Les sociétés personnes morales sont devenues, au même titre que les personnes physiques, pénalement responsables des infractions commises pour leur compte par leurs organes ou représentants.
Commettre une infraction, pour une personne physique, s’explique bien souvent par son parcours personnel, ses faiblesses que l’on dit parfois coupables ou ses liaisons parfois qualifiées de dangereuses. Pour les personnes morales, il est facile de comprendre que la psychologie de ces justiciables, faute d’existence, ne saurait être prise en considération pour expliquer la commission d’un délit ou plus encore sa réitération. Ce n’est donc pas sur les ressorts de la pensée d’une personne morale qu’il convient de se pencher pour éviter la commission ou le renouvellement d’une infraction, mais bien, de manière beaucoup plus froide, dans son organisation interne. Ainsi est née la «compliance» à la française ! Les chartes éthiques, compliance programmes, audits internes… sont ainsi devenus les éléments de surveillance de cet être moral devant garantir le strict respect de la loi, notamment répressive. Il n’est pas question ici de nier l’importance de la mise en place de ces outils au sein des entreprises, sauf à leur demander de vivre hors du monde sans frontières dans lequel elles évoluent et s’exposer au surplus à des sanctions. Toutefois, la reproduction servile des mécanismes connus depuis longtemps outre manche et outre atlantique sans prendre en considération, non pas notre culture, mais notre Droit, peut avoir pour conséquence de ne pas atteindre le but recherché. En effet, il n’existe pas encore en France de culture de la négociation avec le Ministère public ce qui rend délicat un dialogue productif entre le justiciable potentiel et le Procureur. Il n’existe pas plus de secret professionnel pour les juriste internes et les auditeurs, ce qui rend dangereuse la rédaction de rapports susceptibles d’être saisis lors de perquisitions. Il n’existe pas d’incitation assez forte pour les personnes morales dans notre droit positif pour «récompenser» les efforts internes véritables dans la lutte contre la commission de délits ; la liste des différences pourrait être complétée. Il existe néanmoins des avancées, parfois critiquables, notamment devant l’AMF ou l’autorité de la concurrence. C’est sans jamais perdre de vue ces différences, mais aussi en gardant à l’esprit l’exposition à des législations étrangères, que nos entreprises doivent concevoir et faire vivre leurs systèmes de conformité. Les avocats, partenaires naturels des entreprises, se doivent d’apporter leur concours dans cet effort de prévention et de protection, sans tomber eux aussi dans les travers d’une spécialisation excessive lorsqu’elle réduit leur champ d’analyse, car la conformité est avant tout une question devant être abordée de manière transversale au regard du droit pénal, social, des sociétés, de la concurrence et des nouvelles technologies, etc…Les juristes internes ou externes devront aussi concevoir des systèmes respectueux du Droit évitant la survenance de sinistres aux conséquences catastrophiques et très couteuses, mais aussi des nécessités du commerce en ne créant pas des pesanteurs inutiles à un fonctionnement performant de l’entreprise. La conformité doit résulter d’une volonté émanant du plus au niveau de l’entreprise et doit être partagée en son sein, ce qui fait de la formation l’outil principal de sa mise en place et de sa réussite. Faire de la compliance et de l’éthique, non pas des contraintes, mais des atouts commerciaux concurrentiels, est bien le défi de toutes les directions générales, directions juridiques et leurs conseils. La tâche est délicate…mais passionnante.
Questions à… Philippe Goossens, associé, Altana
Philippe Goossens est associé au sein du cabinet Altana qu’il a rejoint en 2009. Il est spécialisé en droit pénal des affaires et dispose d’une forte expérience en matière contentieuse. Philippe accompagne ses clients lors de toutes les phases précontentieuses et contentieuses notamment en matière de droit pénal financier et de droit pénal du travail. Titulaire d’une Maîtrise Droit des Affaires et d’une Maîtrise Carrières Judiciaires de l’Université Paris I-Panthéon Sorbonne, il a débuté sa carrière au sein du cabinet Rambaud Martel avant de rejoindre Proskauer Rose en 2005. Il est membre de l’IBA, du C5 ainsi que du comité juridique de la FNTP (Fédération Nationale des Travaux Publics).
Quelles sont selon vous les problématiques actuelles du marché ?
Philippe Goossens : Les différences de systèmes juridiques et judiciaires existant entre les pays constituent en matière de mise en place de système de conformité une donnée dont il faut tenir compte. La mise en place des systèmes de contrôle est un élément essentiel et protecteur des entreprises, reste la question de savoir s’il convient de les confier à des services d’éthiques indépendants des services juridiques. La protection de la confidentialité des travaux de recherches des éventuelles violations doit être prise en compte et réfléchie au regard des règles applicables dans chaque pays. Enfin, la réaction face à la découverte d’une irrégularité déjà commise doit être gérée de manière transversale et aussi dans le respect des droits des individus.
Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?
Philippe Goossens : Si Altana est composé d’avocats spécialisés par matière, chaque professionnel sait que le traitement de ce type de questions nécessite la coordination de plusieurs spécialités et sait détecter les problèmes posés même au-delà de son propre domaine de compétence naturelle. Intervenant tant en conseil qu’en contentieux, les avocats en connaissent les impératifs stratégiques. Enfin, Altana a pour tradition de connaître les métiers de ses clients, ce qui permet de donner des conseils certes sécurisés sur le plan juridique, mais aussi permettant une approche pragmatique des questions sur le plan de la conduite de l’entreprise.