Restructuring - L’avocat de l’année

Joanna Gumpelson, sincèrement humaine 

Publié le 9 mars 2022 à 9h53

Charles Ansabère    Temps de lecture 8 minutes

Joanna Gumpelson vient de célébrer son vingtième anniversaire au sein du cabinet De Pardieu Brocas Maffei. Notamment à la manœuvre sur la restructuration de Pierre & Vacances, aussi atypique que complexe, elle est désignée avocat de l’année par ses confrères. Portrait.

A l’écouter, c’est une histoire « de hasards et de rencontres » qui a conduit Joanna Gumpelson non seulement à s’engager dans une carrière juridique, mais aussi à faire du restructuring son domaine d’expertise depuis désormais vingt ans. Mais le hasard fut-il le seul instigateur de son parcours professionnel ? Rien n’est moins sûr… A la lumière de ces deux dernières décennies, il se dessine même une logique dans ce cheminement où l’humain a toujours la part belle. Certes, rien ne prédestinait Joanna Gumpelson à embrasser le métier d’avocat, qu’aucun membre de sa famille d’origine russe n’avait choisi avant elle. C’est même vers HEC Paris que l’étudiante décide d’abord de se diriger, en vue d’entamer une carrière dans le marketing. Mais elle est à deux doigts d’arrêter ses études, « après deux années de classes prépa qui ne me correspondaient pas du tout ». Avant que la jeune femme ne trace une nouvelle perspective professionnelle grâce à une discussion avec sa mère, conseillère d’orientation. « Elle m’a rappelé que, lorsque j’étais enfant, je voulais être juge, se remémore-t-elle. Je me suis donc inscrite en parallèle de ma deuxième année à Sceaux, suivie d’une majeure juridique, de façon à obtenir un double diplôme, avant de passer l’examen du CRFPA (Centre régional de formation professionnelle des avocats). » Hasard ou coïncidence ? La pratique du droit des entreprises en difficulté qui deviendra rapidement le quotidien de la jeune femme n’est pas si éloignée de celles de la famille de médecins dont elle est issue. « Je me souviens que, lorsque j’étais jeune, des patients disaient à mon père qu’ils allaient déjà mieux en parlant avec lui… D’une certaine façon, c’est aussi le sentiment que l’on doit susciter chez nos clients, car il faut les rassurer lorsqu’ils sont confrontés à une situation de crise », observe-t-elle aujourd’hui, un brin amusée lorsqu’on lui signale ce parallèle. Mais il n’y a rien de très surprenant à imaginer Joanna Gumpelson s’impliquer ainsi ; cela reflète sans nul doute l’un de ses traits de caractère.

La force du collectif

Fraîchement diplômée, la jeune femme se retrouve donc à pousser la porte du cabinet De Pardieu Brocas Maffei, en janvier 2002, avec l’idée de faire du contentieux sa spécialité. C’était compter sans le jeu des départs et arrivées d’une enseigne appelée à s’agrandir : cette dynamique interne la conduit vers le bureau de Jacques Henrot et, par voie de conséquence, la pousse à faire ses premiers pas dans le restructuring. « Lors de notre premier contact, j’ai eu l’impression que son regard disait “qui est donc cette nouvelle stagiaire ?”. Mais très vite, j’ai appris à découvrir à quel point il était un homme formidable, qui pouvait être dur avec certains et qui savait aussi valoriser ceux qu’il appréciait. Il fut mon mentor pendant près de quinze ans », évoque Joanna Gumpelson, la voix encore empreinte d’admiration et de respect pour celui « à qui (elle) doit énormément ». Au contact de cette figure emblématique du cabinet de l’avenue d’Iéna, « avec qui on riait tout le temps », l’avocate apprend le métier : la technique, les considérations stratégiques inhérentes à ce type de dossiers, l’approche client… Last but not least : grâce à l’associé qui fut à l’origine du département restructuring, elle est détachée pendant un an dans les bureaux de Bingham McCutchen à New York, entre 2005 et 2006, histoire de parfaire son anglais. Une période qu’elle met également à profit pour identifier les meilleures options pour décrypter aux confrères étrangers les subtilités du droit français des faillites. De retour à Paris, elle ne remet pas une seconde en question le fait de poursuivre sa carrière aux côtés de ceux qui l’ont accueillie, alors même que le métier d’avocats d’affaires connaît un mercato où cabinets franco-français et law firms anglo-saxonnes n’ont de cesse de se disputer les talents. A cela, plusieurs raisons. « La force de notre cabinet réside dans le collectif que nous formons, avance Joanna Gumpelson, dont on comprend très vite qu’elle ne saurait être l’une de ces “stars” que l’on croise parfois. C’est également un vrai plaisir de travailler avec Philippe Dubois, qui m’a en particulier toujours laissé beaucoup de liberté dans la gestion des dossiers. » En toute logique, l’avocate est promue counsel en 2009, avant de devenir associée du cabinet au début de l’année 2014… quelques mois seulement avant la disparition de Jacques Henrot.

