre Farges : Lorsque l’on est prêteur et que l’on devient actionnaire, la dette que l’on conserve devient une dette d’actionnaire et non plus une dette de prêteur indépendante de sa qualité d’actionnaire,. Il serait surprenant que le droit positif évolue pour limiter les devoirs et la responsabilité des «nouveaux actionnaires» lorsqu’ils sont d’anciens créanciers et qu’ils ont conservé une partie de leur dette et converti le reste en capital.
Françoise Maljean : Pas en France ! Ce n’est pas parce qu’une banque convertit une partie de sa dette en action, sans même parler d’obligation, que la dette qu’elle conserve devient directement une dette d’actionnaire.
Jean-Pierre Farges : En pratique, ce que l’on observe souvent est qu’une partie de la dette est conservée et qu’une autre est convertie en actions (ou en quasi-equity – le plus souvent des ORA). Mais quand on est actionnaire et qu’on est au board d’une entreprise, on ne peut pas sérieusement considérer que la dette maintenue que l’on détient directement est une pure dette bancaire.
Françoise Maljean : Sous cet angle-là, certes. Mais il existe quand même une réglementation qui empêche de la dénaturer. C’est très important juridiquement.
Jean-Pierre Farges : En effet, dans la situation où des prêteurs sont devenus actionnaires et veulent réaliser leurs sûretés, ils ne peuvent pas simplement s’exproprier eux-mêmes. S’ils veulent «forcer la réalisation des actifs», cela paraît compliqué de le faire unilatéralement sans prendre de risque. Lorsque les prêteurs font le choix de devenir actionnaires, c’est parce qu’il n’y a plus assez de valeur, ou plus exactement que la valeur de l’entreprise est très inférieure à la valeur faciale de leur dette. C’était déjà le cas en 2009. Aujourd’hui, les difficultés portent relativement souvent sur la position des prêteurs junior qui juridiquement sont des créanciers et qui, dans la mesure où ils n’ont pas pris de risque d’actionnaire (ni la rémunération qui va avec), refusent de sortir du deal. Ce n’est pas illégitime, car il est souvent compliqué de savoir si la valeur «casse» dans «la senior ou dans la mezz». Ces acteurs peuvent donc être dans une situation plus compliquée que les actionnaires qui, à de rares exceptions près, sont prêts aujourd’hui à prendre leur perte et donc à donner les clefs aux créanciers.
Alexandra Bigot : C’est vrai que les fonds d’investissement ont acquis en maturité, et que se pose pour eux un problème de réputation et d’image vis-à-vis des banques, essentielles à leurs LBO futurs, qui les contraignent à céder pour un euro. Mais une intervention législative aurait une utilité certaine pour les groupes familiaux, qui sont d’ailleurs ceux qui ont défrayé la chronique et ont un tant soit peu abusé de la procédure de sauvegarde ces dernières années.
Diane de Moüy : Absolument. Nous rencontrons d’ailleurs actuellement le cas d’une société aux Pays-Bas où les actionnaires sont sortis et les banques ne veulent pas prendre le contrôle de l’emprunteur, pour éviter les contraintes afférentes. Se posent également parfois d’autres questions (sociales, comptables, par exemple) qui doivent être traitées au cas par cas, ainsi que celle de la gouvernance de la société concernée.Françoise Maljean : En principe, les banques de détail n’ont pas vocation à aller au capital. Cette solution vient des Anglo-Saxons et se développe en France, mais pour cela il faudrait assouplir la législation. J’entends l’argument selon lequel un créancier qui exerce ses garanties tout en étant actionnaire risque de devoir engager sa responsabilité. Mais c’est justement le problème. Dans un cas ou dans l’autre, la banque risque d’engager sa responsabilité, mais la dette est supposée demeurer bancaire et soumise à une certaine réglementation.
