La lutte contre la fraude fiscale n’a jamais été aussi fortement inscrite parmi les priorités des pouvoirs publics. Le rapport d’activité 2024 du Parquet national financier en témoigne avec force : la majorité des procédures ouvertes concerne des atteintes aux finances publiques. A la procédure pénale s’ajoute, presque systématiquement, une procédure fiscale, régie par ses propres règles et son propre calendrier. Dans ce double contexte répressif, l’élaboration d’une stratégie de défense globale s’impose comme une nécessité absolue, seule garante d’une protection efficace et cohérente des intérêts du contribuable.
Chaque contrôle fiscal est porteur d’un risque pénal

Depuis l’entrée en vigueur de la loi du 23 octobre 2018, qui a instauré un mécanisme de transmission automatique des dossiers fiscaux au parquet, le lien entre contrôle fiscal et risque pénal s’est considérablement resserré. Désormais, tout rehaussement d’impôt excédant 100 000 €, assorti d’une majoration de 100 %, 80 % ou 40 % (dans ce dernier cas lorsque le contribuable a déjà été sanctionné dans les six dernières années), doit être obligatoirement transmise au procureur de la République au stade de la mise en recouvrement. Ce dernier dispose alors de l’opportunité d’ouvrir une enquête pour fraude fiscale. Ainsi, chaque contrôle fiscal est porteur d’un risque pénal.
Elaborer une stratégie de défense globale dès les opérations de contrôle
Il appartient au contribuable, dès le déclenchement des opérations de vérification, d’identifier les chefs de redressement susceptibles d’entraîner une majoration ouvrant la voie à la transmission automatique du dossier au parquet. L’enjeu est double : défendre efficacement la position fiscale tout en anticipant les implications pénales potentielles.
Dans cette perspective, une attention particulière doit être portée à la rédaction des réponses, observations et échanges écrits avec l’administration. Ceux-ci sont en effet susceptibles d’être versés au dossier pénal. Il convient de développer une argumentation technique efficace mais aussi de mettre en avant, de manière stratégique, les éléments à décharge auxquels un procureur pourrait être sensible.
Par ailleurs, les contribuables doivent avoir conscience que d’autres mécanismes permettent une saisine plus rapide du parquet, indépendamment de l’issue du contrôle fiscal. Il n’est pas rare que certains découvrent l’existence d’une enquête pénale ayant un sous-jacent fiscal à l’occasion d’une perquisition, sans avoir été préalablement informés d’une quelconque procédure fiscale.
Une approche nécessairement coordonnée, malgré l’indépendance formelle des procédures
Si les procédures pénales et fiscales restent, en principe, indépendantes tant dans leur objet que dans leur déroulement, elles n’en demeurent pas moins intimement liées en pratique. En principe, chacune suit ses propres règles procédurales, avec des calendriers distincts. Le juge pénal n’est pas tenu de surseoir à statuer dans l’attente de la décision du juge fiscal, et, en l’absence de décharge définitive de l’imposition pour un motif de fond, le juge pénal reste saisi et peut statuer.
Toutefois, dans les faits, parquet et administration fiscale collaborent étroitement. Ils se communiquent les éléments de leurs dossiers respectifs – notamment ceux issus de saisies ou de la coopération internationale – et organisent des réunions de coordination sur les affaires les plus sensibles.
Du point de vue du contribuable, chaque prise de position dans l’une des procédures peut avoir des conséquences sur l’autre : une contestation vigoureuse du redressement et de la pénalité avant la mise en recouvrement peut faire obstacle à la transmission au parquet, tandis qu’une reconnaissance des faits dans le cadre pénal peut nuire à une contestation devant le juge fiscal. De même, certaines irrégularités dans la procédure fiscale peuvent entraîner la nullité de la procédure pénale.
L’analyse stratégique doit donc être menée de manière transversale, en tenant compte des interactions entre les deux volets du dossier. Dans certains cas, ce sont d’ailleurs les autorités elles-mêmes qui imposent une résolution coordonnée. Tel est notamment le cas lorsqu’une issue transactionnelle est envisagée avec le parquet : celle-ci sera conditionnée au règlement ou à l’engagement de règlement de la dette fiscale.