Attentive aux relations humaines

Sa marque de fabrique, Joanna Gumpelson l’a donc forgée dans ce contexte. Et lorsqu’on lui demande de décrire son quotidien, elle ne peut s’empêcher – une fois encore – de replacer les relations humaines au cœur de son propos. « C’est un métier très dur, où chaque dossier doit être traité dans l’urgence et implique la sauvegarde d’emplois. Voilà pourquoi je préviens toujours mes clients qu’il y a ici une spécificité : un deal de M&A, lorsqu’il arrive à son terme, suscite généralement l’enthousiasme, alors qu’un dossier de restructuring, même s’il peut être couronné de succès, se conclut toujours en gérant la difficulté », souligne-t-elle. Son prisme est d’ailleurs le même lorsqu’il s’agit d’évoquer son cadre de travail. « Il est agréable de pouvoir exercer ce métier en équipe, avec mes associés Philippe Dubois et Ségolène Coiffet, de façon à être moins seul face aux prises de décision », poursuit Joanna Gumpelson. Sans oublier de préciser que ce dialogue se nourrit aussi des contacts avec les associés des autres départements du cabinet, pour toujours être au fait des dernières évolutions réglementaires et poser un regard pluridisciplinaire sur les dossiers. Preuve supplémentaire de l’attention qu’elle porte aux autres : le tableau qu’elle dresse de son environnement de travail se dessine au-delà de l’équipe de collaborateurs du département restructuring, en évoquant spontanément le tout récent départ à la retraite de son assistante Rose-Marie Houlet.

Du PSG à Balzac

Le ton enjoué qu’adopte volontiers Joanna Gumpelson témoigne lui aussi de cette facette de sa personnalité. D’ailleurs, il suffit de lui demander quelles sont ses passions pour qu’elle réponde sans l’ombre d’une hésitation : « Mon moteur, c’est ma famille, avec une voix plus que jamais chantante. Mon mari, mon fils, ma mère et ma sœur constituent un noyau familial très important pour moi, mon port d’attache ! » Un conseil, au passage : mieux vaut éviter de chercher à la joindre un soir de match de Ligue des Champions – en particulier si le PSG est sur le terrain. « Avec mon fils, âgé de douze ans, nous adorons le football, domaine dans lequel il rêve de faire un jour son métier ! Il m’arrive même d’informer mon mari du résultat des matchs que nous regardons tous les deux », dit-elle en riant. « Grande lectrice », Joanna Gumpelson affiche un goût pour l’éclectisme : romans, fictions, policiers passent volontiers entre ses mains, car « il ne faut rien s’interdire ». Une devise qu’elle applique également aux projections sur grand écran. Et nul ne s’étonnera d’apprendre, là encore, que ses deux derniers coups de cœur proviennent d’histoires sublimant des personnages. Côté roman, La carte postale, d’Anne Berest, est « l’histoire d’une jeune femme essayant de retracer les origines de sa famille, qui m’a bouleversée » ; côté cinéma, c’est l’adaptation du livre de Balzac, Illusions perdues, qui lui a récemment offert une grande émotion avec le parcours de ce jeune poète se brûlant les ailes en côtoyant la bonne société parisienne. Mais n’allez pas croire que tout cela, Joanna Gumpelson l’expose au gré de la discussion. Au contraire. La spontanéité dont elle fait preuve n’a d’égale que son humilité. « Il ne faut pas trop se prendre au sérieux, en particulier pour exercer notre métier, affirme-t-elle. Jacques Henrot disait que “le doute est le moteur de l’intelligence”. Ne pas avoir trop de certitudes, ne pas chercher à détenir la vérité absolue et être en mesure de remettre en question un raisonnement sans jamais rien prendre pour acquis, c’est ce qui permet d’être un bon professionnel du restructuring. »

Valeurs et bienveillance

Voilà qui aura servi d’atout pour la restructuration du groupe touristique Pierre & Vacances – débutée au début de 2021 aux côtés de Cédric Chanas, associé en corporate, et toujours en cours. « Un dossier atypique, affecté par la combinaison de plusieurs facteurs », explique-t-elle. Comprendre : un impact très fort de la crise liée à la Covid-19, nécessitant l’injection de new money face à l’impossibilité d’obtenir un deuxième prêt garanti par l’Etat (PGE) d’envergure, doublé de la nécessité pour cette société cotée de convertir plus de 550 millions d’euros de créances en capital – dont 200 millions de PGE, une première ! – et de restructurer une dette locative impliquant notamment quelque 18 000 bailleurs individuels. « C’est l’un des dossiers les plus complexes que j’aie eu à gérer en vingt ans », résume l’associée. Intervenant majoritairement aux côtés des créanciers, mais aussi côté débiteurs – à l’instar des dossiers Pierre & Vacances, Toys’R’Us, Marie Brizard ou Technicolor –, Joanna Gumpelson entame donc sa troisième décennie chez De Pardieu Brocas Maffei, où elle se sent « comme à la maison ». Affectionnant « les valeurs du cabinet et la bienveillance émanant des associés », elle a reçu comme « une marque de reconnaissance » sa cooptation, il y a six mois, au sein du directoire – aux côtés d’Emmanuel Fatôme et d’Emmanuel Chauve. Satisfaite de contribuer au développement du cabinet depuis vingt ans, elle l’affirme tout de go : « Je suis très bien ici ! » En toute sincérité. 

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