Jean-Pierre Farges : A partir du moment où l’on devient actionnaire, les conséquences doivent en être tirées. La dette sécurisée peut être conservée pour garder demain son rang de créancier par rapport aux autres. Mais, comme indiqué précédemment, le pas de la réalisation des sûretés ne pourra pas être franchi sans difficulté. C’est toute la différence entre le lender-led à l’anglaise et le nôtre. Dans le modèle anglo-saxon, le lender-led est une vente par appartements organisée par les créanciers. Les créanciers prennent le contrôle pour organiser la cession au plus vite. Mais les «recoveries» des Anglais ne font absolument pas rêver. Les prêteurs en France ont une grande appétence à vouloir calquer le modèle anglais. Je pense que ce n’est pas une bonne chose. Ils ne font que des «fire sales», c’est-à-dire la vente à 20 % ou 30 % de la valeur d’origine mais rarement au-dessus de 50 % du montant de la dette d’origine, et tout le monde prend une grande perte. L’avantage du système anglo-saxon est qu’on ne perd pas de temps à gérer, à essayer de retourner le business, à essayer de positionner une gouvernance ou de mettre de la new money en place. Au final, c’est du cash tout de suite, mais aussi et surtout une grande casse.
Françoise Maljean : Il serait intéressant de voir ce que ces lender-led vont donner dans quelques années car il n’existe pas encore de retombées en France. Quand de nouveaux concours seront nécessaires et/ou que les tiers verront qu’il y a un nouvel arriéré de passif de créé, avec des banques actionnaires qui ont les poches profondes, ils viendront alors voir les banques pour leur demander de payer.
Christophe Ambrosi : La discussion autour des lender-led concerne essentiellement des LBO de taille importante mettant en scène des intervenants internationaux. Il faut rappeler qu’il existe une double segmentation dans les situations de LBO en difficulté : tout d’abord, est-ce un problème de financement ou un problème opérationnel ? Ou les deux ? Nous avons évoqué aujourd’hui des dossiers principalement financiers qui ne présentent qu’un problème entre un sponsor initial, un mezzaneur et un banquier senior. En général, l’entreprise opérationnelle va bien. Moins bien qu’avant, certes. La valorisation d’il y a quelques années n’est plus la même mais il n’y a pas d’urgence, pas de besoin de new money. La question est seulement de savoir qui prend le contrôle, et qui assure la gouvernance : il y a différentes solutions, qui ont déjà été évoquées.
Il existe par ailleurs la deuxième population de LBO en difficulté, où il y a besoin d’apporter de la new money, et de restaurer une gouvernance active souvent dans un contexte de restructuration. Il s’agit alors de dossiers plus compliqués, dans lesquels une prise de contrôle par les prêteurs est improbable. La taille des dossiers est également une segmentation importante. Sur les dossiers régionaux, plus petits, il est également improbable que les banques locales prennent le contrôle d’entreprises en difficulté. D’où l’importance, qu’il s’agisse de dossiers plus difficiles ou de dossiers plus locaux, de voir d’autres acteurs prendre le relais.
Le rôle des fonds anglo-saxons
Pascal Bonnet : En ce moment, nos cabinets interviennent beaucoup dans la réalisation de l’exercice d’asset quality review (AQR) lancé par la Banque centrale européenne (BCE) dans le cadre de l’Union bancaire européenne. En effet, avant d’assumer l’entière responsabilité du rôle de superviseur unique, la BCE a souhaité conduire une évaluation complète des bilans des principales banques européennes (128 banques représentant 85 % des actifs de l’ensemble des banques européennes). Des équipes d’auditeurs sont donc en train de revoir au peigne fin une partie significative des actifs et des portefeuilles des banques. Les conclusions de ces travaux seront publiées avant la fin de l’année 2014 et seront suivies, le cas échéant, de mesures correctrices nécessaires. Les banquiers subissent une pression croissante de la part des régulateurs, poussant le marché vers de plus en plus de désintermédiation. Au total, même si l’encours bancaire en Europe n’a pas vraiment chuté, il diminue, petit à petit, et ceci de manière régulière. Aux Etats-Unis, 80 % de la dette des entreprises est non bancaire, alors que la situation est inverse en Europe.
Ce phénomène de désintermédiation en Europe prend plusieurs formes. On constate, par exemple, une explosion du marché du «high yield». Ce dernier a pris une place très importante pour certaines sociétés sous LBO, comme Quick ou Numericable, qui se sont largement refinancées sur ce marché.
