Recommandations
En octobre dernier, Pierre Moscovici et Bruno Lasserre ont confié à Fabien Zivy la mission de rédiger un rapport et des recommandations en vue d’ «identifier les différents éléments susceptibles d’engendrer des divergences d’analyses ou de résultats lorsqu’un projet de concentration est soumis au contrôle de plusieurs autorités de concurrence dans l’Union européenne, et d’analyser leurs conséquences» et par ailleurs d’«expertiser les scénarios envisageables pour résoudre les difficultés mises en lumière par ce diagnostic, ainsi que pour accroître la coordination et la convergence dans le respect des différents niveaux de régulation existants.»
Ces recommandations (cf. ci-dessous), leur construction ainsi que leur portée ont été discutées par des experts réunis par Option Droit & Affaires.
Réforme 1 : créer un mécanisme de prévention des conflits entre régulateurs. C’est le «minimum minimorum» que les acteurs économiques sont en droit d’attendre au sein du Marché Unique.
• Recommandation 1 : Permettre aux entreprises de solliciter le renvoi de dossiers de concentration transfrontalière à la Commission européenne quand deux autorités nationales de concurrence ou plus sont compétentes pour les traiter, au lieu de trois autorités ou plus actuellement, à tout le moins s’agissant des affaires portant sur des marchés d’interconnexion (transports, réseaux, etc.).
Réforme 2 : unifier les notions de base des droits nationaux des concentrations. Cette réforme, combinée avec la précédente, constituerait un «grand pas en avant» en termes de cohérence et de simplification, au bénéfice des entreprises et des autorités de contrôle.
• Recommandation 2 : demander aux autorités nationales de concurrence d’appliquer les règles de fond prévues par le droit de l’Union dans toutes les affaires de concentration notifiables dans deux États membres ou plus.
• Recommandation 3 : harmoniser les types de seuils conditionnant la contrôlabilité des opérations de concentration dans les différents États membres de l’Union (mais pas leur niveau), en ne conservant que des seuils exprimés en chiffres d’affaires en raison de leur caractère objectif.
• Recommandation 4 : mettre en place un «formulaire modèle» énumérant un socle d’informations standardisées à fournir par les entreprises lors de la notification d’opérations de concentration transfrontalière, voire un système de «notification unique» au Réseau européen de la concurrence.
• Recommandation 5 : encadrer la durée des procédures nationales par un délai maximal commun lorsque les autorités nationales de concurrence traitent une concentration transfrontalière, à l’image du délai maximal applicable lorsque la Commission européenne leur renvoie une concentration de dimension communautaire.
• Recommandation 6 : demander à toutes les autorités nationales de concurrence de mettre en place une procédure et un formulaire véritablement simplifiés, voire un système de simple déclaration administrative, pour les affaires de concentration non susceptibles de soulever des problèmes de concurrence sur leur territoire.
Réforme 3 : formaliser l’existence du Réseau des autorités européennes de contrôle des concentrations. Cette réforme, combinée avec les deux précédentes, assurerait une coopération et une conciliation «optimales» entre régulateurs.
• Recommandation 7 : officialiser le dispositif permettant à l’ensemble des autorités européennes de concurrence de s’informer de la notification de concentrations transfrontalières, de manière transparente vis-à-vis des parties.
• Recommandation 8 : permettre aux autorités de concurrence compétentes pour contrôler une concentration transfrontalière de se prêter assistance, comme elles peuvent déjà le faire vis-à-vis de la Commission européenne.
• Recommandation 9 : harmoniser la possibilité donnée aux autorités de concurrence compétentes pour contrôler une concentration transfrontalière d’échanger les informations recueillies dans le cadre de leur instruction, dans le respect du secret professionnel, et d’utiliser ces informations aux fins de la mise en œuvre du droit de l’Union, en assurant le respect des droits des parties.
• Recommandation 10 : prévoir le recours immédiat à un comité de conciliation réunissant les autorités nationales de concurrence concernées, et assisté en tant que de besoin par la Commission européenne, dans le cas où l’examen d’une concentration transfrontalière n’ayant pas pu être confiée à une autorité «tête de file» menace de déboucher sur des décisions divergentes.
Le contexte
Fabien Zivy
Mille mercis à Option Droit et Affaires pour l’organisation de cette table ronde, et à chacun d’entre vous d’avoir accepté de l’enrichir de votre contribution. Cela nous permet de discuter, de façon informelle et libre, des recommandations que j’envisage de faire dans le rapport que je dois remettre au ministre de l’Economie et des Finances dans quelques jours. La structure de ce rapport et de ces recommandations est assez simple. L’ensemble repose sur trois axes de réforme : rapprocher les droits nationaux en matière de contrôle des concentrations ; améliorer l’interaction entre les autorités de concurrence, en particulier en vue de prévenir les conflits de décisions ; et rendre les procédures plus simples et réactives. Chacune de ces trois lignes de force fait l’objet de recommandations précises. J’ai choisi de m’en tenir à un nombre limité de recommandations qui me semblent structurantes – dix en tout – plutôt que de les accumuler dans un «catalogue à la Prévert».
J’ai aussi choisi d’isoler une recommandation spécifique consistant à permettre aux entreprises de demander le renvoi d’un dossier de concentration à la Commission européenne, pendant la phase de prénotification, quand deux autorités nationales de concurrence ou plus sont compétentes pour le traiter au lieu de trois ou plus actuellement.
Je suggère que cette question fasse l’objet d’un traitement prioritaire pour quatre raisons. Premièrement, cela permettrait de mieux prévenir les conflits de décisions entre autorités nationales, sujet qui a comme vous le savez déclenché la mission voulue par M. Moscovici. Deuxièmement, c’est techniquement simple à faire : il suffit de changer un mot dans le règlement n° 139/2004 relatif aux concentrations. Troisièmement, cela peut se faire à la majorité qualifiée au Conseil de l’Union européenne, et non à l’unanimité. Quatrièmement, le calendrier s’y prête puisque le vice-président Almunia vient d’annoncer un livre blanc faisant suite à la récente consultation publique organisée par la Commission européenne sur les participations minoritaires et sur cette question spécifique des renvois d’affaires entre autorités européennes de concurrence.
Les neuf autres recommandations portent sur des sujets ne relevant pas nécessairement, dans mon esprit, du règlement n° 139/2004. Elles pourraient passer par un autre vecteur législatif. Cela permettrait de séquencer les choses, de réfléchir en profondeur à ce qui peut être fait et d’en discuter avec l’ensemble des parties prenantes.
Il y a donc des raisons de tactique et des raisons de base juridique et de procédure législative qui expliquent pourquoi la première recommandation est dissociée des neuf autres. A mon sens, ces dix recommandations forment cependant un tout indissociable, avec un volet de nature matérielle, un autre d’ordre procédural et un troisième qui est plus institutionnel.
Denis Musson
J’ai une question d’ordre tactique : s’agit-il d’une initiative isolée de la France, ou bien la France peut-elle déjà compter sur le soutien d’autres Etats membres ou d’autres autorités de la concurrence qui auraient émis le même souhait ou exprimé des préoccupations similaires ?
Il y a par ailleurs l’échéance de mi-2014 pour la désignation de la nouvelle Commission. Peut-être vous positionnez-vous également dans ce calendrier en vue de l’éventuelle reprise des recommandations de votre rapport dans le programme de la future Commission ?
