L’éventail d’outils d’intéressement dans le cadre d’un management package peut être subdivisé en deux catégories : ceux nécessitant un investissement de la part de leurs bénéficiaires (et portant un risque de perte en capital) qu’il est nécessaire de faire souscrire à leur valeur de marché (et de faire valoriser par un tiers indépendant) et ceux qui sont attribués gratuitement. Selon qu’il s’agit d’un LBO primaire, secondaire voire ultérieur et selon la population de managers à laquelle l’investisseur financier (et/ou le management) souhaite s’adresser, un ou plusieurs de ces instruments peuvent être proposés. La loi de finances pour 2018 a introduit une imposition à taux proportionnel unique et global de 30 % des revenus de capitaux mobiliers. Cette flat tax a mis fin à l’assujettissement des revenus de capitaux mobiliers au barème progressif mis en place en 2012 et qui avait sonné le glas de certains outils tels que les BSA. La flat tax s’applique dorénavant à tous les types de revenus de capitaux mobiliers, à savoir les plus-values, les dividendes et les intérêts.
Les outils gratuits : mécanismes de partage de création de la valeur
Les plus notables des dispositifs gratuits sont les actions gratuites («AGA») et les bons de souscription de parts de créateur d’entreprise («BSPCE»). On retrouve également les options de souscription ou d’achat d’actions («stock-options»), assez peu usitées en pratique en raison d’un régime fiscal et social moins attractif.
Par ailleurs, le dispositif d’épargne salariale adossé à un FCPE investi en titres de l’entreprise ainsi que le nouveau régime de partage de plus-value entre actionnaires et salariés introduit par la loi Pacte1 complètent l’arsenal des outils permettant aux actionnaires de partager les fruits de la création de la valeur.
Les AGA
Les AGA permettent d’attribuer gratuitement des actions aux salariés et mandataires sociaux de la société qui les émet, et sous certaines conditions, à ceux d’une société du même groupe.
Elles sont soumises à des périodes d’acquisition (durant laquelle le bénéficiaire n’est pas encore propriétaire) et, le cas échéant, de conservation, dont la durée cumulée ne peut être inférieure à deux ans et qui fixent les dates auxquelles elles sont acquises par leurs bénéficiaires. Il est également possible de créer des actions gratuites de préférence (ou de performance) ayant des caractéristiques, notamment pécuniaires, différenciées.
Les AGA sont soumises au respect d’un plafond individuel (elles ne doivent pas conduire un bénéficiaire à détenir plus de 10 %2 du capital social de la société émettrice) et d’un plafond collectif (le nombre total des AGA ne peut excéder 10 % du capital social de la société existant à la date d’attribution et 15 % s’agissant des PME non cotées).
Sur le plan fiscal et social, les AGA bénéficient d’un régime réglementé, garantie de sécurité juridique et à nouveau relativement attractif depuis l’instauration de la flat tax.
Les BSPCE
Instrument attribué gratuitement et incessible, un BSPCE donne droit à son bénéficiaire le droit de souscrire un nombre déterminé d’actions à un prix fixé au moment de l’attribution. Il permet d’aligner les intérêts des managers/salariés avec ceux de la société, son exercice pouvant au choix être conditionné à une durée de présence ou à des critères de performance individuelle et/ou collective.
Les BSPCE peuvent être attribués par toute société par actions passible de l’impôt sur les sociétés, immatriculée depuis moins de 15 ans et dont un certain pourcentage du capital est détenu directement ou indirectement par des personnes physiques ; ce qui explique qu’ils soient le plus souvent utilisés lors des LBO primaires.
Sont éligibles à ce dispositif les dirigeants soumis au régime fiscal des salariés, les salariés, les dirigeants et salariés des filiales détenues à 75 % et, nouveauté de la loi Pacte, les membres de conseil d’administration, de conseil de surveillance et, en ce qui concerne les SAS, les membres de tout organe statutaire équivalent.
La plus-value de cession des actions en exercice des BSPCE peut sous certaines conditions être assujettie à la flat tax.
Les stock-options
Les stock-options permettent aux salariés et mandataires sociaux d’une société, et sous certaines conditions aux salariés et mandataires sociaux d’une société du même groupe, de souscrire ou d’acheter des titres à un prix fixé le jour où l’option est offerte.
L’attribution de stock-options est soumise au respect d’un plafond individuel (10 % du capital social au moment de l’attribution) et d’un plafond collectif (un tiers du capital social ou 10 % du capital en ce qui concerne les options d’achat d’actions).
En revanche, en raison d’un régime fiscal et social lourd (contribution patronale élevée au moment de l’attribution des options, plus-value d’acquisition soumise aux prélèvements sociaux et contribution salariale de 10 % notamment), les stock-options sont devenues moins attractives et très souvent réservées au seul bénéfice des managers étrangers non éligibles aux autres dispositifs d’intéressement.
