L’année 2014 devrait constituer une très bonne année en termes de sortie pour les fonds d’investissement. On note en effet que le volume des transactions en Europe depuis le début de l’année est déjà, en octobre, supérieur à celui atteint pour toute l’année 2013.
Par Arnaud Hugot, avocat associé en Corporate, CMS Bureau Francis Lefebvre et Pierre Bonneau, avocat associé en Droit social, CMS Bureau Francis Lefebvre
La reprise des IPO n’est pas étrangère à ce dynamisme : près de la moitié du volume des sorties depuis le début de l’année sur le territoire européen est représenté par des opérations d’introduction en bourse. Avec notamment les opérations pilotées par Cinven et Carlyle sur Numéricable, par KKR sur Tarkett, par Hellman & Friedman aux cotés de GDF Suez et Total avec GTT (Gaztransport & Technigaz) ou encore par Charterhouse et Chequers Capital sur Elior, le mouvement avait commencé fin 2013 et s’est poursuivi en 2014.
Cet enthousiasme a cependant connu au cours des semaines passées un coup de frein important comme l’illustre le report de l’IPO de Spie annoncé en octobre dernier ou encore celui de l’introduction en bourse d’Elis. De la même manière que le retour en grâce des IPO s’est en partie expliqué par la bonne tenue du marché boursier en 2013, la chute récente des indices boursiers accentuée au mois d’octobre dernier explique le repli du nombre d’opérations envisagées.
Malgré ce contexte morose, l’introduction en bourse semble être redevenue une option crédible de sortie pour les fonds d’investissement. Plusieurs facteurs peuvent expliquer ce phénomène.
Les performances opérationnelles de nombreuses sociétés détenues par des fonds au cours de ces derniers mois, l’intérêt des investisseurs pour les entreprises en croissance et le retour des investisseurs américains sur les valeurs européennes ont contribué à maintenir un nombre élevé de sorties par voie d’introduction en bourse. Cependant, ce mouvement ne pourra probablement pas repartir sans un rebond du marché boursier permettant aux investisseurs d’espérer des valorisations rendant attrayant le recours au marché.
Outre sa dépendance aux performances du marché boursier et même si l’IPO semble aujourd’hui représenter une option de sortie plus ouverte, elle ne peut être adaptée à toutes les entreprises. Les marchés de capitaux sont sélectifs et conviennent aux entreprises en croissance dont le niveau d’endettement doit être compatible avec les attentes du marché.
En outre, l’introduction en bourse est un processus complexe dont la lourdeur ne doit pas être sous-estimée.
Avec l’assistance de ses banques partenaires et de ses conseils juridiques, la société candidate à l’IPO devra ainsi mener à leur terme plusieurs chantiers parallèles, qui nécessitent une grande disponibilité et implication du management de la société :
– chantier corporate : adaptation des statuts et de la gouvernance de la société à un contexte de société cotée, négociation des termes des éventuels pactes d’actionnaires et engagements de lock-up ;
– chantier due diligence : mise en place de la data room, etc. ;
– chantier documentation : rédaction du document de base, de la note d’opération et, le cas échéant (en cas de placement international auprès d’investisseurs institutionnels), de l’international offering memorandum, rédaction du contrat de placement et de garantie, liaison avec les autorités de marché, etc. ;
– chantier comptable : travaux avec les commissaires aux comptes, rédaction du comparatif commenté des comptes (MD&A - management discussion & analysis) ;
– chantier marketing : définition de l’equity story, présentation analystes, roadshows investisseurs, supports commerciaux ;
– chantier social.
Ce dernier chantier n’est au demeurant pas nécessairement dénué de complexité : la sortie du capital d’une entreprise par voie d’IPO peut conduire à des changements de stratégie et de repositionnement qui ont des répercussions fortes sur la collectivité des salariés et doivent donc être anticipés.
Ces répercussions peuvent ainsi tout d’abord affecter le management de l’entreprise dont les engagements contractuels vont le cas échéant pouvoir être renégociés. Package de rémunération, détermination des périmètres fonctionnels, modifications des lignes managériales sont ainsi autant de sujets qui peuvent devoir être réexaminés à la faveur d’un changement capitalistique sous la forme d’une introduction en bourse des titres de la société. La sécurisation de la situation du management post IPO semble en effet devoir être prise en considération par les fonds d’investissements afin de s’assurer de l’engagement des dirigeants à la réussite de l’opération.
