Par Olivier Marion, associé, PwC
Nous vivons actuellement une phase difficile pour les sociétés sous LBO :un certain nombre d’entre elles ont connu des difficultés en 2009, qu’elles ont traité en partant du postulat qu’elles se trouvaient au creux d’une crise qui durerait deux à trois ans. Plutôt que de procéder à de lourds ajustement, les actionnaires et les prêteurs ont alors convenu de donner un peu d’air aux sociétés en repoussant les échéances et en suspendant les covenants.
Trois ans plus tard, force est de constater que la situation de 2009 n’était pas le fond d’une courbe en «V» mais bien le premier bas d’une conjoncture en «W». Le contexte est aussi mauvais qu’il l’était alors, mais l’optimisme n’est plus de mise. C’est à la lumière de perspectives dégradées que la situation doit être revue.
Des actionnaires encore souvent aux commandes
Compte-tenu des faibles perspectives de croissances à court terme, actionnaires et prêteurs ont fini par accepter que certaines de leurs sociétés ont été acquises sur la base de valorisations trop importantes. Achetées trop cher, trop endettées, elles ne peuvent, en dépit de réelles qualités intrinsèques, tenir les promesses de leur business plans. Plutôt que de repousser les échéances, il leur faut redéfinir les hypothèses : un business plan prudent, des prévisions de génération de cash flows tenables. Ces éléments permettent de déterminer le montant de dette supportable pour la société, qui servira de base à la négociation.
Il faut alors remettre à plat la structure de l’opération de LBO, ce qui nécessite de la part des parties de faire des compromis. Et si toutes ont intérêt à préserver l’actif et tenter de lui permettre de regagner en valeur, le comportement des unes conditionne celui des autres. Ainsi, l’actionnaire est généralement le premier à se positionner en décidant, ou non, de réinjecter du capital. Ce «new money» est un signal fort pour les prêteurs et pour les manageurs, puisqu’il montre que le fonds est prêt à reprendre du risque sur la société. Il conserve alors sa légitimité en tant que meneur des discussions. A contrario, s’il ne souhaite pas ou n’est pas en mesure de soutenir sa participation, les prêteurs prennent la main. Car il convient de garder en tête que lorsque la valeur de la société est équivalente ou inférieure à la valeur de la dette, on peut théoriquement considérer que les actionnaires ont perdu leur investissement et, par conséquent, que les prêteurs détiennent le contrôle économique de l’actif.
Des prêteurs plus entreprenants
Au cours des discussions, un certains nombre de décisions peuvent être envisagées. Les actionnaires vont généralement demander en retour du réinvestissement des sacrifices de la part des banques :effacer une partie de la dette, ou encore transformer une portion de la dette en obligations convertibles en action. Cette mesure permet aux banques de profiter d’un retour à meilleure fortune de la société.
Si la dette inclut des prêteurs subordonnés, de type mezzaneurs, ceux-ci avanceront parfois une solution concurrente à celle des actionnaires. Ils peuvent par exemple souhaiter réinvestir eux-mêmes en equity et proposer une structure de dette et des mesures permettant de redresser la société.
Les prêteurs senior, quant à eux, peuvent demander à ce que de nouveaux investisseurs, financiers ou industriels, soient sollicités. Industriels si cela permet de renforcer le positionnement de la société. Financier s’ils estiment le potentiel de cette dernière suffisant pour attirer un nouveau fonds, ou si les banques souhaitent mettre en place une solution de portage. L’idée est de faire entrer au capital un fonds de restructuration, qui investit pour une durée de trois à quatre ans. L’argent apporté permet de renflouer la trésorerie de la société. Quant aux conditions de sortie, elles sont définies lors de l’entrée de ce nouvel acteur et assurent aux banques de ne pas être lésées.
Si chaque partie cherche à protéger son investissement, toutes gardent pour objectif ultime et commun la préservation de l’actif. Pour cette raison, les discussions, même si elles sont parfois musclées, restent saines et aboutissent dans la plupart des cas à des solutions convenant à tous. Ces solutions servent d’ailleurs d’exemples à d’autres dossiers européens. En effet, le marché des LBOs en France est traditionnellement fort, et peut faire office de «laboratoire».
Des restructurations plus dures pour les sociétés
Tandis qu’actionnaires et prêteurs s’affairent pour renforcer les fonds propres et diminuer le poids de la dette, les manageurs et leurs équipes travaillent l’actif pour l’adapter au contexte économique. Pour certains, faire le dos rond quelques années a suffit, et la préservation de leur dispositif leur permet de redémarrer en bonne position. Mais de nombreux manageurs, face à la persistance de la crise, doivent se résoudre en accord avec les actionnaires à prendre des mesures plus radicales. Baisser les voiles en attendant que le vent revienne ne suffit plus, il faut attaquer la voile elle-même. D’autant que les années d’attente, au cours desquelles le service de la dette était privilégié aux investissements, ont affaibli les sociétés
Le management doit alors, en plus du contrôle permanent des charges, envisager plusieurs axes. La réduction du dispositif ou du scope, amenant à se recentrer sur des marchés ou des métiers cores, constitue une possibilité. Concrètement, il pourra s’agir de l’externalisation de certaines activités, ou de cessions. La décision est difficile à prendre car elle suppose de défaire ce qui avait été construit, ou de se séparer d’une activité que l’on avait cherché à préserver. En parallèle, les équipes doivent travailler sur le développement commercial et tenter de gagner de nouveaux marchés.
