Expertise

La bourse sourit aux pépites de la French Tech

Publié le 13 novembre 2015 à 11h12

Matthieu Grollemund et François Hellot, avocats associés, Dechert

La relance des introductions en bourse s’est confirmée cette année, surtout pour les sociétés innovantes, qui ont particulièrement animé la place de Paris. Cette effervescence conforte l’attractivité du marché français mais offre aussi des opportunités de cotation sur d’autres places internationales selon les profils des candidats...

Le marché des IPO a été particulièrement animé cette année par les medtechs et biotechs qui ont connu un véritable engouement sur Euronext Paris. Poxel, Cerenis, Abivax, Amplitude Surgicals, ou encore Ose Pharma ont prouvé l’appétit des investisseurs pour les introductions en bourse du secteur de la santé, même au pic de la crise grecque et de la volatilité des marchés. Le compartiment parisien des biotechs/medtechs compte aujourd’hui environ 75 sociétés, soit 8 à 9 % de la cote et pèse déjà 7 % du MidCac. On ne peut que se féliciter de la maturité de l’écosystème français, devenu une référence pour un secteur large qui comprend aussi bien les biotechs positionnées sur des thérapies innovantes que les start-up du medical device à la frontière de la robotique. Au point que Paris est devenue la première place boursière européenne pour cette industrie, attirant des sociétés au-delà des frontières hexagonales comme la medtech londonienne spécialisée dans le traitement du diabète Cellnovo, introduite sur Euronext cet été.

Un écosystème bien rôdé

Derrière ce dynamisme illustré par la multiplication des IPO, s’est structurée toute une filière de financement profes-sionnalisée, avec des acteurs d’envergure mondiale, qui cueillent ces futures pépites dès leur éclosion dans les pépinières des laboratoires de recherche universitaires. Elles se font courtiser dès la phase «early stage» par les équipes rôdées des VCs français : Sofinnova, Omnes, Edrip et l’incontournable BPI ont développé un savoir-faire reconnu pour détecter les entreprises les plus prometteuses, faire le tri entre les business models viables et les équations économiques utopistes. Ils sont ensuite rejoints par des VCs anglo-saxons à la force de frappe financière conséquente, capables d’apporter les munitions pour accélérer le développement en R&D et cibler de nouveaux marchés à l’international. La question de l’IPO se pose tout naturellement par la suite avec l’arrivée à une certaine maturité du business model de l’entreprise et de la structuration de son management pour être de taille à se frotter aux marchés boursiers. Si beaucoup lorgnent le Nasdaq comme l’ultime consécration, le passage par Euronext s’avère souvent une étape préalable nécessaire, sauf pour de rares exceptions déjà bien implantées aux US comme l’a illustré la remarquable IPO de Criteo en 2013. Son patron, Jean-Baptiste Rudelle, avait installé dès 2008 des bureaux à Palo Alto pour mieux s’adresser au marché mondial et était donc fin prêt à poursuivre l’histoire de croissance de son entreprise de l’autre côté de l’Atlantique.

Car pour postuler au Nasdaq, l’équipe doit être suffisamment étoffée et déjà rôdée aux marchés de capitaux afin d’être en mesure de gérer un calendrier d’exécution et une cotation bien plus lourds que ceux d’Euronext Paris. Au-delà de ces conditions liées à la structuration de l’entreprise et de son équipe, il s’agit aussi d’être sûr que l’equity story sera capable de séduire et convaincre les investisseurs américains. Une phase intermédiaire pendant laquelle on se confronte à son marché domestique peut donc s’avérer très utile pour affronter les exigences du Nasdaq. Ce palier a ainsi été franchi avec brio par DBV Technologies. Cotée sur Euronext depuis mars 2012, la société de biotechnologie s’est lancée sur le Nasdaq en octobre 2014. Cette émission lui a permis de lever 133 millions de dollars pour poursuivre le développement de ses traitements anti-allergies. Au printemps dernier, le spécialiste de l’ingénierie du génome Cellectis lui a emboîté le pas. La plus grosse biotech française Genfit serait également dans les starting-blocks, ainsi qu’Innate Pharma et Erytech Pharma.