Ces changements peuvent ensuite et plus largement concerner l’ensemble des salariés dont les termes des accords d’intéressement ou des dispositifs d’épargne salariale pourront devoir être revus à la faveur de la fixation de nouveaux objectifs opérationnels. La question de l’évolution de l’actionnariat salarié peut à cet égard et en particulier devenir un sujet majeur dès lors qu’il est parfois susceptible de mettre en cause certains équilibres voire de fragiliser des équipes clefs pour la bonne conduite des opérations de la société.
Ces différentes répercussions doivent donc être anticipées et en partie synthétisées pour pouvoir être présentées aux instances représentatives du personnel qui seront consultées préalablement à l’IPO.
Afin de traiter l’ensemble de ces sujets, les sociétés contrôlées par des fonds d’investissement sont généralement plutôt mieux armées pour traiter les chantiers corporate et due diligence, pour avoir déjà dû assimiler des méthodes d’organisation et de reporting. Cet acquis facilitera la présentation de la société au marché lors de l’IPO, et sera également utile pour satisfaire aux obligations accrues d’information périodique et permanente propres aux sociétés cotées.
Il convient enfin de rappeler que l’introduction en bourse n’offre pas toujours une liquidité suffisante pour les fonds : si la sortie ne peut être réalisée en une fois, les fonds doivent attendre au gré des fluctuations du marché des fenêtres de sorties par blocs qui peuvent prendre plusieurs années.
Questions à… Christophe Blondeau, avocat associé en Corporate, CMS Bureau Francis Lefebvre
Quelles sont selon vous les problématiques du marché ?
Si des opérations de tailles significatives sont intervenues ces derniers mois, en particulier dans le domaine de la santé, le marché du private equity mid-cap reste difficile. L’instabilité de la législation fiscale reste un frein important à la décision de vendre, notamment pour les entrepreneurs, dans un contexte économique global qui demeure très morose. Cela étant, plusieurs fonds travaillent actuellement et activement sur des dossiers de sortie. Dans certains cas, cette sortie se fera de manière « atypique » via notamment des opérations de cash out lorsque des cessions se réalisent par le bas et que de la trésorerie se trouve disponible pour désengager les fonds. D’autres fonds préparent également leur sortie via des opérations de build-up permettant de donner à la cible une taille critique et un nouveau potentiel de valeur. Dans ce même esprit, de nombreuses opérations ont refinancé leur dette. Nous pensons que ce travail en profondeur devrait permettre de voir davantage de dossiers sortir l’année prochaine dont certains pourront peut-être se présenter sous forme d’IPO mais ce dernier type de sortie ne devrait concerner qu’un nombre relativement réduit de sociétés compte tenu du caractère sélectif des marchés financiers. Bien entendu, la qualité des dossiers présentés à la vente sera le facteur clé du deal flow de l’an prochain.
Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?
Notre équipe Corporate/M&A, composée de 35 avocats dont 9 associés, conseille aussi bien des fonds d’investissement, des managers et des entrepreneurs pour les accompagner à tous les stades des opérations de private equity. Nous intervenons notamment régulièrement dans les opérations d’acquisition ou de cession pour le compte de fonds de private equity mid-cap ainsi que dans la structuration et la négociation de management packages en proposant une offre de services complète en matière juridique et fiscale. De manière plus générale, nous constituons sur chaque opération de private equity une équipe pluridisciplinaire dédiée permettant de traiter non seulement la négociation et les aspects juridiques de l’opération mais également la structuration fiscale, le financement, le volet social, les aspects réglementaires et la notification aux autorités de concurrence. Membre de CMS, le cabinet bénéficie par ailleurs d’une couverture européenne inégalée avec une cinquantaine d’implantations qui lui permet d’accompagner ses clients sur les opérations transnationales, en particulier lors d’opérations de build-up.
Comment accompagnez-vous vos clients dans le contexte actuel ?
Le cabinet a su nouer avec ses clients des relations durables (avec un taux de fidélisation très important par rapport à celui observé habituellement sur la place) qui lui permettent d’être associé très en amont aux réflexions qu’ils mènent sur leurs projets. En matière de LBO, nous intervenons ainsi très tôt dans le processus en prenant part à la structuration juridique et fiscale ainsi qu’à la stratégie de négociation, puis nous réalisons sa mise en place et assistons ensuite les clients tout au long de l’opération. Nous sommes évidemment également en mesure d’accompagner nos clients lorsqu’ils font face à d’éventuels contrôles fiscaux ou plus généralement tout type de contentieux (garantie de passif, complément de prix, pacte d’actionnaires, etc). Cet accompagnement global et dans la durée est particulièrement apprécié de nos clients et explique sans doute leur forte fidélité qui est pour nous un gage de confiance.