Eric Quentin, associé en droit fiscal chez Hoche Avocats, assiste principalement des grands groupes, des ETI, des dirigeants qui font l’objet de contrôles fiscaux ou doivent apurer des litiges avec les autorités fiscales. Il nous livre son analyse du panorama actuel du contentieux fiscal en France.

Depuis la loi relative à la lutte contre la fraude du 23 octobre 2018 qui a rendu obligatoire le dépôt d’une plainte dès lors que certains critères sont remplis, des changements majeurs sont intervenus pour les contribuables, que l’on parle des entreprises ou des particuliers. Auparavant, la commission des infractions fiscales à Bercy filtrait les dossiers – environ 1 000 par an – et le ministère choisissait ses cibles prioritaires. Le dossier était alors transmis au Parquet et celui-ci décidait soit de classer sans suite, soit d’engager des poursuites pour des faits de fraude fiscale. Désormais, il peut y avoir une transmission automatique du dossier au PNF, sans filtrage par l’administration.
Une intervention en conseil plus précoce
Cela a beaucoup changé la façon de travailler des avocats spécialisés en contentieux fiscal car les enjeux sont à la fois financiers, juridiques – en lien avec la pénalisation des infractions – et réputationnels, même si, jusqu’ici, l’administration n’a pas abusé de la pratique du name & shame. Aujourd’hui, les entreprises nous font intervenir beaucoup plus en amont dans les contrôles fiscaux lorsque les enjeux sont élevés dans ces domaines ou qu’il y a un risque fort de pénalités. Dans les dossiers fiscaux à fort enjeu, qu’ils soient financiers ou réputationnels, les grands groupes ont de plus en plus recours à plusieurs cabinets d’avocats (deux, parfois trois) aux approches complémentaires. L’objectif est de maximiser les chances de succès en s’appuyant sur des expertises variées, sans esprit de concurrence entre les conseils. Le rôle principal d’un avocat fiscaliste est de prévenir toute évolution vers une procédure pénale. Néanmoins, quand un dossier prend une tournure pénale, les fiscalistes passent le relais à des avocats spécialisés dans ce domaine.
Une pénalisation croissante du délit fiscal
Près de 30 % des contrôles fiscaux sont assortis de pénalités, soit un pourcentage très conséquent. La pénalisation en matière de droit fiscal a donc beaucoup modifié la donne en matière d’assistance. Or, le temps du pénal n’est pas celui de la procédure fiscale. Depuis la loi Fraude susvisée, une fois qu’un dossier est transmis par l’administration fiscale au parquet, il peut s’écouler plusieurs années (souvent quatre à cinq ans) avant qu’une décision judiciaire ne soit prise. Cette lenteur crée une incertitude particulièrement difficile à gérer dans le monde des affaires. C’est justement pour éviter cette incertitude que les contribuables et leurs conseils cherchent plus fréquemment qu’avant à conclure des accords avec l’administration fiscale en amont, avant toute transmission automatique au parquet.
Le crédit d’impôt recherche : un axe de contrôle fort
Avec plus de 7 milliards d’euros, le crédit d’impôt recherche (CIR) est la première dépense fiscale de l’Etat. Si on ajoute l’IP Box (taux d’impôt réduit sur les redevances de brevets et logiciels), soit environ 1 milliard d’euros, on obtient un total de l’ordre de 8 milliards d’euros pour ces deux dispositifs visant à attirer des chercheurs ainsi que de la propriété intellectuelle et industrielle en France. A la suite de contentieux emblématiques que nous avons portés, nous avons beaucoup de dossiers en cours au cabinet en matière de CIR. Le CIR est un sujet technique. Peu d’acteurs le maîtrisent bien. Le cabinet Hoche Avocats est à l’origine de plusieurs décisions de justice importantes, dont certaines ont même influencé la législation, comme la définition des subventions publiques (affaire FCBA, reprise dans la loi de finances 2025). D’autres décisions notables concernent la sous-traitance non agréée (affaire FNAMS) ou les grands groupes du secteur ESN (sous-traitance).