Si dans les pays anglo-saxons, la fonction de compliance officer est solidement ancrée depuis de nombreuses années, son introduction en France est plus récente. Plusieurs sociétés cotées françaises, notamment les groupes du CAC 40, avaient cependant mis en place cette fonction bien avant la promulgation de la loi Sapin II fin 2016. C’était notamment le cas des sociétés françaises cotées aux Etats-Unis, qui avaient réagi aux lourdes amendes prononcées par les autorités américaines contre des groupes européens. Il s’agissait alors de se doter d’un programme anticorruption efficace afin d’éviter des sanctions financières et de ne pas se voir imposer la mise en place d’un programme de compliance sous contrainte comme peut l’exiger l’autorité américaine.
En matière de lutte contre la corruption, il est bien sûr indispensable que l’impulsion vienne du plus haut de l’exécutif («tone from the top») afin d’inculquer, développer et promouvoir une véritable culture éthique dans la société ou le groupe. Le rôle du compliance officer demeure néanmoins essentiel. Avec le support de la direction, c’est lui qui sera au quotidien responsable de la mise en œuvre opérationnelle du programme de conformité et en charge de promouvoir et diffuser cette culture éthique dans l’ensemble des filiales du groupe, y compris et surtout dans les filiales étrangères. En effet, ces dernières sont souvent éloignées des centres de décision et il est important qu’elles se sentent concernées par la politique de compliance du groupe. L’efficacité d’un programme implique qu’il soit connu, compris et appliqué sur le terrain. A cet égard, il est essentiel que le compliance officer bénéficie de relais, notamment dans les filiales, avec un référent local et qu’il développe un véritable réseau anticorruption au sein du groupe.
Une fois le programme de compliance élaboré et diffusé, c’est le compliance officer qui sera le point de contact pour toute question ou précision dans sa mise en œuvre, notamment auprès des opérationnels et des commerciaux. C’est également lui qui va s’assurer que le code de conduite est correctement appliqué, que les formations indispensables ont été dispensées (formations en présentiel ou en e-learning), et qui va initier et suivre les éventuelles enquêtes internes lors de soupçons ou de faits de corruption. En cas de contrôle de l’Agence française anticorruption (AFA), c’est lui également qui sera l’interlocuteur de référence.
Généralement, le rôle du compliance officer ne se limite pas à la prévention et la lutte contre la corruption, il intervient dans d’autres domaines liés à la compliance comme la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme, la prévention des conflits d’intérêts, la gestion de l’information privilégiée ou les délits d’initiés. Afin de pouvoir exercer pleinement sa fonction et l’ensemble des missions qui lui sont dévolues, le compliance officer doit disposer de moyens matériels et humains suffisants, notamment afin de pouvoir mettre en place les outils appropriés nécessaires à l’évaluation de l’intégrité des tiers.
Pour exercer pleinement les prérogatives qui sont les siennes, il est essentiel que le compliance officer soit rattaché à la direction générale et qu’il bénéficie de son soutien affirmé, montrant ainsi l’engagement que les dirigeants exécutifs portent à la lutte contre la corruption et leur attachement aux valeurs éthiques au sein de l’entreprise. Cela n’empêche pas la fonction d’avoir un périmètre variable selon les sociétés. Afin d’assister les dirigeants dans la mise en place d’une fonction conformité intégrée et efficace et d’aider les compliance officers dans l’exercice de leurs fonctions, l’AFA a publié en février dernier un guide pratique sur «La fonction conformité anticorruption dans l’entreprise» qui est inspiré de l’expérience qu’elle a tirée de ses activités d’appui et de contrôle.
Si le compliance officer devient une figure essentielle des grandes entreprises, il travaillera fréquemment main dans la main avec le secrétaire général, autre fonction de plus en plus répandue dans les grandes entreprises françaises, ou sous la direction de celui-ci. Secrétaire général et compliance officer ont d’ailleurs en commun de sauter facilement les frontières des différentes sociétés qui composent un groupe et de travailler véritablement au niveau de ce dernier.