Par Luc Castagnet, avocat associé, Lerins & BCW

Et si les prochains investissements en santé étaient destinés aux structures de médecins libéraux ?

Publié le 27 novembre 2020 à 14h27    Mis à jour le 30 novembre 2020 à 18h39

Nous œuvrons avec conviction sur des projets de rapprochement entre opérateurs publics et privés qui répondent, à notre sens, pleinement à l’évolution prévisible du secteur dans les prochaines années.

Les professionnels libéraux de santé partagent le constat que les jeunes générations de médecins ne sont plus aussi attachées que leurs aînés aux dogmes libéraux de l’individualisme et de la performance. Certains considèrent qu’il s’agit là du résultat d’une féminisation du corps médical (60 % des médecins généralistes de 35 ans sont des femmes) mais la réalité est plus simple : les nouvelles générations, hommes et femmes confondus, cherchent à trouver des modes d’exercice plus favorables à un meilleur équilibre entre vie professionnelle et vie privée. A rebours du médecin libéral d’antan qui ne comptait pas ses heures, le jeune praticien entend compter son temps professionnel et maîtriser ses disponibilités personnelles.

Exercer son art dans une société d’exercice en groupe où les tâches administratives sont prises en charge par des professionnels de la gestion, bénéficier d’une rémunération forfaitaire fixe (mais importante) et avoir la maîtrise de son temps de travail et de son indépendance professionnelle : sont désormais les objectifs clairement affichés par les jeunes praticiens libéraux. Ces nouvelles aspirations s’expriment au moment même où le monde de la santé parle «hôpital performant», «indicateurs financiers», «business plan», «tarification à l’acte», «intéressement financier aux résultats», «recrutement médical et fonctions supports», «rationalisation des achats», «développement des infrastructures», «constitution de réserves pour programmer des investissements en matériel». Cette évolution du secteur n’est toutefois pas incompatible avec les aspirations des nouvelles générations, bien au contraire…

C’est la désaffection croissante pour l’entrepreneuriat individuel qui se confirme, pas la participation libérale à des structures organisées et respectueuses des aspirations personnelles. Un jeune praticien nous a indiqué dernièrement qu’il se considérait être un «entrepreneur de soins participatif et indépendant» (sic).

Il faut donc assurer la rencontre entre ces aspirations des jeunes praticiens et la réalité du terrain où les aînés tiennent encore les rênes des structures organisées et performantes tant médicalement qu’économiquement.

Les investisseurs en santé peuvent être ce trait d’union, dans l’intérêt bien compris tant de la médecine libérale que des besoins de santé de la population.

Rappel du cadre légal et réglementaire relatif au capital des sociétés de médecins

L’article 5, I, A de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990, a posé le principe selon lequel «plus de la moitié du capital social et des droits de vote doit être détenue, directement ou indirectement (via holding), par des professionnels en exercice au sein de la société».

Par dérogation, l’article 6, III de la loi précitée prévoit que «des décrets en Conseil d’Etat peuvent prévoir, compte tenu des nécessités propres à chaque profession, qu’une personne autre que celle mentionnée [à l’article 5] puisse détenir une part du capital ou des droits de vote [des SEL], inférieure à la moitié de celui-ci. Toutefois, pour celles de ces sociétés ayant pour objet l’exercice d’une profession de santé, la part du capital pouvant être détenue par toute personne ne peut dépasser le quart de celui-ci».

En application de ces dispositions légales, l’article R. 4113-12 du Code de la santé publique dispose que «le quart au plus d’une société d’exercice libéral de médecins (…) peut être détenu par une ou plusieurs personnes ne répondant pas aux conditions du premier alinéa ou des 1° à 5° de l’article 5 de la loi n° 90-1258 du 31 décembre 1990».

Un tiers non professionnel de médecine peut ainsi détenir 25 % du capital d’une société de médecins.

Pour mémoire, le Conseil départemental de l’Ordre des médecins de la ville de Paris, dans un document de présentation disponible sur son site internet, relève que «dans les Selas, les associés peuvent mettre en place des actions de préférence conférant des droits renforcés. (…) Par principe, un titre ordinaire donne droit à un droit de vote aux assemblées, un droit d’information et un droit aux dividendes. Une action de préférence permet, en partie, de déroger à ces principes en octroyant à ces titres des droits différents : (…) actions avec un droit au dividende majoré… (…) Les actions de préférence sont à la fois intéressantes pour les entrepreneurs et pour les actionnaires : aux premiers, elles permettent d’attirer des actionnaires grâce à l’octroi d’avantages particuliers. Aux seconds, elles donnent la possibilité de bénéficier d’un extra financier et/ou de droits spécifiques» («L’exercice médical en groupe avec mise en commun d’exercice : SEL», CDOM de la ville de Paris, octobre 2019).

Il est donc possible d’organiser un investissement au capital des SEL de médecins dans lequel les associés conviennent d’une organisation préservant pleinement les praticiens dans leurs droits concernant les décisions relatives à leur exercice professionnel, tout en prévoyant des rémunérations encadrées par des contrats d’exercice conclus entre les médecins et la SEL et l’octroi de gains financiers pour l’investisseur.

Au-delà des aspirations des jeunes praticiens, c’est également la capacité de répondre aux besoins de santé avec de nouveaux matériels, sans cesse plus performants, et l’adaptabilité à un métier où les contraintes ne cessent d’augmenter qui conduiront de plus en plus de praticiens à se rapprocher d’investisseurs gestionnaires de long terme. 

Questions à... Luc Castagnet, avocat associé, Lerins & BCW

Comment définiriez-vous la signature de votre cabinet ?

Lerins & BCW a été fondé en janvier 2000 sur un modèle de «small and mid-cap law firm» avec la création d’une équipe dédiée exclusivement au développement de projets dans le secteur de la santé, hors pharmaceutique (restructuration des établissements de santé publics et privés, relations contractuelles des établissements de santé publics et privés entre eux et avec leurs praticiens, contrôles tarifaires et environnement réglementaire). La quasi-intégralité de nos associés a exercé au sein de grands cabinets internationaux et nous avons la conviction que nous pouvons assister nos clients sur ce secteur de manière beaucoup plus efficace et drastiquement moins onéreuse avec un niveau d’exigence technique similaire voire supérieur compte tenu de la spécificité de la matière.

Quelles sont les particularités des dossiers que vous traitez et comment accompagnez-vous vos clients ?

Nous agissons principalement pour le compte de groupes de santé (privés et publics) et les assistons dans leur développement. Depuis 2005 et les premières opérations de concentration et de restructuration, nous pouvons dire que nous grandissons avec nos clients au gré de leurs appétits jamais démentis. Nous veillons également à conserver un lien privilégié avec les médecins de toute spécialité, que ce soit au travers de nos travaux pour des syndicats de praticiens ou pour les exercices individuels ou en groupe. Nous sommes également particulièrement familiers avec les structures de Groupement de coopération sanitaire (GCS), plus particulièrement de droit privé, et ce même si leurs membres sont aussi des opérateurs publics. Nous œuvrons en effet avec conviction sur des projets de rapprochement entre opérateurs publics et privés qui répondent, à notre sens, pleinement à l’évolution prévisible du secteur dans les prochaines années.

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