Fabien Zivy
J’ai essayé de rencontrer un panel aussi large et représentatif que possible de parties prenantes dans le cadre de ma mission, même si mes échéances ne m’ont pas permis de voir autant de monde que je le souhaitais. Figurent bien entendu parmi les personnes avec lesquelles j’ai échangé des représentants de la Commission européenne et de certaines autorités nationales de concurrence, ainsi que des membres du Parlement européen. Il y a aussi des représentants des administrations intéressées en France, d’une part, et du monde des affaires et de la communauté juridique, d’autre part.
Dans l’ensemble, j’ai eu l’impression que, même si chacun de mes interlocuteurs a une expérience et un point de vue différents, une majorité de parties prenantes sont conscientes que des améliorations peuvent être apportées à l’interaction actuelle des régimes nationaux de contrôle des concentrations, et en tout cas intéressées par le fait d’en discuter.
Il ne me paraîtrait donc pas illogique que ce rapport serve à nourrir une réflexion et une discussion avec nos partenaires, dès le printemps prochain et au-delà, une fois la nouvelle Commission européenne entrée en fonction. La dernière réforme significative intervenue à l’échelle européenne en matière de contrôle des concentrations a eu lieu il y a maintenant dix ans. Elle a beaucoup amélioré le fonctionnement du «guichet unique» européen, mais elle a complètement laissé de côté la question de la cohérence des droits nationaux et de l’interopérabilité des autorités nationales de concurrence.
Cet anniversaire est l’occasion d’en reparler, car le sujet est stratégique. Comme je le dis dans mon rapport, le contrôle des concentrations est la clef qui permet d’ouvrir – ou de fermer – la porte sur les projets de croissance externe des entreprises. Veut-on conserver une régulation aussi fragmentée qu’aujourd’hui, qui démultiplie les charges, les coûts, les délais et les risques pesant sur les projets de fusion ou d’acquisition transfrontalière intervenant en Europe, avec parfois 14 ou 15 procédures nationales portant sur un même «deal», ou veut-on progresser vers plus de cohérence, de simplicité et de réactivité ? C’est un sujet sur lequel certains membres de la future Commission pourraient vouloir se positionner.
Frédéric Jenny
Pourrions-nous préciser quel est le sujet ? Car lorsque je regarde le projet des recommandations formulées, certaines sont clairement rédigées dans le dessein d’éviter les conflits entre les autorités nationales, mais certaines sont beaucoup plus générales.
Fabien Zivy
Il y a clairement deux sujets qui motivent la mission et sur lesquels reviennent donc le rapport et les préconisations que j’y fais. Le premier est celui des conflits de décisions entre autorités. C’est l’élément déclencheur de la mission. De tels conflits sont rares, mais extrêmement problématiques quand ils se produisent.
La seconde question à traiter est le problème plus large des «multi-notifications» et des conséquences qui en découlent pour les opérateurs économiques et leurs conseils. Pour utiliser une métaphore, le ministre et le président de l’Autorité de la concurrence m’ont demandé, dans mon rapport, de ne pas examiner seulement le haut de l’iceberg, mais de m’intéresser aussi à toute sa partie immergée.
Harmonisation versus convergence
Jacques-Philippe Gunther
Effectivement, le cas Eurotunnel, dans lequel je représentais cette dernière en France, donne à ce sujet une actualité toute particulière car il est tout de même assez caricatural : Eurotunnel reprend à la barre du tribunal certains actifs de SeaFrance. D’autres offres sont formulées, mais celle d’Eurotunnel est retenue. Cette opération est notifiée de manière quasi-concomitante à l’Autorité de la concurrence française et à l’autorité britannique ; nous avons donc une instruction quasi parallèle du dossier, avec des échanges malheureusement rares entre les deux autorités. Nous comprenons que la situation se dessine assez bien du côté français et que nous nous dirigeons vers une décision d’autorisation avec engagements. Cependant, nous comprenons, en parallèle, que l’autorité britannique retient un contrefactuel (i.e. que se serait-il passé si Eurotunnel n’avait pas été choisie par le Tribunal pour reprendre les actifs de SeaFrance ?) extrêmement différent de l’approche française. Quelques mois après l’ouverture d’une enquête approfondie, l’autorité britannique conclue de fait, à une interdiction de l’opération ( i.e. engagement de revente des bateaux et de ne pas exploiter la ligne Douvres / Calais pendant deux ans. Or, cette même opération a été préalablement autorisée par l’autorité française. Ce qui me choque ici n’est pas tant des divergences de vues entre autorités sur une opération donnée car cela est déjà arrivé dans le passé notamment entre les autorités américaines et européennes. Mais dans le cas précis d’Eurotunnel, c’est un peu un cas d’école : il s’agit, en effet, du même marché, des mêmes acteurs (clients et concurrents) en France et au Royaume Uni puisqu’il s’agit de la ligne Douvres-Calais/ Calais-Douvres. Le cas se complique davantage lorsque l’on sait que la décision du Tribunal de commerce retenant l’offre de Eurotunnel comportait un engagement d’exploitation des bateaux et de conservation des emplois sur la ligne Douvres/Calais. L’autorité britannique imposait donc une décision qui ne pouvait, en principe, pas être mise en œuvre au regard du droit français. C’est dans ce contexte, que le 4 décembre 2013, la juridiction contrôlant les décisions de l’autorité de la concurrence britannique (CAT) a annulé la décision de cette dernière. Cependant, le motif d’annulation est simplement hallucinant. Il consiste à dire, en substance, qu’en rachetant les actifs d’une société en liquidation (Sea France) qui n’exerçait plus d’activité depuis 8 ou 9 mois, et sans reprise de la marque, l’opération ne pouvait être analysée comme une concentration puisqu’il n’y a pas eu acquisition d’une part de marché. Or, sur ce point précis, l’autorité française a pour sa part retenu que le fichier clients existant toujours, il y avait bien une acquisition d’une part de marché et donc matière à notifier l’opération au titre des concentrations !
Il est évident que dans ce contexte, je ne peux que saluer l’initiative de l’Autorité de la concurrence permettant de tenter de rechercher de la cohérence entre autorités nationales de concurrence en matière de concentration européenne pour des opérations sous les seuils du Règlement UE en cas de divergence de vues entre autorités nationales.
Frédéric Jenny
La première recommandation répond tout à fait à la préoccupation exprimée. Nous avons ensuite des recommandations plus larges pour harmoniser les droits de la concentration nationaux mais qui ne contribuent pas nécessairement à la résolution de conflits entre autorités.
Fabien Zivy
Il faut traiter cette question des conflits de décisions car ils sont à mon sens anormaux : l’Europe est un espace intégré, elle devrait disposer d’une régulation cohérente. Mais régulation intégrée ne veut pas dire régulateur unique. Le guichet unique européen (la Commission européenne) est compétent depuis 25 ans pour contrôler les opérations de grande envergure. Les autres opérations relèvent des autorités de concurrence des 28 Etats membres, même lorsqu’elles sont transfrontalières, pour de légitimes raisons de subsidiarité. Dans un tel système à plusieurs têtes, il est fondamental d’assurer la cohérence et la coordination.