On prédit également en Europe un avenir radieux à la titrisation. Certaines entreprises sous LBO, de taille importante, l’utilisent déjà dans le cadre de programmes de financement très importants. Le phénomène de désintermédiation se développe donc en Europe et va se poursuivre.
La nouvelle loi est une avancée significative. Cependant les fonds anglo-saxons, qui ont 10 ou 20 milliards de dollars à investir, ne viennent pas encore en France. Il y a donc une équation à résoudre. Des sociétés ont besoin de sortir des LBO qui ont échoué : les fonds anglo-saxons sont à même de remplacer l’actionnaire historique et de négocier avec les banques. Avec cette nouvelle loi, seuls les créanciers ont la possibilité de proposer un plan alternatif de financement. Quand nous discutons avec les fonds anglo-saxons, ils trouvent cette situation étonnante car ils pourraient eux-mêmes injecter de l’argent, sous la forme, par exemple, de financements obligataires «unitranches», mais ils ne sont pas évoqués dans le texte de loi car ils n’interviennent pas avec le statut d’établissement de crédit mais d’obligataire. Finalement, ils peuvent se retrouver en France avec des procédures collectives qu’ils ne comprennent pas et sans la possibilité de déposer un plan alternatif en cas de redressement judiciaire. Certaines avancées sont possibles et souhaitables, d’autant que l’argent est disponible pour les restructurations.
Alexandra Bigot : Juridiquement, les acteurs qui rachètent de la dette ont voix au chapitre comme tous les créanciers. J’observe au contraire que depuis quelques années, ils s’intéressent bien plus à la France et sont prêts à y déployer leurs «dry powder». Certains d’entre eux sont d’ailleurs intervenus sur des dossiers récents de LBO en difficulté.
Pascal Bonnet : Oui, mais la répartition de leur portefeuille montre qu’ils sont finalement peu présents en France.
Alexandra Bigot : En effet, la France n’est pas prioritaire dans leurs investissements en Europe mais ils sont de plus en plus présents et cela me paraît un des points marquants de l’évolution du marché français, modifiant la pratique des créanciers bancaires classiques.
Jean-Pierre Farges : Il y a de nombreux fonds anglo-saxons qui font du debt-to-own. Ils achètent de la dette pour prendre le contrôle et n’ont pas peur d’assumer la gouvernance. Paradoxalement, par rapport aux banques traditionnelles, ce n’est pas forcément malsain. Dans certains dossiers où tout le monde se demande combien il faut abandonner alors qu’il y a déjà eu énormément de write-off mais que perdure encore trop de dette, le vrai sujet est de savoir combien on peut abandonner par rapport aux provisions que les acteurs ont passées ou par rapport au prix auquel ils ont acheté la dette décotée. A chaque fois, c’est une question qui se pose. Les acteurs n’ont pas de difficulté à faire des write-offs quand la valeur est à un certain niveau, que leur dette est manifestement trop importante et quand, ils ont d’ores et déjà provisionné. S’ils n’ont pas provisionné, et c’est moins avouable, il va falloir «inventer» des outils pour pouvoir y arriver dans un premier ou un deuxième temps, car, en toute hypothèse, pour que l’entreprise puisse se retourner, il faut une dette en adéquation avec la capacité de remboursement de l’emprunteur.
Françoise Maljean : Avec l’asset quality review qui passe désormais en revue les actifs des banques de manière scrupuleuse et indépendante, je considère que la provision est un faux débat. Les banques sont obligées d’appliquer la réglementation qui s’impose à elles. En outre, la BCE vérifie désormais que les actifs des banques ne sont pas dépréciés.
Jean-Louis Detry : Chaque banque ne provisionne pas de la même façon sur la même société.
Françoise Maljean : Les banques sont tout de même libres de leur gestion ! Le problème vient du fait que le droit européen et la fiscalité française ne sont pas en accord. Cette question sera certainement sérieusement débattue. Les établissements font chacun leur analyse du risque des dossiers. Certains croient suffisamment dans la valeur de la société au point d’accepter un lender-led. D’autres peuvent avoir effectué une autre analyse. Mais dans tous les cas, ce n’est pas la provision qui va être le déclencheur du write-off.
