Parole d’expert

La subsidiarité

Publié le 21 mars 2025 à 15h00

Prospheres Dirigeants    Temps de lecture 4 minutes

Chez Prospheres, nous observons dans un grand nombre d’entreprises, une sous-utilisation des compétences des salariés, ce qui pénalise tout autant la performance de l’entreprise que le développement personnel et professionnel des personnes. Autrement dit, les personnes physiques comme les personnes morales gagneraient souvent à davantage de subsidiarité.

Par Michel Rességuier, managing partner, Prospheres Dirigeants

Nombreux sont les dirigeants qui se plaignent de ce que leurs collaborateurs ne prennent pas suffisamment d’initiatives et de responsabilités. Il m’arrive d’ailleurs d’en faire partie. Or, cela provient souvent d’un écosystème de l’entreprise qui, sans que les acteurs n’en soient conscients, entrave les capacités des collaborateurs. Ces mêmes collaborateurs sont des adultes qui exercent, dans leur vie privée, des responsabilités considérables comme celles de voter pour les dirigeants du pays ou d’élever des enfants. Et pourtant dans l’entreprise, ils peuvent facilement se retrouver limités à l’application de processus nécessaires mais insuffisants.

La subsidiarité est un vieux concept. On trouve déjà le terme de subsidium dans « La Guerre des Gaules » de Jules César, qui peut être traduit par les quatre mots suivants selon le contexte militaire concerné :

– secours ;

– renfort ;

– aides ;

– réserves.

Cela montre bien que la subsidiarité n’évacue pas l’autorité, contrairement à ce que certains ont voulu comprendre du concept d’entreprise libérée. C’est pourquoi chez Prospheres dirigeants, nous lui préférons le terme d’entreprise responsabilisée. En effet, la subsidiarité est enchâssée dans une délégation de pouvoir, formalisée ou implicite.

Il existe au moins deux acceptions contemporaines de la subsidiarité, assez différentes l’une de l’autre :

– celle du pape Pie XI dans son encyclique Quadragesimo Anno en 1931 : « Ce serait dommageable de retirer à l’ordre inférieur [...] les fonctions qu’il est capable de remplir... » ;

– celle du président de la Commission européenne Jacques Delors dans l’article 38 du traité européen de Maastricht en 1992, qui restreint la subsidiarité aux seuls cas où l’échelon inférieur peut mieux faire que l’échelon supérieur.

Pour le développement des entreprises comme pour le développement des personnes, la pensée de Pie XI nous semble beaucoup plus performante.

Selon notre expérience, la mise en œuvre de la subsidiarité dans l’entreprise n’a rien de vraiment difficile, mais elle requiert deux décisions essentielles de la part du dirigeant.

– Faire de l’entreprise une maison de verre pour ses salariés

En effet, il est illusoire, sinon malsain, de demander à quelqu’un de prendre des responsabilités en limitant son accès à l’information. Ce n’est pas celui qui donne une délégation de pouvoir, qui peut définir l’étendue des informations dont le délégataire aura besoin pour exercer sa mission. La jurisprudence confirme d’ailleurs cette évidence lorsqu’il s’agit d’évaluer la solidité d’une délégation de pouvoir formalisée. Or, cette condition de la subsidiarité est souvent la plus difficile à mettre en œuvre pour le dirigeant, pour des raisons psychologiques ; car détenir l’information est trop souvent utilisé pour détenir le pouvoir.

– Enseigner aux collaborateurs comment prendre davantage de décisions dans l’entreprise

Personne n’ajoute, du jour au lendemain, la prise d’initiative et des responsabilités au simple respect des procédures. Pour accroître la subsidiarité dans son entreprise, le dirigeant va devoir mettre en place un programme de formation de tous ses collaborateurs. Bien entendu, certains collaborateurs ne l’appliqueront pas vraiment, parce qu’ils n’en auront pas envie ou parce que les responsabilités leur feront peur – comme dans leur vie privée d’ailleurs. Néanmoins, l’expérience nous a montré dans toutes les 220 entreprises que nous avons accompagnées depuis 25 ans, que des salariés se sont toujours levés pour mettre en œuvre ces nouvelles compétences de savoir-être et soulager ainsi la direction de bien des tâches et bien des responsabilités qui pouvaient être déléguées. Mais l’expérience nous a aussi montré qu’il était impossible d’identifier par avance parmi les salariés, ceux qui tireraient pleinement profit de cette formation. L’individu est mystérieux pour lui-même ; il l’est donc a fortiori pour son patron. C’est pourquoi la démarche risquerait d’être un échec si la formation n’était pas dispensée à la totalité des collaborateurs de l’entreprise.

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