Expertise

Quelles solutions pour les LBO en difficulté ?

Publié le 8 février 2021 à 17h21    Mis à jour le 9 février 2021 à 17h20

Compte tenu des mesures de soutien, la crise actuelle ne s’est pas encore traduite par un afflux de défaillances. Le réveil pourrait cependant être difficile et les efforts à consentir douloureux au regard des risques de difficultés durables.

Le caractère inédit de la crise sanitaire actuelle de la Covid appelle à l’humilité quand il s’agit d’envisager ses dommages collatéraux sur l’économie et les perspectives des entreprises françaises. Force est de constater que, grâce à l’ampleur des mesures initiées par l’Etat (report de charges, activité partielle, PGE), le nombre de défaillances est à un niveau historiquement bas. Les entreprises françaises résistent donc jusqu’à présent à ces réductions drastiques d’activité, à l’exception de celles qui étaient déjà en difficulté en amont de la crise, ou qui évoluent sur certains secteurs directement impactés par les mesures de confinement/couvre-feu/restriction de déplacement (tourisme, aéronautique, distribution, événementiel…).Le constat est globalement le même pour le monde du LBO. Nous avons notamment pu observer, sur le dernier semestre 2020, une forte activité de la part des investisseurs financiers pouvant s’analyser par un effet « décalage » des dossiers mis en stand-by durant le premier confinement, et qui ont finalement été traités en fin d’année. En complément, l’afflux de liquidités, sur une classe d’actifs encore un peu rémunératrice, ainsi que la stratégie opportuniste de recherche de build-up incitent les fonds à investir. Egalement, nous constatons une plus grande sélectivité sectorielle, au détriment du volume de dossiers, favorisant les entreprises qui ont démontré dans ce contexte une certaine résilience en termes d’activité et de rentabilité.

Ainsi, même si l’impact de la crise n’est encore que partiellement observé à ce stade, il est vraisemblable que l’arrêt de la « perfusion » et la nécessité de rembourser les aides obtenues se traduisent prochainement par d’importantes difficultés pour nombre d’entreprises, et notamment pour celles sous LBO qui portent déjà un niveau conséquent de dettes.

Anticiper et prendre les mesures opérationnelles

Quelle que soit l’origine de la crise, les réflexes doivent rester les mêmes et il est indispensable de faire le bon diagnostic de la situation avant d’envisager les solutions à mettre en œuvre. Concernant les LBO, il conviendra notamment de comprendre la nature et l’ampleur des difficultés. Un service de la dette d’acquisition devenu surdimensionné au regard d’un niveau d’Ebitda pénalisé par la crise, et en deçà des prévisions initiales, trouvera potentiellement une issue favorable plus aisément que si la cible est elle-même confrontée à des difficultés opérationnelles nécessitant de nouveaux financements. Dans ce cadre, l’anticipation et le pilotage du cash restent plus que jamais des éléments déterminants pour favoriser les chances d’un retournement, et financer les mesures envisagées et le BFR post-reprise. Ainsi, sous LBO, si le management et les actionnaires ont généralement activé toutes les possibilités de financement accessibles à l’entreprise, ainsi que les leviers opérationnels « évidents » tels que la mobilisation des équipes sur l’encaissement des créances clients et le gel des dépenses et des investissements jugés non essentiels, nous constatons qu’il reste encore des marges de manœuvre à exploiter. Par exemple, il est fréquent de constater qu’un contrat d’affacturage qui était en place avant la naissance des difficultés est devenu significativement « sous-performant », que le financement disponible est bloqué en réserves par le fait de mécanismes contractuels et opérationnels complexes. Ces sujets sont souvent mal appréhendés par les opérationnels et une action spécifique experte a souvent un impact rapide sur le niveau de trésorerie. De même, afin de pouvoir renouer rapidement avec la performance, le plan stratégique va souvent devoir être repensé, notamment car cette crise et les mesures sanitaires prises en conséquence ont été un accélérateur de tendances sur les modes de consommation (digital, livraison, ventes à emporter, business de proximité…).

Restructurer

Contrairement à la précédente crise, dans le contexte d’un retour sans doute lent aux niveaux de rentabilité d’avant-crise et d’un poids de la dette très important, il est vraisemblable qu’on ne passera pas par l’étape « amend and extend » sans remise de fonds pour les restructurations de LBO, mais plus directement par des solutions plus drastiques de traitement des difficultés. Nous faisons déjà ce constat sur les premiers dossiers de restructuration de LBO sur lesquels nous sommes impliqués, tout comme le recours systématique aux procédures de prévention pour encadrer les discussions avec les prêteurs.