Guillaume Cornu : Je suis pour ma part convaincu que ces fonds dont nous parlons, installés à Londres, sont très intéressés par le marché français et notamment celui du LBO. Le marché français, qui est le deuxième marché européen en termes de LBO, derrière la Grande Bretagne est le marché de demain pour tous les acteurs américains qui s’installent à Londres. Il va y avoir de nombreuses opportunités en France pour eux et pas uniquement sur des situations complexes. En effet, le marché français et notamment celui du LBO recèle de très beaux actifs. Pour les actifs de taille moyenne ou plus petite, les acteurs français que nous connaissons et dont certains sont d’ailleurs bien représentés autour de cette table-FCDE, Perceva, Vermeer- constituent de vraies solutions. Je pense que nous assisterons de plus en plus à des formes de partenariat entre ces investisseurs et des créanciers où, sur des situations complexes, des solutions de partage de la valeur seront recherchées afin de permettre des redressements pérennes d’entreprises en difficulté.
Laurent Jourdan : Je n’ai pas compris l’an dernier la communication de l’Afic indiquant que la plupart des LBO en difficulté avaient été traités et que le sujet était derrière nous. Premièrement, ce n’est pas du tout notre sentiment sur les six derniers mois. Deuxièmement, la tendance est non seulement qu’ils reviennent mais qu’en plus, l’opérationnel est fortement dégradé. Ce qui signifie que contrairement à la vague précédente, nous n’avons pas de temps. Il faut aller beaucoup plus vite qu’auparavant.
Une gouvernance adaptée
Rodolphe Pacciarella : Tout le monde pensait que le marché rebondirait rapidement après 2008-2009. Mais aujourd’hui après sept années de crise, force est de constater que ce ne sont plus uniquement des problèmes financiers qui doivent être gérés, mais également des problèmes de sous-performance dans un environnement défavorable. Pour sortir un dossier, il faut avoir analysé et anticipé les problématiques de l’entreprise pour construire le business plan et présenter des perspectives, avec des variantes que sont éventuellement les cessions d’actifs/restructurations opérationnelles/modifications de business model. Autre point central : la gouvernance après une restructuration. Elle doit être active mais pas forcément proactive.
Un prêteur peut-il devenir un bon actionnaire ? Va-t-il être tenté de vendre les actifs pour se rembourser au plus tôt, va-t-il vouloir redéployer et financer les investissements pour redonner des perspectives à l’entreprise ? Dans un contexte normal, l’actionnaire fixe le cap et le management s’applique à l’atteindre. Dans le cadre d’une restructuration, la séquence n’est plus la même. Le management doit prendre ses responsabilités et fixer lui-même le cap. Il doit commencer par la présentation du business plan et les perspectives, puis il doit faire adhérer les actionnaires, les créanciers ou les nouveaux entrants. Ceci demande des discussions parfois intenses, mais la pérennité de la société doit être la pierre angulaire qu’il faut défendre. C’est bien sûr ce que regardera le juge lors de l’homologation de l’accord. Il ne faut pas que le management se retrouve dans une situation où quelques mois après le sauvetage, l’intérêt des actionnaires/créanciers prédomine sur celui de l’entreprise. La gouvernance doit donc tenir compte de ces contraintes et éviter des situations de blocage conduisant inévitablement l’entreprise dans le mur.
Jean-Louis Detry : La gouvernance doit être détenue entre les mains d’une équipe de professionnels rompus à l’exercice. Encore une fois, bien souvent, les banquiers qui ont encore de la dette ne sont pas équipés pour assumer le rôle d’actionnaires et une gouvernance active, surtout dans des situations complexes. Par exemple, lorsque l’on entre dans un dossier, le management en place tire les ficelles et défend le business plan qu’il a lui-même construit. Il est alors difficile de le faire évoluer puisque le management cherche à défendre son bilan et continue à avancer certains chiffres sur lesquels les nouveaux entrants ne sont pas forcément d’accord.
Laurent Jourdan : La gestion n’est pas le métier des banques ! C’est pourquoi les banques françaises traditionnelles sont assez peu enclines à procéder à des lender-led. La gouvernance est la question centrale. Elles doivent s’appuyer sur une gouvernance sophistiquée et prévoir des modalités adéquates. Elles peuvent s’appuyer sur un management, encadré par des administrateurs indépendants. Il en va différemment des fonds qui ont procédé au préalable au rachat de la dette dont la capacité à devenir actionnaire est plus évidente. En outre, il convient de veiller également à s’assurer de la motivation du management dans le temps pour accompagner le lender-led. Le rôle du management est là aussi central.