Mais une fois encore, si le contexte est difficile et que les mesures semblent douloureuses, elles résultent d’un travail profond et bénéfique de remise en question. Et si la vague de difficultés risque de se poursuivre, les sociétés restructurées aujourd’hui possèdent de vraies chances de retrouver un minimum de croissance.
3 questions à ... Olivier Marion, associé responsable du conseil en restructuration, PricewatherhouseCoopers
Comment définiriez-vous la signature de votre cabinet ?
Olivier Marion : Notre pôle Transactions, leader sur le marché français, intervient depuis plus de vingt ans sur plusieurs centaines de transactions par an. Partie intégrante de ce pôle, notre équipe Business Recovery Services met son expertise financière, stratégique et opérationnelle au service de l’entreprise, de ses créanciers et de ses actionnaires, dans des situations de prévention et de gestion des difficultés, en amont ou dans le cadre de procédures amiables ou collectives.
Notre signature constitue un gage de qualité et de crédibilité, qui favorise le retour à la confiance entre les parties (un point essentiel préalable à toute sortie de crise). Nous apportons par ailleurs notre expérience de ces situations complexes, de leurs intervenants et de leurs usages. Notre accompagnement va bien au-delà du simple diagnostic et constitue un gage de succès pour l’entreprise.
Nous plaçons enfin l’entreprise au cœur de nos interventions. En synergie avec toutes les activités de conseil de PwC, notre ambition est de faciliter l’émergence de solutions optimales pour les parties prenantes, dans le cadre de calendriers de négociation maîtrisés.
Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée aux restructurations ?
Olivier Marion : Notre équipe se compose aujourd’hui de 40 professionnels dédiés dont 6 associés, qui interviennent fréquemment en intégrant d’autres spécialistes de PwC sur différents domaines allant de la stratégie à l’évaluation, en passant par la gestion de trésorerie ou encore la pratique des marchés bancaires. Nos profils associent des spécialistes de la finance, du conseil et de praticiens de l’entreprise. Cette équipe se place au sein d’un réseau international de près de 2 500 experts de la restructuration, dont 1 300 en Europe.
L’équipe se caractérise par sa grande expérience des situations complexes, son indépendance dans les diagnostics réalisés et son engagement fort dans l’accompagnement de l’entreprise vers la sortie de crise. Notre capacité à mobiliser des expertises stratégiques, commerciales ou opérationnelles selon les besoins est un réel point fort de notre groupe, afin de répondre aux enjeux d’un dossier, qui dépassent bien souvent les paramètres strictement financiers.
Il faut noter enfin un renforcement significatif courant 2012 de notre équipe focalisée sur le traitement judiciaire des difficultés et sur l’optimisation du besoin en fonds de roulement, ces sujets étant d’une actualité accrue dans le contexte économique actuel.
Comment accompagnez-vous vos clients ?
Olivier Marion : D’une manière générale, nous cherchons à contribuer à la résolution des difficultés en construisant (parfois en rétablissant) de la transparence et de la confiance entre les acteurs.
Nous visons une réactivité maximale, grâce à des approches concertées avec le management, à l’expérience de nos équipes, et à leur goût pour l’investigation.
En pratique, nos principaux contextes d’intervention sont :
– l’accompagnement des équipes de management dans la gestion de la crise :nous apportons un soutien «sur mesure», visant par exemple à mieux prévoir l’évolution de la trésorerie, à optimiser le BFR, à envisager et préparer l’ouverture d’une procédure amiable ou collective si nécessaire, à améliorer la productivité, à construire un business plan, voire à dimensionner une restructuration sociale ;
- l’accompagnement de tiers à l’entreprise comme un créancier, un actionnaire, ou encore un repreneur potentiel, qui souhaitent être conseillés ou/et voir leurs intérêts défendus ;
- et enfin naturellement les expertises indépendantes de plans de restructuration financière. Nous l’envisageons comme un travail aux côtés de l’entreprise, dans l’intérêt de tous. Notre rôle est de soulever les sujets délicats mais aussi de suggérer des solutions et des bonnes pratiques.
L’objectif de notre équipe est d’aider à trouver des sorties «par le haut» aux situations de crise. Nous cherchons à créer les conditions d’accords équilibrés et pérennes entre toutes les parties prenantes :actionnaires, créanciers, partenaires commerciaux, salariés, management… L’exercice est souvent ardu mais nous nous réjouissons d’avoir contribué depuis quatre ans à faire progresser de nombreux dossiers difficiles.