Expertise

Des créanciers plus actifs dans les restructurations de LBO

Publié le 27 juin 2014 à 11h27    Mis à jour le 1 juillet 2014 à 11h49

Stéphanie Corbière et Jean-Pierre Farges, Ashurst LLP

Nous relevions l’an dernier que le lender-led devait être utilisé à bon escient. Cette année, nous constatons que le recours à cette solution (convertir tout ou partie de la créance des prêteurs en capital, leur permettant de prendre les clefs de l’entreprise) s’est souvent imposée comme seule alternative à l’ouverture d’une procédure collective.

Par Stéphanie Corbière et Jean-Pierre Farges, avocats associés, Ashurst LLP

Longtemps l’apanage des anglo-saxons, les créanciers impliqués dans des restructurations de LBO en France s’orientent désormais de plus en plus vers cette solution qui, à défaut d’être immédiatement gagnante, peut s’avérer être la moins coûteuse pour les prêteurs.

Les banques sont par ailleurs devenues de plus en plus actives dans la gestion de leur bilan, la typologie des créanciers a évolué et le marché de la restructuration s’est sophistiqué. L’approche des créanciers face aux opérations de restructurations de dette LBO a donc considérablement changé.

Pendant les premières années de la vague de restructurations de dette LBO, les banques tenaient à maintenir un niveau de dette élevé, soit parce qu’elles étaient convaincues que la conjoncture économique allait rapidement être plus porteuse, le marché du financement ne pouvant pas rester très longtemps aussi contracté, soit parce qu’elles souhaitaient éviter d’enregistrer de trop fortes pertes en une fois. Elles avaient néanmoins conscience qu’en maintenant un niveau de dette élevé le risque de recourir à une seconde restructuration dans les deux ou trois ans à venir était d’autant plus accru.  Fortes de leur expérience lors de ces «secondes» restructurations (souvent sans appel pour les créanciers) les banques n’hésitent plus désormais à devenir actionnaires d’une entreprise qu’elles connaissent et dont la situation leur semble présenter des risques acceptables et des espoirs de retournement raisonnables, espérant ainsi retrouver tout ou partie de leur engagement initial lors de la revente, si la société débitrice se redresse.

Une gestion active des créances et l’ancrage des nouveaux acteurs

Compte tenu de leur meilleure connaissance du marché de la restructuration et d’un certain nombre de contraintes réglementaires, les banques sont devenues de plus en plus actives dans la gestion de leur bilan. Le nombre de transactions sur le marché secondaire de la dette a significativement augmenté ces deux dernières années. Il est d’ailleurs courant de constater qu’une grande partie des créanciers composant le pool bancaire au moment de la mise en place du financement d’acquisition a vendu un montant important de leur participation à des hedge funds, CLO ou autres fonds de dette, gardant ainsi un engagement limité dans le crédit renouvelable. Ils ne représentent plus qu’un pourcentage non significatif dans le pool de créanciers au moment de l’ouverture des négociations de la restructuration concernée.

Cette nouvelle typologie des créanciers a ouvert des perspectives différentes dans les dossiers de restructuration. Il est donc désormais courant de retrouver dans les steering committees aux côtés des banques dites «institutionnelles» des hedge funds, CLO ou autres fonds de dette. Ces derniers apportent une dynamique nouvelle dans les discussions, permettant ainsi d’établir un rapport de force différent entre les actionnaires et les créanciers et de renforcer le rôle de ces derniers dans les négociations.

Ces nouveaux acteurs sont souvent plus audacieux et déterminés que les prêteurs traditionnels dans leur proposition de restructuration. La première raison est intrinsèquement liée à leur activité et à leur politique d’investissement qui n’est pas comparable à celle d’une banque dont le core business est de prêter de l’argent. Par ailleurs, ils ont généralement acheté leur participation dans le crédit concerné avec une forte décote et sont prêts à accepter plus facilement une conversion d’une partie de leur créance en fonds propres. Ils ont pour la plupart la capacité de mettre à disposition de l’entreprise en difficulté de l’argent frais, et enfin parfois pour certains d’entre eux une véritable expertise «d’investisseurs equity», faisant d’eux des apporteurs de new money/investisseurs de premier ordre. Pour toutes ces raisons, ces nouveaux acteurs sont perçus comme des actionnaires crédibles dont l’appétit pour le lender-led est grandissant.

