Expertise

Brèves observations sur la publication du jugement d'homologation d'un accord de conciliation

Publié le 14 février 2014 à 15h30    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h28

Philippe Dubois

Par Philippe Dubois, Associé, De Pardieu Brocas Maffei A.A.R.P.I

L’ article R 611-43 du Code de Commerce n’en finit décidément pas de faire parler de lui …

De quoi s’agit-il ?

De l’obligation de publier au Bulletin officiel des annonces civiles et commerciales («BODACC») et dans un journal d’annonces légales («JAL»), un avis du jugement d’homologation d’un accord de conciliation lui-même. Autrement dit, avis est ainsi donné aux lecteurs de ces deux organes de presse :

  • Implicitement par induction, que telle entreprise a fait l’objet d’une procédure de conciliation jusqu’alors confidentielle qui a débouché sur un accord ;
  • et explicitement, que cet accord a été homologué.

C’est cette double publication légale qui est à l’origine de vifs débats ouverts dès le stade des travaux préparatoires de la loi de sauvegarde du 26 juillet 2005.

Car, qu’est-ce qui est objecté par le débiteur en conciliation dès qu’il est question, avec ses créanciers signataires, de l’homologation de l’accord de conciliation intervenu ou à intervenir?

Ce qui est objecté, c’est tout ce qui est de nature à informer les tiers de l’existence des difficultés de l’entreprise au travers de la révélation de l’existence d’une procédure de conciliation. Et qui sont ces tiers ? Si on fait le constat que ce sont le plus souvent –sinon exclusivement ce que l’on peut déplorer- les établissements de crédit qui sont «conviés» à la négociation, les tiers sont alors les salariés, les créanciers non financiers c’est-à-dire essentiellement les fournisseurs (donc les assureurs-crédit), les clients, …

Plus techniquement, sont mis en avant par l’entreprise, d’une part la présence des représentants des salariés en chambre du conseil (article L 611-9) et d’autre part la double publication précitée.

Cette publication doit être dédiabolisée pour plusieurs raisons

1. D’abord la publication n’a pour objet qu’un avis du jugement d’homologation et non le jugement lui-même. Donc toute pratique consistant à insérer dans le corps du jugement d’homologation le texte même de l’accord (ah les vertus du  «copier-coller» …) et ou à annexer l’accord au jugement est bien sûr à bannir.

Ensuite, le lecteur de cet avis peut, mais seulement s’il est «intéressé» (au sens juridique), «prendre connaissance» du jugement lui-même (article R 611-43). La (simple) prise de connaissance semble s’opposer à la délivrance d’une copie du jugement. Question au passage : qui sera juge de l’intérêt de la personne se prétendant «intéressée»   Le greffe (auprès duquel s’exerce la prise de connaissance), le tribunal (qui a homologué), le Président du tribunal (qui a ouvert la conciliation), l’ex-conciliateur (puisque la conciliation a pris fin avec le jugement d’homologation : art. L 611-10), … ?

Au demeurant, «le jugement ne reprend pas les termes de l’accord» mais doit mentionner «les garanties et privilèges constitués pour en assurer l’exécution» et préciser «les montants garantis par le privilège institué par l’article L 611-11» (article R 611-40 alinéa 2). On comprend alors de ce texte que le principal tiers intéressé sera un créancier titulaire de sûretés susceptible d’être «primé» par le créancier titulaire du fameux «privilège de new money» de l’article L 611-11.

2. En outre et surtout, si par définition de l’avis du jugement d’homologation informe implicitement sur l’existence d’une procédure de conciliation, donc sur les difficultés auxquelles a été confrontée l’entreprise, il renseigne prioritairement et explicitement sur la fin de ces difficultés.

En effet, l’homologation n’intervient qu’à la triple condition :

- Que le débiteur ne soit pas ou ne soit plus en état de cessation des paiements,

- Que les termes de l’accord soient de nature à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise,

- Que l’accord ne porte pas atteinte aux intérêts des créanciers non signataires (article L 611-8, II).

En d’autres termes, si l’entreprise souhaite communiquer à la suite ou dans la perspective de cette publication, sa communication pourra être positive sur la base d’un double fondement économique et juridique.

Deux ultimes observations, l’une en amont de la publication, l’autre en aval.