Jean-Louis Detry : En ce qui concerne le management, la reconstruction d’un management package est indispensable lors des restructurations. Les managers ont subi des pertes dans le montage initial et se retrouvent avec des sommes parfois considérables qu’ils n’ont aucune chance de récupérer. Ce sont des actionnaires comme les autres, mais pas tout à fait : il est essentiel de les remotiver pour que l’entreprise tourne.
Benoît Sellam : La notion de gouvernance est en effet centrale. Ce qui compte, c’est que les parties prenantes soient en capacité de transformer l’entreprise, d’anticiper les mutations et de faire les bons choix stratégiques tout en résolvant les difficultés quand il y en a. L’ensemble doit être opérant pour prendre des décisions parfois difficiles dans le bon timing. Le fait d’avoir une gouvernance adaptée et des acteurs professionnels est indispensable.
Jean-Louis Detry : Les organisations de gouvernance comme celle que l’on a vue dans le dossier CPI, avec des administrateurs extérieurs, ne peuvent pas fonctionner. Car les décisions ne sont pas prises. La gouvernance doit être composée de leaders expérimentés et directement impliqués.
La pérennité de l’entreprise
Françoise Maljean : J’entends sans cesse qu’il faut désormais regarder la pérennité de l’entreprise. Mais nous l’avons toujours fait ! Entre 2008 et 2009, lors du début de la crise, des solutions provisoires ont pu être prises, pensant que la situation s’arrangerait quelques mois plus tard. Mais la pérennité de l’entreprise a toujours été au cœur de notre attention. Le dirigeant conserve son outil de travail, les créanciers sauvegardent leurs encours. Le but étant de l’accompagner, mais pas à n’importe quel prix.
Laurent Jourdan : La recherche de la pérennité de l’entreprise a toujours été une question cruciale ne serait-ce que parce que c’est la loi qui nous l’impose, c’est le critère essentiel de la possibilité de faire homologuer l’accord de conciliation.
Alexandra Bigot : En 2008-2009, personne ne savait quand la crise se terminerait et la plupart anticipaient une sortie de crise rapide. Tous les acteurs du marché ont donc préféré ne pas cristalliser leur perte au pire moment et ont repoussé le tas de sable en pensant que la situation s’améliorerait, sachant qu’au pire ils reviendraient à la table des négociations.
Françoise Maljean : Tout le monde n’a pas reporté le mur de la dette.
Laurent Jourdan : Reste que souvent il n’a pas été assez tranché dans le vif sur le poids de la dette et c’est pourquoi aujourd’hui on passe par un écrasement du passif, soit par des fonds qui rachètent la dette, soit par les négociations menées avec les investisseurs qui prennent le contrôle.
Françoise Maljean : Pas obligatoirement. Sur le marché de la dette décotée, il existe tellement de liquidités que la dette n’est pas obligatoirement écrasée massivement. Croyez-moi, nous avons beaucoup cédé ces derniers temps.
Jean-Pierre Farges : Mais c’est la première étape. Il est ensuite plus facile pour la personne qui a acquis de la dette de façon décotée de faire derrière un write-off. C’est la raison pour laquelle dans certains dossiers, le débiteur est ravi que la dette «trade»
Vincent Danjoux : Nous sommes entrés dans le monde de l’adolescence des restructurations de LBO, il y a sept ans nous étions dans l’enfance. La question de la gouvernance, qui est en effet clé, ne peut être abordée que lorsque les banques ont vendu leurs créances à des investisseurs qui n’achètent pas une créance ou du capital, mais un actif à travers ces instruments de passif. Ils restructurent alors véritablement la société d’un point de vue opérationnel et en assurent le contrôle.
Diane de Moüy : La question du new money est de plus en plus complexe à gérer lors du traitement des problématiques opérationnelles lorsque des investissements sont nécessaires. Notamment il est difficile pour les banques à qui l’on demande de plus en plus souvent des abandons de créances de consentir également à faire du new money.