 

Des négociations trop souvent sous tension

Reste qu’en établissant un rapport de force plus équilibré entre les différents acteurs de la restructuration, les discussions se sont compliquées et deviennent de plus en plus âpres. Nous observons de plus en plus de situations où le mandataire ad hoc ou le conciliateur rencontrent de réelles difficultés à trouver un accord qui satisfait l’unanimité des parties prenantes à la restructuration. Ce tiers indépendant, nommé pour défendre l’intérêt de l’entreprise en difficulté, se retrouve de plus en plus tiraillé entre certains actionnaires, qui campent sur leurs positions au motif que le droit français ne permet pas, en l’état, de les sortir des négociations sans leur accord et des créanciers, plus aguerris, chez qui la menace d’ouverture d’une sauvegarde ne fait naître que peu d’inquiétude.

Plus grave, il arrive de plus en plus souvent que certains acteurs ne respectent plus leur contradicteurs et pire encore le mandataire ad hoc ou le conciliateur voire même le Comité Interministériel de la Restructuration Industrielle (CIRI). Alors pourtant qu’au-delà des principes de transparence et de fairness, le respect mutuel des parties est un préalable à toutes solutions amiables.

Quelles sont les problématiques actuelles du marché ?

Nous aurions pu craindre un recours accru aux procédures collectives et à la judiciarisation de certains dossiers l’an dernier. Mais ce ne fut pas le cas pour les LBO ayant une dette supérieure à 500 millions d’euros, qui ont tous trouvé un accord en procédure amiable, même si pour certains cela a été in extremis. Au cours des douze prochains mois, de moins en moins de restructurations de LBO «large cap» devraient surgir, car la plupart des dossiers ont fait partie de la vague de 2009 et/ou de celle de 2013. Certains dossiers pourraient être de nouveau en restructuration mais nous n’anticipons pas de véritable vague.

L’un des points saillants du marché est l’évolution du profil des acteurs. Jusqu’à récemment, les banques «institutionnelles» se servaient de leur connaissance de l’actif de longue date et de leur rapport privilégié avec le mana­gement pour se positionner comme leaders dans les steering committees. Depuis plus d’un an, les hedge funds et autres fonds de dette sont devenus des acteurs incontournables des opérations de restructuration en France et il n’est pas rare de les voir désormais mener en première ligne les discussions de négociation tant avec le mandataire ad hoc, le CIRI ou le Ministère du Redressement Productif.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Nous sommes pionniers en la matière et restons l’un des rares cabinets de la place à proposer à nos clients l’ensemble des compétences nécessaires au traitement des entreprises en difficulté. Cela recoupe à la fois la restructuration en procédures amiables ou collectives mais aussi les problématiques de financement, dérivés, corporate, fiscales, sociales et de contentieux qui peuvent en découler. L’équipe parisienne dédiée aux restructurations est pluridisciplinaire et intervient de manière extrêmement forte sur ce segment. Notre équipe compte aujourd’hui plus d’une quinzaine d’avocats (dont deux nouveaux associés nommés en 2013 et en 2014) qui viennent renforcer notre présence historique sur le secteur des LBO en France et qui confortent ainsi nos compétences sur cette activité. Notre présence internationale et notre expérience du conseil nous apportent une véritable légitimité sur ce segment ainsi qu’une vision globale du marché.

Comment accompagnez-vous vos clients ?

Nous accompagnons nos clients dans tous les domaines juridiques et judiciaires. Nous leurs délivrons un service à la pointe des dernières évolutions tant procédurales que juridiques. En effet, nous pouvons intervenir sur l’ensemble du spectre des procédures amiables ou collectives, françaises comme transfrontalières, mais aussi dans des procédures simultanées dans différents pays. Aux côtés de notre offre pluridisciplinaire nous proposons à nos clients une approche multijuridictionnelle nous permettant d’intervenir sur différents actifs dans différents pays. Enfin, nous avons été les pionniers dans la mise en place des lender-led, des structures avec golden shares et à avoir recours aux fiducies. Notre organisation interne nous permet de faire intervenir sur chaque problématique soulevée quelle qu’elle soit des associés spécialisés apportant ainsi une véritable valeur ajoutée à nos clients, en leur assurant le meilleur service qui soit.

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