Cela ne veut évidemment pas dire pour autant qu’il faut procéder à une «harmonisation par le haut». Quand vous regardez le fonctionnement du réseau créé il y a maintenant dix ans dans le domaine voisin du contrôle de pratiques anticoncurrentielles, vous constatez au contraire qu’il se nourrit de la force, des initiatives, des mérites de chacun de ses membres, qu’il s’agisse de telle ou telle autorité nationale de concurrence ou de la Commission européenne.
Frédéric Jenny
Au sujet de la convergence des droits nationaux, il faut rappeler que beaucoup a été fait d’ores et déjà dans les instances internationales, qu’il s’agisse de l’OCDE ou de l’ICN. La convergence des droits nationaux est beaucoup plus importante qu’il y a une vingtaine d’années et ces organisations ont produit de nombreuses recommandations ou bonnes pratiques en ce domaine. Le rapport de Fabien Zivy s’inscrit donc dans la continuité de ces travaux et vise à accélérer encore la convergence des droits nationaux de la concentration entre les pays membres de l’Union européenne.
Fabien Zivy
Effectivement, l’OCDE et l’ICN ont fait un fantastique travail de réflexion commune depuis 20 ans. Cet effort collectif a débouché sur tout un ensemble de recommandations et de bonnes pratiques, qui ont elles-mêmes contribué à stimuler un mouvement de convergence dans la pratique décisionnelle des autorités nationales de concurrence, et parfois à déclencher ou à conforter des réformes au niveau législatif.
Cela dit, l’Europe est une Union économique, juridique et politique. Je crois donc qu’elle peut se fixer un niveau d’ambition encore plus élevé que celui qui prévaut dans le cadre d’une coopération internationale classique entre, par exemple, deux pays aussi différents et éloignés que l’Australie et la Zambie.
Frédéric Jenny
Sur la question des conflits, je crois qu’il faut d’abord se demander si les cas de décisions incompatibles entre des autorités nationales de concurrence de l’Union européenne sont fréquents ou s’ils sont seulement occasionnels. Je crois qu’il faut également garder en tête que tant que des droits nationaux existent en matière de contrôle de la concentration, nous ne pourrons totalement éviter que deux autorités s’appuient, pour l’examen de la même opération de concentration, sur des contrefactuels différents. Les mesures de recommandation concernant la convergence des droits, si elles sont utiles au plan général, ne seront pas suffisantes pour éliminer les conflits.
Marco Plankensteiner
Ce qui doit être recherché, au moins au niveau européen, est une convergence de méthodologie. Une méthode d’analyse uniforme permet de centrer l’examen d’une opération par différentes autorités de concurrence nationales autour des mêmes critères et réduit le risque de décisions divergentes sur le fond. Le résultat de l’analyse n’est pas forcément le même car il dépend des effets de l’opération dans chaque marché national, mais il devrait gagner en cohérence dès lors que le marché dépasse les frontières nationales. Cette initiative me semble donc très bonne car elle tente de donner une réponse au problème de la cohérence des décisions des autorités de concurrence dans une même opération. Des approches incohérentes entre différentes autorités de concurrence représentent pour les entreprises une vraie difficulté notamment dans la structuration des engagements qu’elles doivent proposer devant deux ou plusieurs autorités.
Ces situations sont essentiellement la conséquence des pluri-notifications. Or, les pluri-notifications ont trois défauts majeurs : elles coûtent de l’argent aux entreprises, mais également aux différentes autorités qui doivent se pencher individuellement sur une opération alors que le marché concerné est souvent le même ; elles sont source d’incertitude juridique pour les parties à transaction; et elles risquent d’aboutir à des décisions contradictoires. Permettre aux entreprises qui le souhaitent d’éviter des pluri-notifications en permettant un renvoi à la Commission européenne dans des conditions moins strictes que celles prévues actuellement, comme le propose le rapport, me semble donc une excellente idée.
Mais, au-delà de la facilitation du renvoi à la Commission, une simplification des procédures de notification, comme cela est également envisagé dans le rapport, est tout aussi souhaitable et, je pense, fortement souhaitée par les entreprises. La difficulté est cependant de trouver un moyen pour la réaliser au sein de l’Union, soit par la soft law en dupliquant en quelque sorte au sein du Réseau européen de la concurrence ce qui existe déjà au niveau international, soit de manière plus efficace par des instruments juridiques plus contraignants.
Frédéric Jenny
Je me demande si l’idée du formulaire-type de notification des opérations de concentration est bonne pour simplifier le droit des concentrations.
Il y a déjà eu des expériences dans ce domaine mais la difficulté est que si le formulaire est vraiment simplifié, par rapport aux formulaires nationaux, il est insuffisant pour que les autorités de la concurrence puissent prendre parti et elles doivent demander de nouvelles informations plus précises pour appliquer leur droit. Le risque est alors de multiplier les formulaires plutôt que de simplifier les notifications.
Fabien Zivy
L’objectif n’est bien sûr pas de préconiser une «standardisation» intégrale qui serait non seulement irréaliste d’un point de vue technique, mais également injustifiée dans la mesure où des différences objectives peuvent caractériser les divers marchés nationaux affectés par une seule et même concentration transfrontalière.
Il n’est toutefois pas illégitime de s’attendre à ce que, quand une entreprise notifie un projet de concentration en Europe, elle puisse le faire en fournissant les mêmes informations, sous le même format, quel que soit le lieu où elle le fait et l’autorité à laquelle elle s’adresse. L’idée est donc d’avoir un socle commun permettant, d’assurer la «portabilité» d’un projet de concentration dans tout le marché unique.
Cela n’est pas insurmontable, il faut juste un petit effort, mais qui aurait une grande valeur ajoutée en pratique : le dépôt d’un formulaire de notification n’est que le début de la procédure et n’a pas pour objet de résoudre ou d’anticiper tous les problèmes que l’analyse concurrentielle de l’opération peut conduire à soulever.
Marie-Hélène Huertas
J’aimerais revenir à certains principes. Nous en avons échangé au sein du Medef et nous sommes à peu près d’accord sur un point qui représente pour nous un principe : il ne faut pas toucher aux seuils communautaires, ce qui signifie que si nous sommes en dessous des seuils communautaires, la compétence revient aux autorités nationales de concurrence. Il peut effectivement y avoir, par la suite, d’éventuels conflits de décisions, mais j’insiste sur ce point : les entreprises ne souhaitent pas se retrouver devant la Commission européenne pour ce genre d’opérations. Elles ne veulent pas non plus avoir une procédure qui leur serait imposée par le haut. Les autorités nationales pourraient cependant adopter des règles communes peut-être seulement sous la forme d’un corpus commun de règles pour les concentrations, sans pour autant avoir l’obligation de raisonner de la même façon. Lorsque la Chambre commerciale a un conflit avec la Chambre civile, il y a un arbitrage. Nous ne devons pas nécessairement appliquer la même méthode, mais il serait bon d’avoir un référent qui arbitre et ce référent pourrait être à l’échelle européenne mais pas dans des systèmes de renvois.
Jacques-Philippe Gunther
Il faut être extrêmement prudent avec cet exercice de convergence. Ce qui a fait défaut dans le cas Eurotunnel est de ne pas avoir pu demander à la Commission une sorte de médiation afin de tenter de réconcilier deux positions antagonistes. Il n’existe aucun outil que ce soit dans le règlement concentration UE ou dans les différentes communications de la Commission. A l’inverse, le règlement n° 1/2003 qui définit les relations entre la Commission et les autorités nationales en matière d’ententes et d’abus de position dominante comprend une multitude d’outils permettant de communiquer, de collaborer, de donner la priorité à la Commission sur certains dossiers et d’échanger des informations. La cohérence est ainsi la règle en matière d’ententes et d’abus de position dominante. Y compris pour des dossiers d’envergure nationale.
