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Forces et faiblesses des financements de projets en Afrique

Publié le 2 décembre 2016 à 9h34    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h30

Quel est l’état des lieux des financements du projets en Afrique ?

Nous constatons que les projets dans le domaine des industries extractives continuent à attirer des investissements et des financements, même si la baisse récente des cours de matières premières et en particulier du pétrole a substantiellement ralenti le développement des projets sous-jacents ou adossés à des contreparties impliquées dans ce secteur. Nous voyons un développement important des projets de production d’électricité, en particulier dans le domaine des énergies renouvelables, un peu partout sur le continent africain et un intérêt tout particulier d’investisseurs de type fonds d’infrastructure pour ce type d’actifs.  Nous voyons ça et là des projets de traitement d’eau ou dessalement (souvent couplés avec la production d’électricité).  Les projets dans le secteur portuaire ont également le vent en poupe et sont largement portés par des groupes industriels spécialisés soit dans le transport maritime, soit dans la manutention portuaire qui sont des contreparties «bancables», même si le domaine du transport maritime est par essence cyclique est largement dépendant du niveau d’activité du commerce international. Le succès du projet du port de Tanger Med et de sa zone franche au Maroc (dans le cadre duquel je conseille l’entité en charge du développement du port et de sa zone franche – l’Agence spéciale Tanger Méditerranée – depuis bientôt quinze années) a d’ailleurs largement servi d’exemple sur le continent africain et a contribué à l’éclosion de projets équivalents.En revanche, les projets d’infrastructures sociales (notamment dans les secteurs de l’éducation et de la santé) peinent à attirer les investissements privés nécessaires et les financements publics de ces projets sont le plus souvent très faibles. Le développement de ces projets, essentiel à l’émergence et à la consolidation des classes moyennes africaines, levier fondamental du développement social et humain dans les pays concernés, a pourtant fait l’objet, du point de vue juridique, d’une réelle avancée. De nombreux pays africains (Afrique du Sud, Angola, Cameroun, Côte d’Ivoire, Egypte, Ghana, Kenya, Maroc, Maurice, Sénégal, Tanzanie, Tunisie, Zambie, etc.) ont élaboré et adopté de législations spécifiques destinées à encourager le développement des partenariats public-privé (PPP). A ma connaissance, peu de projets dans le domaine des infrastructures sociales ont été réalisés selon un montage en PPP en Afrique à ce jour, y compris dans les économies les plus avancées du continent (à l’exception notable de l’Afrique du Sud et de deux projets en Egypte).

Qu’est-ce qui explique la faiblesse des investissements dans les projets à vocation sociale selon des schémas de PPP en Afrique ?

L’adaptation de l’arsenal juridique dans les pays concernés a certes été une étape importante dans le développement de ces projets, mais ce développement reste limité et est contraint par la faiblesse des marchés financiers et l’absence de marchés des capitaux locaux comme sources de financement desdits projets et par la faiblesse des ressources humaines qualifiées et disposant de connaissances techniques et financières adéquates au sein d’entités publiques ou parapubliques chargées de leur mise en œuvre.L’offre de financement des banques locales est faite selon des conditions qui, le plus souvent, ne sont pas appropriées pour ces projets : les marges sont élevées et la maturité des crédits plus courte que la durée d’amortissement desdits projets. En l’absence de marchés des capitaux locaux qui auraient pu permettre des financements obligataires, les financements de ces projets sont recherchés auprès des institutions financières internationales et de banques de développement (à l’exemple de la Société Financière Internationale ou de la Banque Africaine de Développement) qui n’ont pas des ressources infinies et sont déjà engagées dans le financement d’autres projets sur le continent.Les entités publiques chargées du développement par le recours aux PPP de projets d’infrastructures sociales dans beaucoup de pays peinent à percevoir les retombées immédiates de ces projets, dont les coûts de réalisation plus élevés, comparativement aux schémas de financement avec une maîtrise d’ouvrage publique, sont le plus souvent mis en exergue. Il convient en outre de noter que les entités publiques chargées de promouvoir et de développer les projets d’infrastructures sociales n’ont pas la culture ou l’habitude de faire appel à des conseils professionnels (conseils financiers, techniques et juridiques) pour la réalisation des études et le suivi de l’attribution de ces projets, alors que ces projets sont très souvent fortement consommateurs de ce type de services. Le coût de ces services est jugé par ces mêmes acteurs comme prohibitif, de telle sorte que l’intérêt même de recourir à ces schémas se trouve remis en cause et ces projets sont soit financés par des moyens budgétaires souvent déficients ou du moins limités du fait de la difficulté à mobiliser et à dédier des moyens budgétaires étatiques (ce qui le plus souvent résulte dans une réduction de la taille et/ou de la portée des projets qui s’éloignent des ambitions et souhaits initiaux), soit retardés dans le temps, s’ils ne ont pas purement abandonnés.