Dans l’hypothèse où ils croient encore à la pérennité de l’activité, et afin de ne pas tout perdre, il est probable que les actionnaires financiers historiques vont devoir réinvestir, et convertir tout ou partie de la part de leur investissement réalisé sous forme de dette mezzanine, en contrepartie des efforts de réaménagement (et non de réduction) de la dette bancaire.

Dans le cas contraire, ou si les efforts à mettre en œuvre sont trop importants, ils devront alors envisager de passer la main, ce qui pourrait constituer de réelles opportunités pour de nouveaux acteurs. Notamment, depuis plusieurs années maintenant, des fonds internationaux rodés aux situations spéciales (fonds de dette distress ou hedge funds) s’intéressent aux cibles européennes et rachètent de la dette d’acquisition décotée avec pour objectif de convertir cette dette et de prendre le contrôle (lender-led). Même si des opérations de ce type ont animé l’année 2020 (Vallourec, Technicolor, Europcar, Solocal…), elles restent dédiées à des entreprises de taille importante.

Sur le segment du smid-cap, et sans remettre en cause la nécessité du changement d’actionnaires pour l’obtention d’une réduction du niveau de dettes quand les difficultés l’imposent, les nouveaux acteurs sont plus traditionnels. On parle ici d’investisseurs industriels qui peuvent se positionner sur l’opportunité de reprendre un concurrent affecté par la crise, parfois avec le soutien de leurs actionnaires financiers, ou de fonds d’investissements prêts à gérer le retournement. Pour cette dernière typologie d’acteurs, ils devront démontrer leur capacité à mobiliser une équipe opérationnelle dédiée pour agir aux côtés/à la place du management actuel pour opérer le retournement.

Quel que soit le cas de figure, il est très important de ne pas sous-estimer le coût d’une telle reprise qui ne correspond pas tant au prix d’acquisition des titres, souvent limité, qu’au besoin de financement additionnel résultant du retournement à opérer (apurement du passif constitué par la cible en difficulté, mesures de restructuration et pertes intercalaires avant le retour à la rentabilité).

Questions à Philippe Héry, associé responsable de l’activité restructuring, Oderis Consulting

Philippe Héry a rejoint Oderis en 2020, après 18 ans chez Deloitte et 10 ans chez EY au sein des équipes restructuring. Il est spécialisé, depuis près de 30 ans, dans l’accompagnement des entreprises sous-performantes, dans le cadre de la prévention mais également dans le contexte judiciaire pour des sociétés en plus grande difficulté.

Comment définiriez-vous la signature de votre cabinet ?

Fondé il y a juste 15 ans, Oderis est un cabinet de conseil financier et opérationnel indépendant. Oderis a su s’imposer sur le marché du conseil financier comme un acteur de qualité et de confiance. Avec une clientèle majoritairement constituée de fonds d’investissement, le cabinet offre un conseil financier à 360 degrés, intégrant des activités de transaction services, d’accompagnement dans les phases de transformation et de restructuring. Composé de sept associés et de 70 collaborateurs, Oderis se caractérise par son agilité, par sa capacité à intervenir de manière transversale en mixant naturellement les expertises internes en fonction des besoins, par son indépendance, mais aussi par l’implication forte des associés sur les dossiers. Cette relation de proximité avec les clients, illustrée également par une implantation en régions (Lyon, Nantes et Bordeaux) rend l’offre particulièrement adaptée aux PME et ETI. En réalisant plus d’une centaine de dossiers par an, l’équipe bénéficie de la connaissance d’un grand nombre de secteurs d’activité, et peut proposer un conseil sur mesure parfaitement adapté à chaque situation.

Quelles sont les particularités de votre équipe sur le traitement des dossiers de LBO en difficulté ?

Une expertise de près de 30 ans dans l’assistance aux entreprises en difficulté nous confère une parfaite maîtrise des règles de place et nous amène à être force de proposition pour les scénarios de restructuration. Elle démontre également une capacité à travailler en équipe avec les autres intervenants propres à ce type de contexte (mandataires de justice, avocats spécialisés, pouvoirs publics, fonds spécialisés…).

Outre la qualité et la pertinence de nos travaux à dominante financière, l’accompagnement de notre équipe intègre également la dimension humaine. Nous sommes en effet impliqués aux côtés de notre client dans la recherche de solutions pérennes et interagissons systématiquement avec le management qui doit être partie prenante dans les mesures envisagées, car c’est lui qui mettra en œuvre le plan de retournement.

Enfin, la capacité à accompagner nos clients dans la période post-restructuration, au travers de la mise en place d’outils de pilotage et d’optimisation du cash et de la performance, est un réel facteur différenciant, notamment dans le contexte de LBO où la recherche de liquidités est plus que jamais primordiale pour ne pas pénaliser la capacité d’investissement au bénéfice du service de la dette. 

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