A l’inverse, dans le règlement UE concentrations, outre les mécanismes de renvoi, ce qui fait défaut est la possibilité d’en appeler, de façon facultative, à la Commission en cas de divergence de vues injustifiées entre autorités nationales.
Il faut, être extrêmement vigilant face à cette volonté d’apparente «simplification». Je prends deux exemples : celui des remèdes tout d’abord. N’oublions pas en effet, qu’en matière de concentrations, il existe en France, une palette de remèdes possibles (structurels et non structurels ou comportementaux). Une «simplification» par convergence se ferait par le plus petit dénominateur commun et seuls alors prévaudraient les engagements structurels (i.e. cession d’actifs ou d’entreprises), nettement moins favorables aux entreprises. Ou encore la question d’un éventuel formulaire de notification commun aux autorités nationales. L’idée est séduisante, mais un formulaire de notification pour une opération complexe n’est pas un document standard ! Il doit s’apprécier à la lumière des critères d’analyse d’une opération dans un pays donné. La France n’accepterait jamais un formulaire commun avec l’Allemagne dont les exigences sont bien moindres. Et ce ne serait pas une bonne nouvelle pour les entreprises françaises d’avoir à se conformer à un formulaire aussi détaillé que le français en Allemagne !
Jean-Yves Trochon
Aujourd’hui, le système ne fonctionne pas si mal, malgré une certaine lourdeur administrative que la réforme récemment annoncée par la Commission contribuera (espérons-le) à simplifier. Dans leur grande majorité, les opérations de concentration notifiées en Europe tant auprès de la Commission que des ANC sont approuvées en phase 1, le cas échéant avec remèdes. Il existe malgré tout des cas de notifications multi-juridictionnelles qui donnent lieu à des situations abracadabrantes. Nous connaissons actuellement un cas multi-juridictionnel étonnant : une opération d’abord notifiée dans un premier pays (pour la partie qui le concerne) a fait l’objet d’un renvoi ascendant tardif vers la Commission, et les entreprises concernées sont toujours en prénotification à Bruxelles plusieurs mois après la signature. D’autres aspects de la transaction revêtant une dimension communautaire ont par ailleurs été notifiés à la Commission dès la signature, mais un pays aurait ensuite demandé un «renvoi descendant», refusé par la Commission, tandis qu’en parallèle dans un troisième pays une phase 2 serait déjà en cours d’examen. Cela va donc durer probablement de très nombreux mois, avec des conséquences et des coûts que je vous laisse imaginer pour les entreprises concernées.
Je pourrais hélas prendre d’autres exemples tirés notamment de renvois par la Commission à des ANC «les mieux placées» appliquant des critères d’analyse fondés sur des théories économiques un peu dogmatiques. Il faut absolument que les coûts de transaction soient réduits, et l’examen des opérations de consolidation facilité, pour permettre aux entreprises européennes de s’adapter en se restructurant et de retrouver leur compétitivité globale. Nous connaissons tous le fameux théorème de Schmidt sur les profits d’aujourd’hui qui fondent les investissements et les emplois de demain : le traitement de ces opérations doit se faire dans une vision de surplus global et pas seulement avec un focus à court terme trop souvent fondé sur le seul surplus du consommateur. En synthèse, les maîtres mots sont simplification, rapidité, clarté, sécurité juridique et nécessité de cohérence en matière d’analyse de politique industrielle.
J’ai assisté en effet à la réunion préparatoire de l’AFEP, il apparaît que les entreprises semblent plutôt favorables aux recommandations du rapport et notamment au fait de pouvoir recourir à Bruxelles en tant qu’instance d’appel en cas de conflit entre ANC. Mais ce système ne doit pas pour autant donner à la Commission la possibilité de s’arroger le contrôle des effets de l’opération en dehors des deux ou trois seuls pays concernés, ce qui aurait un effet inverse de celui recherché. J’aimerais également vous faire part d’un doute lorsque vous évoquez la question d’un guichet unique qui permettrait de dire que telle ANC serait la mieux placée pour se voir attribuer l’examen du dossier non seulement dans un pays de son ressort mais également marginalement dans un autre pays (cf. le critère des 75-25 %). Il s’agit d’une question de souveraineté nationale.
Fabien Zivy
Je veux souligner un point en réaction groupée à ce qui vient d’être dit par les précédents intervenants. A mon sens, si l’on fait converger les droits, les procédures et les pratiques nationales, il ne faut pas seulement le faire en prenant appui sur le «socle commun» qui existe déjà dans le règlement n° 139/2004. Il faut aussi faire fruit de l’expérience, des mérites, de la valeur ajoutée de chaque système national et de la pratique de chaque autorité nationale. Je l’ai bien vu en rencontrant les parties prenantes : l’autorité allemande est reconnue notamment pour la simplicité de ses formulaires de notification et l’efficacité de ses procédures, l’autorité française est appréciée pour l’inventivité de ses remèdes, etc. Il ne s’agit en aucun cas de remettre en cause les qualités de chaque système pris isolément, mais de combler le manque de gouvernance globale et de cohérence d’ensemble qui fait que, aujourd’hui, le «tout» (à savoir le réseau des autorités européennes de concurrence) fonctionne moins bien que les «parties» (à savoir chaque autorité considérée individuellement).
Frédéric Jenny
Je suis en faveur de la recommandation 1 mais je pense que la recommandation 10 risque d’avoir des effets très pervers. C’est une chose d’avoir un mécanisme qui permette, s’agissant des cas tels que ceux concernant le marché des transports d’un pays à l’autre et où par nature le marché pertinent est transnational, d’assurer qu’il n’y a pas d’incohérence entre les décisions nationales ; car s’il y a incohérence entre elles, aucune ne peut être mise en œuvre. Mais en ce qui concerne les opérations de concentration dans lesquelles une même entité opère sur différents marchés nationaux, je crois que le problème est différent.
Dans ce cas en effet, et contrairement au cas précédent, des décisions nationales peuvent être différentes sans que cette différence rende impossible leur mise en œuvre. Pour ce second type de cas, il me semble donc suffisant de proposer que si les entreprises parties à l’opération ne veulent pas faire face à d’éventuelles divergences entre les décisions nationales, elles puissent, de leur propre initiative, demander le renvoi à Bruxelles. En revanche ce choix devrait être fait ab initio et non pas une fois que les autorités nationales ont commencé d’instruire. A défaut, les autorités de la concurrence nationales risquent d’être fragilisées en étant contraintes de passer par un mécanisme de conciliation dont on ne voit pas très bien comment il serait inattaquable.
Fabien Zivy
Le rapport distingue précisément ces différentes hypothèses. Le mieux est évidemment de prévenir les conflits en amont, pas d’attendre qu’ils se produisent et d’essayer de les résoudre en aval.
Frédéric Jenny
Je ne crois pas qu’une autorité nationale devrait être en mesure de refuser le transfert à Bruxelles s’il est demandé par les entreprises parties à l’opération. Si les parties n’ont pas demandé le renvoi, elles ont choisi le risque que des solutions nationales soient différentes, ce qui ne veut pas dire incompatibles.