Comment dépasser cette faiblesse ? Quelles solutions peuvent être envisagées ?

La situation est en mutation et de nouvelles formes d’investisseurs et de financement sont aujourd’hui envisagées et mises en place. L’intervention des institutions financières internationales et les banques de développement n’est plus cantonnée au seul financement des projets en Afrique, mais elle se fait aussi dans l’aide à la structuration de montages complexes auprès d’autorités publiques ou dans la mise en place d’outils destinés à renforcer les secteurs bancaires de certains pays ou l’émergence des marchés des capitaux. Par exemple, la Banque Africaine de Développement, au travers du Fonds Africain de Développement, dispose d’enveloppes de garantie couvrant des risques de créanciers privés dans le cadre de projets. La multiplication de ce type d’outils et la dotation plus importante des enveloppes qui y sont dédiées pourraient donc permettre de structurer des financements bancaires de projets qui n’auraient pas été financés autrement, voire de structurer des opérations de financement obligataire tout en abaissant le coût des financements. Il s’agit d’une approche qui tendrait vers la désintermédiation bancaire, ce qui est la tendance actuelle des marchés européens de financement où le coût de liquidités est faible. On constate également l’intérêt grandissant, voire l’intervention effective, de fonds d’infrastructure et de capital-investisseurs comme investisseurs en fonds propres dans divers projets, parfois même à long terme.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Notre cabinet, à l’exemple d’un certain nombre d’autres cabinets, est outillé pour intervenir dans différentes phases de ces projets, voire parfois avant leur lancement. Nous intervenons en effet parfois auprès d’entités publiques dans la réflexion stratégique qui mène au développement d’infrastructures et nos avocats spécialistes de création et de gestion de fonds à Londres et à New York sont actifs aujourd’hui dans le conseil à des acteurs de premier plan dans la constitution ou le suivi de fonds de private equity, de fond d’infrastructures ou des fonds de dette dédiés à l’Afrique. La connaissance intime de ces fonds et de leurs critères d’investissement ou de financement est avantageuse quand par la suite nous les conseillons dans le cadre de la mise en place d’opérations à leur profit. Nous intervenons, comme d’autres cabinets, au travers d’équipes pluridisciplinaires regroupant des spécialistes de droit des sociétés, de private equity, de droit public, de droit de la construction et de droit des financements issus de nos bureaux de Paris, de Londres et de New York auprès de personnes publiques ou des personnes privées impliquées dans le domaine du développement de grands projets industriels ou d’infrastructures sur le continent africain. Cependant, par la diversité de l’expérience des avocats que nous dédions à chaque projet (aussi bien en termes de spécialisation et de localisation qu’en termes d’expérience géographique), nous nous efforçons d’apporter à nos clients en Afrique des solutions à la pointe des pratiques que nous connaissons par ailleurs qu’on adapte aux contraintes et au contexte locaux. Nous n’avons pas de « spécialistes d’Afrique » au sein de notre cabinet contrairement à d’autres cabinets, mais des spécialistes de matières spécifiques qui ont une expérience de traitement de problématiques juridiques complexes dans des géographies diverses et qui interviennent régulièrement en Afrique.

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