3. En amont même, il se peut que l’audience elle-même d’homologation, qui se tient certes en chambre du conseil (art. L 611-9), fasse l’objet d’une publicité. A cet égard, il est parfois procédé à un affichage à la porte de la salle d’audience - ou ailleurs dans l’enceinte du tribunal - qui renseignerait sur les noms des parties à commencer par celui de l’entreprise débitrice accompagnés de l’objet de l’audience («homologation d’un protocole de conciliation»). Certes, l’audience, telle qu’ainsi annoncée, se tiendra bien en chambre du conseil. Certes, si l’homologation intervient, l’avis d’audience n’aura fait que précéder de quelques jours les publications de l’article R 611-43. Mais à l’inverse, si l’homologation est refusée, pareil avis d’audience aura informé les tiers sur l’existence d’une conciliation qui aurait dû demeurer confidentielle.

4. En aval, la publication peut être suivie d’une tierce-opposition dans la mesure où, connaissance prise du jugement, le tiers intéressé considérerait que l’accord de conciliation porte atteinte à ses droits en dépit de la vérification précitée à laquelle le tribunal s’est livré (article L 611-10). La question se pose alors de savoir à quelles conditions le «tiers opposant» peut avoir connaissance voire copie de l’accord même de conciliation. Selon l’article R 611-39, une fois l’accord et ses annexes déposés au greffe, «des copies ne peuvent être délivrées qu’aux parties et aux personnes qui peuvent se prévaloir des dispositions de l’accord». Le «tiers-opposant» n’est pas cité et la question de son droit à avoir copie de l’accord fait actuellement l’objet de discussions doctrinales et jurisprudentielles. Décidément, rien n’est moins confidentiel que le débat sur la déconfidentialisation de la conciliation à l’occasion de l’homologation de l’accord intervenu dans ce cadre juridico-judiciaire !

Questions à … Jacques Henrot & Philippe Dubois, associés De Pardieu Brocas Maffei

Comment se situe l’équipe Restructuring dans cette aventure ?

L’équipe Restructuration/Contentieux (4 associés, 1 counsel et 8 collaborateurs bénéficiant d’une double formation) a été constituée au fil des années pour pouvoir présenter une offre complète de services (conseil, assistance et représentation) dans le domaine de la prévention et du traitement des difficultés des entreprises. En collaboration étroite avec les départements Corporate – M & A (7 associés dont 4, G. Touttée, J.-F. Pourdieu, P. Jaïs et C. Chanas, actifs en restructuration) et Banque - Finance (6 associés dont 3, C. Gaillard, C. Coatalem et Y. Le Gall, accompagnent régulièrement l’équipe Restructuration). Le cabinet intervient régulièrement, pour négocier tous protocoles et/ou pour renégocier la documentation de crédit, pour le compte des principaux établissements de crédit de la place, fonds d’investissement, assureurs crédit, factors, crédit-bailleurs.

L’équipe agit également pour les entreprises en difficulté, cotées ou non, et/ou leurs actionnaires, pour accompagner la réorganisation de ces entreprises et la restructuration de leur endettement (du préventif jusqu’à la rédaction de plans de sauvegarde ou de continuation). Le cabinet est par ailleurs régulièrement saisi par des investisseurs industriels français ou étrangers pour élaborer et présenter des offres de reprise. Enfin, accompagner ses clients au CIRI et devant les autorités de tutelle susceptibles d’être saisies des difficultés des entreprises soumises à leur contrôle (ACP, AMF, Autorité de la Concurrence), et bien sûr devant les juridictions, est une activité historique du cabinet.

Comment percevez-vous l’évolution du marché du restructuring ?

Le temps de la chirurgie esthétique réalisée à coup d’«amend and extend» est pour beaucoup d’entreprises une époque révolue. Nous rentrons dans celle de la chirurgie lourde, pas toujours réparatrice.

La nouvelle possibilité d’imposer en comité à certains créanciers réticents une conversion de leur créance par voie d’échange avec des instruments donnant accès au capital, devient un outil indispensable mais suppose toujours, pour être efficace, que l’on ait obtenu préalablement le consentement des actionnaires existants pour se laisser diluer, le droit français ne permettant malheureusement pas de les y contraindre (contrairement au droit US).

La restructuration de la dette d’une entreprise allant régulièrement de pair désormais avec la refonte de son capital, de son organisation et de son organigramme (changement du mode de direction, mise en place d’organes de contrôle, cession de filiales), plus que jamais la présence d’associés Corporate et Financement aux côtés d’avocats combinant pratique judiciaire et expérience des restructurations et de leurs acteurs se révèle essentielle. Le cabinet a créé à cet effet une plate-forme financière autour de E. Fatôme, A. Maffei, O. Hubert, C. Gaillard et J.R. Cazali et promu en 2012 dans cette équipe deux nouveaux associés : C. Coatalem et Y. Le Gall. La présence au cabinet de P. Guibert et L. Givry en Concurrence et de F. Dupont-Fargeaud en social lui permet de mobiliser une équipe pluridisciplinaire sur tout dossier qui le justifie.

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