Jacques-Philippe Gunther
La proposition 1 pourrait permettre de faire sauter ce verrou avec une nouvelle réglementation qui consisterait effectivement à mettre en œuvre un critère à deux pays, ce qui semble logique puisque le critère des 3 pays a été retenu dans l’objectif de simplifier la vie des entreprises.
Dans le cas présent, on s’intéresse au risque de divergence sur un marché qui est le même marché produit et le même marché géographique, ce qui était le cas d’Eurotunnel. Un facteur débloquant pourrait être donc la possibilité pour les parties, et seulement pour les parties, de pouvoir faire examiner leur dossier à la Commission qui ne serait alors pas en mesure de le refuser, et sans que les autorités nationales puissent s’y opposer. Mais cela doit rester un choix d’entreprise.
Je note d’ailleurs que la recommandation 10 peut avoir un effet absolument phénoménal et soulève une question : si ce comité de conciliation existe car il y a une divergence ou un risque de divergence, les tiers intéressés pourraient-ils saisir ce comité de conciliation ?
Les concurrents pourraient alors se rendre devant ce comité et faire valoir que leurs arguments énoncés devant l’autorité française par exemple n’ont pas été retenus devant une autre autorité nationale et donc ainsi créer une sorte de phase 2 ou 3 ?
Le problème des recommandations proposées par l’Autorité est que cela ressemble trop à un copier/coller du règlement n° 1/2003 applicables en matière d’entente et d’abus de position dominante.
Cependant, l’harmonisation se comprend parfaitement en matière d’entente et d’abus de position dominante dans la mesure où les autorités nationales peuvent utiliser le droit communautaire : les articles 101 et 102 TFUE font partie du droit positif et s’imposent tant aux autorités de concurrence qu’aux juges. Or, en matière de concentration, la situation est tout autre : chaque Etat à son texte, ses communications, sa jurisprudence. Nous devons donc faire très attention à ce que la Commission ne soit pas en situation de pouvoir choisir quelle est l’autorité «la mieux placée» pour examiner une opération...
Alain Ronzano
La recommandation n° 1 du rapport Zivy – celle visant à permettre aux entreprises de solliciter le renvoi de dossiers de concentration transfrontalière à la Commission européenne quand deux autorités nationales de concurrence ou plus sont compétentes pour les traiter, au lieu de trois autorités actuellement – doit assurément être soutenue. Elle devrait permettre de limiter les situations de divergences inextricables du type Eurotunnel/MyFerryLink.
Toutefois, si l’on veut que ce mécanisme de renvoi à la Commission en prénotification soit efficace, il faut impérativement faire sauter le verrou de l’article 4, paragraphe 5, alinéa 3 du règlement CE sur les concentrations, lequel permet aux Etats membres de s’opposer au renvoi demandé par les entreprises. Ainsi, dans le cas Eurotunnel/MyFerryLink, les deux autorités nationales compétentes pour connaître du cas auraient-elles accepté de gaieté de cœur un renvoi du dossier à la Commission ? Si l’on ne fait pas sauter ce verrou, on n’aura guère avancé dans le sens d’une résolution de ce type de conflits. Et si l’on craint qu’une telle modification du règlement n° 139/2004 se heurte à l’opposition politique des Etats membres, on peut imaginer de cantonner cette faculté de renvoi sans possibilité pour les Etats membres de s’y opposer aux seuls cas symptomatiques des opérations de concentration transfrontalière pure, celles qui, par nature, concernent un même marché géographique (liaisons de transport, interconnexions de réseaux entre deux Etats membres).
Après tout, le rapport Zivy ne propose d’étendre la possibilité de renvoi quand deux autorités nationales de concurrence sont compétentes que dans les cas de concentrations transfrontalières «par essence»…
Pour autant, cette recommandation, si elle était adoptée, réglerait-elle tous les problèmes ? Il ne faut pas perdre de vue qu’une telle demande de renvoi doit être formulée en amont de la notification. Or, à ce stade de la prénotification, il n’est pas évident que les entreprises aient toujours conscience des divergences d’analyses, voire de solutions, en germe dans leur dossier. Sauf à anticiper systématiquement le pire, elles pourront légitimement hésiter à dessaisir les deux autorités de concurrence nationales, proches, par hypothèse, du marché concerné par l’opération, pour se tourner vers Bruxelles. C’est pourquoi il paraît essentiel de prévoir un mécanisme de rattrapage, au moment où d’éventuelles divergences entre les deux autorités de concurrence nationales commenceront à apparaître. Ce mécanisme de rattrapage pourrait utilement s’inscrire dans le cadre de la mise en réseau des autorités de concurrence envisagée par la recommandation n° 10 du rapport Zivy.
L’objectif d’un réseau européen des autorités de contrôle des concentrations, outre la possibilité offerte aux entreprises de notifier les opérations de concentration multinotifiables à une «boîte aux lettres» commune à l’ensemble des autorités européennes de concurrence, devrait donc être de prévenir le plus tôt possible l’apparition d’éventuelles contrariétés de décisions. Pour ce faire, il conviendrait d’instaurer un mécanisme d’informations au sein du réseau permettant la mise au jour précoce d’une éventuelle incompatibilité entre décisions.
A cet égard, il pourrait être utile de s’inspirer du mécanisme à l’œuvre en matière de pratiques anticoncurrentielles en application de l’article 11, § 4 du règlement 1/2003. A chaque fois qu’une autorité de concurrence envisage d’adopter, soit une décision d’interdiction de l’opération, soit une décision d’autorisation sous réserve d’engagements, voire un passage en phase 2, celle-ci serait tenue d’informer les autres membres du réseau de ses intentions, par exemple 15 jours avant l’adoption de sa décision. En cas de contrariétés, les autorités de concurrence compétentes seraient alors tenues de prendre part à une procédure de conciliation avant d’adopter leurs décisions incompatibles. En cas d’échec de la conciliation, un mécanisme de renvoi à la Commission serait prévu. Il serait laissé à la seule initiative des entreprises notifiantes. Les Etats membres ne pourraient pas s’y opposer. La seule perspective d’un renvoi à la Commission devrait inciter – on peut l’espérer – les autorités de concurrence au compromis.
Denis Musson
Le Cercle Montesquieu soutient la volonté de simplifier la procédure de notification, ainsi que tout ce qui est en mesure de faciliter la vie des entreprises, en matière de contrôlabilité des projets de concentration ou de renvoi par une autorité nationale compétente à la Commission. Notre association l’a fait savoir à Fabien Zivy dans le cadre de la consultation qu’il a organisée pour la préparation de son rapport.
Abaisser le seuil à deux Etats pour une demande de renvoi par les entreprises, tout comme éviter que des autorités puissent s’opposer à un tel renvoi, nous semblent aller dans le bon sens. En matière de contrôlabilité des opérations de concentration, de nombreuses choses pourraient certainement être envisagées afin de rendre la vie des entreprises plus aisée : pour les opérations simples, il faudrait prévoir un formulaire de notification unique dont le contenu serait vraiment simple et allégé, et dans une langue unique. Je pense que cette langue serait inévitablement l’anglais et je ne minimise pas la difficulté politique de trouver un accord entre les Etats membres de l’Union européenne sur un point d’apparence aussi mineur que celui-là !