Actionnariat salarié collectif et FCPE investi en titres non cotés de l’entreprise
Le FCPE (réservé aux salariés d’une entreprise (ou d’un groupe) et destiné à recevoir leur épargne salariale) peut être un mécanisme d’intéressement des salariés et de prise de participation indirecte, sous réserve de l’existence d’un PEE. Les titres de l’entreprise peuvent être acquis par le FCPE, grâce à l’épargne des salariés (éventuellement abondée par la société), parfois avec décote. Le FCPE peut conclure un pacte avec les autres associés. Afin d’organiser la liquidité du FCPE (permettre le rachat des parts du FCPE détenues par les salariés), des mécanismes de liquidité doivent exister (avoir au moins un tiers de titres liquides, bénéficier d’une garantie de liquidité extérieure, et un engagement de la société (ou d’une société du groupe) de racheter les titres, dans la limite de 10 % du capital). Ce type de dispositif est généralement favorisé dans le mid et large cap.
Le nouveau dispositif légal de partage de plus-value entre actionnaires et salariés
Introduit par la loi Pacte, le partage de la plus-value est un mécanisme reposant sur un acte volontaire d’un actionnaire de partager une partie de la plus-value réalisée à l’occasion de la cession de ses titres avec l’ensemble des salariés de la société, ces derniers ne devenant pas actionnaires par cette voie.
Il s’agit d’un contrat conclu entre l’actionnaire concerné et la société, à charge pour elle de répartir la partie de la plus-value versée sous la forme d’un abondement à l’ensemble des salariés par versement dans un PEE préexistant dans la limite de 10 % du montant de la plus-value et sous réserve que la cession des titres ait lieu trois ans après la conclusion du contrat. Le montant maximum individuel pouvant être perçu est à ce jour de 12 157 euros, les sommes versées venant en diminution du montant de la plus-value de l’actionnaire concerné.
Les outils payants
Les dispositifs payants connaissent auprès de l’administration fiscale des fortunes diverses en fonction (i) de l’existence ou d’un régime juridique spécifique, (ii) du caractère réel du risque pris par le manager tel qu’apprécié par l’administration, (iii) de l’acquisition ou non de l’instrument à la valeur de marché et (iv) du contexte dans lequel l’instrument a été acquis par le manager (en raison de sa qualité de salarié ou de dirigeant).
Les actions ordinaires ou actions de préférence
La structuration des packages passe maintenant généralement par l’émission d’actions ordinaires et d’ADP. Ces titres présentent une souplesse tant sur le plan de la qualité des personnes susceptibles de souscrire et du nombre de titres ouverts à la souscription que sur celui de la possibilité d’assortir les actions de droits particuliers (tels qu’un taux d’intérêt (ADP hurdle) ou le droit au partage de droits financiers suite à l’atteinte d’objectifs de performance (ADP ratchet)), d’y attacher des valeurs mobilières, de convertir les ADP en un nombre supérieur d’actions ordinaires, etc. L’émission d’ADP nécessite toutefois l’intervention d’un commissaire aux avantages particuliers et demande que soit également effectuée une valorisation indépendante afin de démontrer que le souscripteur n’a pas bénéficié d’un avantage financier.
Les BSA
Les BSA confèrent à leur titulaire le droit de souscrire des actions de la société émettrice à un prix, pendant une période, dans des proportions et à des conditions fixées au moment de l’attribution. Ils peuvent être utilisés notamment dans les situations où il n’est pas souhaité que leurs détenteurs accèdent directement au capital.
Sur le plan fiscal et social, les BSA (qui doivent être valorisés par un tiers indépendant) sont redevenus attractifs depuis l’instauration de la flat tax (imposés à 30 % en tant que revenus de capitaux mobiliers quelle que soit la durée de détention).
Les packages contractuels
Les management packages sont parfois contractuels et prennent alors souvent la forme de conventions ou promesses aux termes desquelles des investisseurs s’engagent à reverser à un ou plusieurs managers une partie de leur plus-value réalisée à l’occasion d’une cession de titres en contrepartie de l’implication du ou des managers en question et de l’atteinte de critères de performance.
Ces conventions ne bénéficient d’aucun cadre légal particulier et comportent en conséquence un fort risque de requalification des sommes perçues par les managers en revenu d’activité soumis à cotisations sociales (tant il sera en général difficile de démontrer l’existence d’un risque capitalistique pris par le manager, surtout lorsque les promesses ne sont pas valorisées ou le sont très en dessous de leur valeur réelle).
La jurisprudence récente3 tend à décourager leur usage dans les management packages.