Charles-Henri Carboni : Il faut cette fois-ci sortir les dossiers et mettre un terme définitif à la crise. En pratique, on tranche désormais dans le vif. Soit on fait rentrer d’autres actionnaires en cédant la créance, soit on vend des actifs pour nettoyer complètement la dette et repartir avec un morceau amputé, mais valide. Les dossiers ne connaissaient pas un tel traitement il y a deux ans.
Perspectives
Rodolphe Pacciarella : Le marché se compose d’actifs très intéressants aujourd’hui. Beaucoup d’acteurs corporate français ou étrangers et fonds d’investissement étudient des opportunités de reprise. Je note par ailleurs que dans plusieurs dossiers, le process de restructuration débute plus amont qu’avant. Compte tenu des difficultés et de la rétraction des délais de négociations, l’équipe : management, conseils financiers, avocats, banquiers d’affaires, est désormais prête à l’ouverture du mandat. La proposition de restructuration peut alors être présentée dès le début des discussions avec les créanciers. Cela permet de rechercher alors d’éventuels repreneurs plus rapidement. Mais cela permet également de prendre en compte de manière constructive le résultat des discussions comme des sensibilités sur le business plan, définir le niveau de dette supportable et analyser les conséquences sur la valeur d’entreprise. Ce temps permettra aux prêteurs de se positionner sur leur rôle futur dans le dossier. Ce temps servira également à prendre en compte les intérêts de nouveaux détenteurs de dettes actifs sur le marché secondaire, à analyser les rapports de force entre créanciers pour décliner ensuite les solutions de gouvernance.
Charles-Henri Carboni : Le pré-pack à la française sera, à mon avis, compliqué à mettre en œuvre. On n’est pas allé au bout de la logique. Le pré-pack à l’anglaise se négocie de façon amiable et tout le monde est mis devant le fait accompli. Dans le cas français, il faudra l’autorisation du parquet et lui expliquer pourquoi le processus a été transparent en amont et pourquoi on peut se priver de faire un appel d’offres. Un exercice qui me semble difficile.
Les réglementations de plus en plus contraignantes pour les banques, les quelques modifications de l’ordonnance et l’ambiance générale devraient encourager les établissements bancaires à céder leurs créances. Les fonds d’investissement opportunistes vont entrer sur le marché et vont probablement changer la nature des négociations. Ce ne sera pas forcément mauvais, ce pourra être plus rapide et efficace.
Laurent Jourdan : Visiblement le marché du LBO repart, mais celui du LBO en difficulté ne faiblit pas. Je considère que l’on n’a pas appris des crises précédentes et notamment au niveau de l’anticipation. Je ne crois pas que les fonds aient pris les bons réflexes et certains managers ont du mal à anticiper les difficultés et surtout à les annoncer à leurs actionnaires. Il y a sans doute eu un manque de pédagogie de notre part.
S’agissant de la réforme, ce n’est pas le grand soir mais elle apporte des éléments fondamentaux sur quelques points techniques. Par exemple le fait que le privilège de new money joue désormais non plus seulement dans une hypothèse liquidative mais également dans le cadre des plans de continuation et des plans de sauvegarde. Un changement important pour les apporteurs d’argent frais. Enfin malgré tout ce qui peut être dit, le débiteur et la préservation de sa pérennité demeure au centre du dispositif et c’est heureux.
Christophe Ambrosi : Le monde des sociétés en difficulté s’est grandement professionnalisé au cours des années récentes. Les acteurs et les outils sont là, ce qui permet de traiter les situations. Il est important de souligner, dans le traitement d’une difficulté, qu’il faut préserver au maximum la relation avec les partenaires bancaires, car les entreprises ont et auront besoin des banques après l’opération : financement des capex, lignes de cautions ou de credoc, etc. Le vrai travail commence après l’opération et les partenaires bancaires sont essentiels dans la durée.Jean-Louis Detry : Effectivement, on a parfois l’impression que le dossier s’arrête le soir où l’on a signé le deal. En réalité, l’aventure commence.Benoît Sellam : Tous les outils sont sur la table pour sortir les dossiers par le haut : les moyens financiers, la compétence des acteurs, la réglementation et l’expérience.