Ensuite, il faut également clarifier certains critères pour les harmoniser dans tous les pays de l’Union européenne. Il ne peut plus y avoir de débats divergents selon les autorités de la concurrence compétentes sur ce qu’est une «concentration» contrôlable. Ensuite, nous devons aussi avancer sur l’harmonisation des seuils, pour une plus grande prévisibilité, même si l’écart entre les autorités commence à s’amenuiser avec un abandon progressif de la référence à des seuils exprimés en parts de marché et une plus grande cohérence entre ceux exprimés en chiffres d’affaires. Facilement applicables, des critères clairs et harmonisés de seuils de chiffres d’affaires, permettent de savoir immédiatement si une opération est notifiable et devant quelles autorités.
Frédéric Jenny
Sur ce point, l’ICN, la réunion des autorités de concurrence, a recommandé de ne pas utiliser de seuils exprimés en parts de marché car ces seuils sont difficiles à prédire pour les entreprises puisque leur mise en œuvre dépend de la définition du marché pertinent qui n’est pas toujours prévisible. Elle a estimé que des seuils en chiffre d’affaires offrent une plus grande sécurité juridique. Le Royaume-Uni, qui est un Etat souverain, a tout de même gardé des seuils en valeur relative. La recommandation numéro 3 vise donc essentiellement le Royaume-Uni.
Jacques-Philippe Gunther
Pour les autorités nationales, la Commission a publié la semaine dernière le résultat de son travail sur la simplification des notifications de concentration en revoyant les modalités d’appréciation de ce que constitue une opération simplifiée. Le formulaire simplifié l’est donc encore davantage. Les seuils permettant de déclencher le droit d’avoir une notification simplifiée ont changé et ont augmenté. Il faut ici reconnaitre que le travail de la Commission va plutôt dans le bon sens.
Marie-Hélène Huertas
Nous parlons de deux sujets différents. D’un côté, il y a la procédure de notification d’une concentration qu’on voudrait plus simple et plus rapide. Dans les cas où il n’y a pas de problème de concurrence, nous souhaiterions que la phase 1 dure 15 jours ou que l’on envoie une lettre standard, etc. Les entreprises le demandent depuis toujours. D’un autre côté, le problème précis qui nous réunit aujourd’hui est la probabilité d’avoir deux décisions contradictoires et l’impossibilité pour l’entreprise notifiante d’obéir à l’une et à l’autre en même temps. Il faut se focaliser sur cette situation qui arrive néanmoins assez rarement.
Marco Plankensteiner
La première recommandation consistant à réduire le nombre des pays requis pour permettre aux entreprises de demander un renvoi à la Commission de trois à deux autorités ne permet pas à elle seule de résoudre le problème des décisions contradictoires. Elle permet uniquement de les prévenir. Ni les entreprises ni leurs conseils ne peuvent savoir, au moment où une opération doit être notifiée dans plusieurs pays, comment les différentes autorités vont réagir. Dans l’affaire SeaFrance/Eurotunnel, le test appliqué par les autorités française et britannique était en principe le même, celui de l’atteinte significative à la concurrence. C’est la façon de l’appliquer au cas d’espèce, l’appréciation des effets sur la concurrence, qui ont été différentes. Dans ce cas, la possibilité d’un recours à un comité de conciliation paraît nécessaire.
Denis Musson
Le rapport demandé à l’Autorité de la concurrence n’avait pas uniquement pour but de résoudre ce cas ! Selon moi, le premier sujet de simplification et d’harmonisation des procédures de notification et de leur traitement est plus important pour les entreprises dans leur ensemble, que le second soulevé par l’affaire Eurotunnel qui est un cas extrêmement rare et très spécifique. La recommandation de simplification de la procédure de notification est un besoin, certes difficile à mettre en œuvre, mais réel.
Par ailleurs, dès lors que l’on a notifié, est-ce que les autorités peuvent mieux travailler ensemble ? A cet égard, il nous semblerait par exemple relativement simple d’exiger un minimum de transparence dans les instructions faites par chacune des autorités, notamment pour la communication des tests de marché qu’elles effectuent. Enfin, l’accessibilité aux décisions d’un certain nombre d’autorités nationales en charge du contrôle des concentrations est parfois extrêmement difficile, ce qui peut s’avérer très gênant pour préparer un dossier de notification. Une meilleure et plus complète accessibilité devrait être relativement facile à mettre en œuvre.
La problématique du secret des affaires
Frédéric Jenny
S’il n’y a pas autant de coopération entre les autorités qu’on pourrait le souhaiter, c’est aussi parce que les entreprises ne veulent pas que ces autorités communiquent des éléments confidentiels à leurs homologues.
Marie-Hélène Huertas
Pourtant, nous sommes bien obligés de communiquer les documents à différentes autorités lorsqu’elles nous les demandent.
Frédéric Jenny
Certes, mais la recommandation 9 dit que les autorités ont la possibilité d’échanger totalement librement.
Marie-Hélène Huertas
En respectant le principe du secret des affaires.
Frédéric Jenny
Mais les autorités de concurrence ne peuvent échanger facilement si on ne définit pas ce qu’est le secret d’affaires. Il faut une définition de ce que peuvent, ou ne peuvent pas, échanger les autorités de la concurrence.
Jacques-Philippe Gunther
Aux Etats-Unis, lorsqu’une affaire est devant la FTC, il existe un accord de coopération entre la FTC et la Commission qui prévoit l’échange de documents, mais il est subordonné à l’accord de l’entreprise qui doit signer un waiver.
Les règles d’accessibilité à ces documents sont différentes en Europe et aux Etats-Unis. Aux Etats-Unis, dès lors que vous envoyez un document à la Commission, il est immédiatement accessible à la partie adverse qui peut vous demander tous les documents qui sont en relation avec celui-ci. En pratique, ce mécanisme de coopération existe, mais sous réserve que l’entreprise l’accepte ; il permet à la Commission d’envoyer des documents à l’autorité américaine. Un mécanisme dans lequel les autorités disposent de règles pour échanger, sous réserve de l’accord de l’entreprise concernée, peut donc fonctionner. Mais encore une fois l’accès à ces documents est régi par les droits nationaux et il n’est pas d’actualité de les harmoniser. Il faut donc faire attention.
Marco Plankensteiner
La problématique de la protection des secrets d’affaires dans le cadre des procédures nationales de contrôle est centrale. Les entreprises savent parfaitement ce qui relève du secret des affaires et les autorités de concurrence le savent aussi. La portée du secret des affaires ne pose donc pas de difficultés majeures. Ce qui est susceptible d’être protégé devant l’autorité française le sera, en général, également devant les autres autorités nationales.
Le problème vient de l’existence de règles différentes régissant l’accès au dossier des autorités. Dans le cadre d’une procédure nationale de contrôle des concentrations, les informations confidentielles communiquées par les parties bénéficient de la protection du secret des affaires selon les règles nationales. Lorsque ces informations confidentielles sont échangées entre les autorités de concurrence examinant la même opération, comme le propose le rapport, la préoccupation légitime des entreprises est de savoir dans quelle mesure la protection du secret des affaires peut être levée par d’autres autorités et quelles précautions sont prises pour sauvegarder leurs droits, ce qui dépend de chaque régime national. C’est un vrai problème pour les entreprises qui ne maîtrisent alors plus leurs secrets d’affaires.
