Dans un environnement marqué par une forte instabilité et une croissance atone, les entreprises se réorganisent et tentent de maintenir un niveau de compétitivité en développant des actifs incorporels forts, qu’il s’agisse de marques, de brevets ou encore de solutions logicielles susceptibles de leur apporter une capacité de différenciation.

En parallèle, dans un contexte de dérapage des comptes publics, la lutte contre la fraude prétendument, censée pouvoir atténuer le déficit budgétaire, conduit à une action parfois dogmatique de la part de certains services de vérification de l’administration fiscale.
Au-delà des anticipations sur l’évolution de notre fiscalité, le risque fiscal est d’ores et déjà bien présent pour les entreprises et il se concentre dans les domaines où la fiscalité rejoint l’économie, la finance ou la science, conduisant à des litiges portant sur des sujets particulièrement subjectifs où plusieurs points de vue peuvent coexister avant que ne se dégage un hypothétique consensus, privant les entreprises de sécurité fiscale.
Les réorganisations intragroupes et la question de la juste valeur
La rationalisation de l’organisation des groupes conduit fréquemment à des cessions de titres ou d’actifs incorporels au sein même du groupe. S’agissant d’opérations « entre parties liées », la suspicion d’anormalité est alors exacerbée. Les équipes de vérification sont amenées à se prononcer sur des sujets d’évaluation techniques qui nécessitent un solide socle de connaissances économiques et financières très éloignées des formations initiales en fiscalité.
Les prix de transfert
Pour un groupe qui a réparti son risque géographiquement et dispose de filiales étrangères, les litiges en matière de prix de transfert sont devenus fréquents. L’abaissement progressif du seuil de l’obligation de documentation devenue opposable à l’entreprise ainsi que l’allongement des règles de prescription à six ans pour les incorporels difficiles à évaluer conduisent à une forte hausse du risque sur un sujet où les marges d’incertitude sont élevées.
Les avantages liés à la recherche
Si la France est parvenue à maintenir une attractivité tout en étant championne du monde des prélèvements obligatoires, c’est au prix d’une politique incitative en matière d’innovation et de recherche. Qu’il s’agisse du CIR ou du régime avantageux de l’IP box qui permet de bénéficier d’un taux d’impôt sur les sociétés de 10 %, les points d’achoppement lors des contrôles portent régulièrement sur la question délicate et subjective de l’éligibilité des projets et actifs développés. L’administration tend à remettre fréquemment en cause le bénéfice de ces régimes incitatifs. L’issue des nombreux litiges parfois tranchés par un représentant du ministère de la Recherche est aussi longue qu’aléatoire.
Les pistes d’espoir :
– La sagesse des juges
Une récente décision de la cour d’appel de Paris du 5 mars 2025 rendue dans l’« affaire SEITA » vient utilement rappeler les conditions strictes dans lesquelles l’administration fiscale peut remettre en cause une valeur retenue lors d’une cession intragroupe.
L’administration qui supporte la charge de la preuve de l’anormalité du prix doit nécessairement fonder son analyse sur des hypothèses économiques solides, documentées, cohérentes, et non sur des modélisations arbitraires ou théoriques. L’administration ne peut substituer sa propre méthode sans démontrer en quoi la méthode retenue par l’entreprise est inadaptée ou erronée. Elle doit par ailleurs démontrer que sa méthode, reposant sur des données concrètes, contextualisées et conformes aux pratiques de marché, est objectivement plus fiable que celle utilisée par l’entreprise.
– Les évolutions culturelles
Parallèlement au renforcement de l’imbrication entre les pénalités fiscales et les poursuites pénales destinée à sanctionner les « mauvais élèves », l’exécutif a fait la promotion pour les « bons élèves » du partenariat fiscal pour les grandes entreprises et de l’accompagnement fiscal personnalisé pour les plus petites entreprises. Ces régimes permettent de sécuriser divers sujets fiscaux, en amont des déclarations, au travers de rescrits dans une véritable relation de confiance avec l’administration bien loin de la défiance observée dans de nombreux contrôles fiscaux.
Dans un registre voisin, l’examen de conformité fiscale (ECF), qui consiste à soumettre la liasse fiscale annuelle à un audit par un tiers de confiance et à s’engager à régulariser les éventuelles anomalies identifiées, permet d’éviter le risque de pénalité sur les points audités et de facto le risque pénal. L’ECF est donc un outil de sécurisation utile qui n’est pas l’apanage des petites entreprises.
L’entreprise doit s’approprier ces nouveaux outils de sécurisation vertueux, aussi bénéfiques pour elle que pour l’économie française.