Pour qu’un système d’échanges d’informations entre autorités de concurrence puisse fonctionner en garantissant les droits des entreprises, il faut donc harmoniser la protection du secret des affaires au niveau européen.
Frédéric Jenny
Ce sont les entreprises qui ont la réponse. Elles doivent s’accorder sur ce qu’est le secret des affaires et proposer un protocole. Dans le cadre de l’OCDE, les autorités de la concurrence ont tenté, avec l’aide du patronat représenté par le BIAC, de définir une notion de secret des affaires qui soit opérationnelle et permette de préciser ce qui peut être échangé pour faciliter la coopération. Mais ces travaux n’ont pas abouti.
Denis Musson
Dans une opération de concentration, on pourrait aussi imaginer, comme devant un juge de la mise en état, établir un protocole commun de procédure avec les différentes autorités de la concurrence compétentes. Ce protocole devrait être négocié le plus tôt possible et prévoir notamment l’étendue et les conditions du partage des documents entre ces autorités. Je pense que les entreprises y seraient favorables. Il s’agirait aussi, par ce biais, de s’accorder sur un dénominateur commun de ce qui peut être transmis, et de ce qui ne doit pas l’être, aux tiers intéressés.
Frédéric Jenny
C’est le principe des waivers, mais très peu d’entreprises en donnent. Il y a une très grande crainte de passer quelque document que ce soit à des autorités de concurrence dont on ne connaît pas trop les procédures.
Jacques-Philippe Gunther
l’article 1bis de la loi du 16 juillet 1980 interdit par ailleurs aux entreprises de fournir à un pays étranger des données sensibles.
Jean-Yves Trochon
Une décision britannique récente impose justement aux citoyens français de transmettre les informations nonobstant la loi de blocage.
Par ailleurs, pour évoquer l’accès au dossier par les entreprises dans les procédures de concentration, l’histoire de l’affaire Eurotunnel, comme celle des hôpitaux privés et un autre cas qui me concerne plus directement, démontrent que des questions fondamentales se posent en matière du droit de la défense. Dans une procédure, vous pourriez avoir accès à des documents «caviardés», ou vous voir refuser l’accès aux pièces essentielles du dossier. Tout ce qui est susceptible de violer le secret des affaires, de divulguer les positions prises par des concurrents, etc., n’est pas accessible. Il y a en réalité un accès tellement tronqué que l’exercice des droits de la défense en devient illusoire. Il y a un vrai besoin d’harmonisation des procédures en Europe, mais est-ce possible en la matière ?
L’autre point nécessitant une convergence concerne la divulgation de tous les documents stratégiques qui, directement ou indirectement, parlent de l’opération. Dans certains pays, cela se combine avec des procédures d’e-discovery. Il faut alors fournir la totalité des documents, comme dans la procédure de divulgation des «4c documents» en droit américain des concentrations (alors même qu’en France le legal privilege des juristes d’entreprises n’existe toujours pas), et un seul e-mail ou document ambigu peut avoir une influence déterminante notamment s’agissant de l’analyse du contrefactuel et même ruiner une stratégie.
Harmoniser les délais de procédure
Frédéric Jenny
Concernant la recommandation 8, je ne suis pas sûr de comprendre à qui elle s’adresse. Cette recommandation consiste-t-elle à dire que les autorités ont toute liberté pour s’échanger des informations en excluant le secret des affaires ?
Fabien Zivy
Il s’agit de leur permettre de faire des enquêtes communes dans les cas transfrontaliers qui le justifient, et de s’échanger des informations entre elles pour assurer le traitement fluide du dossier.
Marco Plankensteiner
Je ne pense pas qu’en France, sur la base de l’article L. 450-1 du Code de commerce, un enquêteur de l’Autorité de la concurrence puisse mener une enquête pour le compte d’une autre autorité nationale en matière de contrôle des concentrations. Actuellement, une telle assistance n’est possible que pour rechercher des infractions aux articles 101 et 102 du TFUE et ce sur la base du règlement n° 1/2003. Ce qui est visé par la recommandation 8 est l’extension aux autorités nationales du dispositif prévu par le règlement CE sur le contrôle des concentrations qui permet à la Commission européenne de demander l’assistance des autorités nationales pour effectuer des inspections dans le cadre de l’examen d’une concentration.
Frédéric Jenny
Très bien, mais si l’on prend le cas franco‑anglais où les deux procédures de contrôle des concentrations sont complètement différentes, je ne vois pas ce qu’on veut dire en indiquant qu’elles pourraient se prêter assistance.
Fabien Zivy
C’est un point faisant l’objet d’autres recommandations dans le rapport : il est effectivement impossible pour deux autorités de concurrence de se coordonner dans un même dossier de concentration transfrontalière si l’une termine sa procédure au moment où l’autre la commence. Il faut donc un minimum de cohérence temporelle.
Frédéric Jenny
Tout le monde doit donc adopter le même cadre procédural.
Fabien Zivy
Je pense qu’il est à la fois irréaliste et inutile d’harmoniser complètement les délais de procédure. L’important est d’assurer un minimum de cohérence entre elles, en bâtissant sur ce qui existe déjà : le règlement n° 139/2004 prévoit par exemple d’ores et déjà un délai de procédure maximum applicable à l’ensemble des autorités nationales de concurrence lorsque la Commission européenne leur renvoie un dossier qui lui a été notifié ; cette mesure de cohérence minimale pourrait être étendue à l’ensemble des dossiers de concentration transfrontalière faisant l’objet de procédures parallèles au niveau national.
Frédéric Jenny
Quand les autorités de concurrence veulent coopérer, pas seulement en Europe, elles arrivent à prendre une décision le même jour et sont cohérentes. Elles coopèrent donc entre elles.
Fabien Zivy
Il y a aujourd’hui des barrières techniques qui font que, même avec la meilleure volonté du monde, les autorités nationales de concurrence sont empêchées de coopérer autant qu’elles le devraient si l’on voulait garantir le maximum de cohérence aux entreprises. Je prends un exemple : dans certains Etats membres, le délai de «phase 1» est de 25 jours ouvrés ; dans d’autres, il se monte à 60 jours ouvrés.
Ce type d’écart complique évidemment le dialogue entre autorités chargées de gérer un même dossier de concentration transfrontalière.
Denis Musson
Concernant l’harmonisation, il y a tout de même ce jeu pervers de la prénotification qu’il serait utile de corriger ou d’encadrer.
Qu’est-ce qu’un délai contraint d’examen aujourd’hui, puisqu’en réalité il y a une phase de prénotification qui dure entre un et quatre mois selon les différentes autorités (voire beaucoup plus, par exemple devant la Commission) ?
Or cette phase est devenue une «figure» quasiment imposée dans les opérations de concentration un tant soit peu complexes pour éviter un inévitable passage en phase 2 d’enquête approfondie, faute de temps par les autorités pour comprendre le projet soumis et les marchés concernés, poser les questions utiles et obtenir les réponses utiles à cette compréhension dans le délai fixé pour leur examen en phase 1. Cette réalité ajoute une complexité supplémentaire à la recherche, déjà difficile, d’une harmonisation sur les délais d’examen par les autorités compétentes d’une opération de concentration transfrontalière.
Jean-Yves Trochon
Ceci n’empêche pas au demeurant les autorités, après une très longue phase de prénotification, de demander de nouvelles informations après la notification…
Marco Plankensteiner
Il est sans doute souhaitable d’harmoniser les délais d’examen en phase 1.
Mais c’est surtout le délai d’envoi de la lettre de complétude qui doit être harmonisé. Si la recommandation proposant la mise en place d’un formulaire standard est retenue, un délai uniforme pour confirmer la complétude de la notification devrait pouvoir être défini. Il serait même envisageable d’introduire une présomption de complétude du dossier de notification conforme au formulaire standard, l’autorité ayant la possibilité de le refuser dans un délai déterminé, si des informations requises font défaut.
Jacques-Philippe Gunther
Cette proposition recevrait un soutien unanime si la France décidait de s’inspirer de ce que fait la Commission, c’est-à-dire déclarer la complétude le jour où le lendemain de la réception du dossier. Pour l’autorité française actuellement, la complétude n’est déclarée dans le meilleur des cas que deux à trois semaines après la notification, ce qui laisse encore un délai infini. En cas de déclaration d’incomplétude, tout est désorganisé. Ce pourrait être la recommandation 11 ! Aligner la procédure de complétude française sur la procédure communautaire.
C’est tout simplement une question de sécurité juridique. Lorsque les entreprises se lancent dans une procédure, en fonction de la nature du dossier, nous leur disons que la prénotification peut durer jusqu’à deux ou trois mois pour les affaires complexes ; au moment où on dépose le dossier, celui-ci a donc reçu l’approbation informelle des rapporteurs qui travaillent dessus. L’avis de complétude n’a donc aucune raison d’être décalé aussi longtemps postnotification.
Denis Musson
S’agissant de l’harmonisation des tests appliqués par les autorités, il y a un vrai effort à faire au niveau de la panoplie des remèdes possibles devant les différentes autorités de concurrence. Certaines autorités, y compris communautaires, ont parfois une vision un peu étroite des questions structurelles et comportementales.
Pourtant, il y a des remèdes comportementaux qui résoudraient selon moi bien mieux certains problèmes de concurrence identifiés dans des opérations de concentration, et à un coût davantage proportionné, que des exigences de désinvestissement où l’identification et l’isolation des actifs à céder ainsi que la recherche d’un acquéreur apte à les exploiter de manière pérenne sont bien plus problématiques.
Le rôle des économistes
Jean-Yves Trochon
Il est peut-être irréaliste d’imaginer que l’on parviendra à une véritable convergence sur toutes ces questions de fond mais, par exemple, la définition des marchés reste une incertitude juridique majeure. Il y a également la question des efficacités qui est récurrente, mais reste «l’Arlésienne». C’est aussi une question pour les économistes. Ces incertitudes concourent à donner un sentiment de solitude de plus en plus fort devant des situations qui devraient a priori être simples.
Pour prendre un exemple, nous avions notifié une opération il y a trois ans à Bruxelles, qui nous a répondu que ce n’était pas une concentration du fait de la structuration de l’opération. Il s’agissait de l’acquisition d’une usine dans un pays donné, qui n’avait pas encore démarré et n’avait donc pas de chiffre d’affaires. Nous ne pouvions donc pas la notifier dans ledit pays. Nous avons créé une société holding dans un pays limitrophe où l’opération n’aurait aucun effet économique prévisible, mais il a pourtant fallu notifier du seul fait de la création de la holding. Il y avait plus de 400 kilomètres entre l’usine du seul pays concerné et les premiers clients adressables à la frontière du pays où nous avons dû notifier. L’autorité de ce dernier pays a pourtant cru devoir ouvrir une phase 2 et les économistes ont fait les tests les plus invraisemblables pour chercher «le» client hypothétique qui aurait pu, dans le contrefactuel, se trouver concerné, au mépris de toute réalité au regard d’une définition de marché un tant soit peu réaliste.
Cette histoire nous a fait perdre six mois et a en plus coûté très cher. Si nous avions eu des critères plus clairs et prévisibles de la façon dont on définit un marché pertinent, l’accord aurait pu être obtenu en quelques semaines tout au plus.
Denis Musson
Je suis aujourd’hui devenu sceptique sur le rôle et l’apport des économistes (ou économètres) dans les procédures de contrôle de concentration. Il m’a semblé que c’est un jeu à somme nulle dans toutes les procédures que j’ai connues. Il y a d’une part l’économiste de l’autorité, de l’autre celui des entreprises notifiantes. Et comme il s’avère en général difficile qu’ils prennent une base d’hypothèses communes pour construire leurs modèles et effectuer leurs analyses, il est impossible de se mettre d’accord sur les conclusions à en tirer et on arrive à un match nul entre les protagonistes.
Jacques-Philippe Gunther
Si on veut que l’approche économique soit vraiment utile, il faudrait aller beaucoup plus loin dans le respect du contradictoire et organiser des échanges avec les économistes.
Lorsque vous présentez un dossier de concentration comportant une analyse économique détaillée d’un grand cabinet de la place et que le jour de l’audience, le rapporteur vous dit qu’il ne prend pas en compte ce rapport car il estime que les postulats de base sont biaisés, c’est inacceptable. Il faut une séance contradictoire.
Marie-Hélène Huertas
En attendant que les neuf recommandations soient adoptées, j’aimerais qu’il y ait déjà la 10. Et nous n’aurons plus besoin de la 10 quand les neuf premières seront adoptées. Pour le moment, si une histoire SeaFrance se reproduit, les entreprises seront dans l’impasse. Que doit faire une entreprise dans ce cas ?
Denis Musson
Dans le cas de SeaFrance, si la solution de renvoi par deux Etats membres avait été possible, je ne suis néanmoins pas sûr que l’entreprise l’aurait demandé.
Pour revenir sur l’abaissement du seuil de trois à deux Etats concernés, nous nous sommes parfois retrouvés dans des cas où seulement deux autorités étaient clairement compétentes et qu’il nous a fallu, en interprétant éventuellement de manière extensive leurs principes de compétence ou en recherchant dans des petits Etats plus récemment admis dans l’Union européenne, une troisième autorité compétente pour bénéficier du renvoi que nous recherchions.
La motivation d’un tel renvoi est souvent liée à la confiance plus grande faite à la Commission qu’aux autorités nationales de reconnaître et d’appréhender pleinement la dimension internationale ou mondiale d’un marché pertinent concerné par l’opération de concentration envisagée.
Frédéric Jenny
Pour conclure, nous avons traité deux problèmes. D’une part, le problème des décisions qui peuvent être incompatibles, qu’il est très important de résoudre, et d’autre part la question de l’harmonisation des droits nationaux et de la coopération entre les autorités qui concerne les cas dans lesquels des décisions peuvent être différentes sans être incompatibles.
«Coopération» ne signifie pas que les autorités de concurrence vont nécessairement arriver aux mêmes conclusions. Dans ce second domaine, de la recommandation 2 à la 10, il y a beaucoup de bon sens. Mais les propositions peuvent-elles être facilement mises en œuvre ? J’en doute car elles supposent des abandons de souveraineté, mais aussi parce que la coopération entre les autorités nationales dépend beaucoup de ce que le patronat tolère, et la question du secret des affaires est à cet égard essentielle. Pour avancer, il faut donc que ce soit par un effort coordonné entre les autorités de concurrence et les entreprises.
Denis Musson
Simplification, prévisibilité, moindre coût. En général, les entreprises et leurs organisations représentatives sont toujours favorables aux propositions qui réunissent ces trois vertus.