Attractivité de Hong Kong

Mais si le Nasdaq exerce un pouvoir de séduction irrésistible pour les biotechs française, d’autres candidates lorgnent les marchés asiatiques. Parmi les pistes de «délocalisation d’IPO», on constate un regain d’intérêt pour la bourse de Hong- Kong qui devrait connaître de nouvelles introductions européennes après des années de doutes et de tergiversations qui ont succédé à l’emblématique IPO de l’Occitane en 2010. La place hongkongaise n’a pas réussi à séduire d’autres candidats malgré les rumeurs qui ont animé les marchés sur des process en cours finalement restés lettre morte. Cette frilosité est principalement due à la forte volatilité du marché hongkongais, bien plus importante que celle qui sévit sur le Nasdaq déjà considéré comme extrêmement volatile en comparaison à Euronext. Autre frein qui a contribué à assécher le pipe des candidats à la cotation à Hong Kong, le renforcement de la réglementation locale, qui a alourdi les standards de documentation et de «disclosure» pour les IPO des sociétés étrangères, suite à la découverte de deux introductions de sociétés fictives qui ont échaudé les autorités locales, et complètement gelé le marché pendant de longs mois. A cela s’ajoute une spécificité liée aux candidats français de l’époque qui n’avaient pas réussi à convaincre des «Anchor investors» asiatiques, condition sine qua non pour la réussite d’une IPO sur la place hongkongaise. Aujourd’hui, la donne a changé et nous pouvons relancer de nouvelles opérations sur le marché asiatique, surtout pour des medtechs qui suscitent beaucoup d’intérêt sur le marché chinois, confronté à des affections endémiques notamment liées aux pathologies du foie, et qui voudrait s’autonomiser dans le traitement de ces maladies et par conséquent créer un écosystème favorable aux entreprises du secteur. Nous travaillons d’ailleurs aujourd’hui sur un dossier d’introduction d’une medtech française à Hong-Kong qui devrait signer au printemps 2016 la première IPO d’une SA de droit français, grâce à l’assouplissement des règles d’introduction à la bourse de Hong-Kong intervenu récemment.

Questions à… Matthieu Grollemund et François Hellot, avocats associés, Dechert

Comment voyez-vous l’évolution du marché des IPO ?

La fin de l’année s’annonce riche sur le front des IPO avec des opérations emblématiques comme Deezer et Showroomprivé qui devraient signer le retour des valeurs technologiques sur Euronext Paris. Il s’agit d’un véritable test pour Euronext qui n’a pas encore réussi à prouver son attractivité pour les sociétés de la nouvelle économie, contrairement au secteur de la biotech et medtech dont elle est le leader européen. Nous sommes confiants quant à la capacité d’Euronext Paris à asseoir sa légitimité sur le secteur des sociétés internet. À la différence de la bulle des années 2000, nous voyons aujourd’hui des candidats sérieux avec des modèles éprouvés qui génèrent déjà du chiffre d’affaires rentable ou alors de vrais «disrupteurs» qui révolutionnent les business models de leurs marchés. L’équipe de Dechert est aux premières loges de ces mutations puisque nous avons accompagné ces pionniers de la nouvelle économie dès leurs premiers pas et les avons vu grandir et révolutionner leurs marchés.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Composée aujourd’hui de 25 avocats à Paris, notre équipe Private Equity / Capital Markets dispose de compétences transversales et propose une offre complète à ses clients en leur donnant notamment la possibilité de les accompagner à la fois pour les levées traditionnelles en Private Equity et sur les IPO. Notre équipe d’avocats US en Capital Markets (basée à Londres et à New-York) nous donne une forte légitimité d’intervention sur toutes les opérations en Capital Markets aux Etats-Unis (IPO sur le Nasdaq, placement privé…) avec la particularité d’être spécifiquement familiarisée avec les problématiques des émetteurs étrangers sur les marchés américains.

En outre, nous disposons d’équipes dotées d’une expertise pointue aussi bien à Paris qu’à New York pour adresser toutes les problématiques liées à la propriété intellectuelle et aux brevets qui représentent un volet critique lors des due diligences préalables à l’introduction en bourse. Cette capacité d’accompagnement dès les premières phases en France jusqu’à la consécration aux Etats-Unis constitue un élément de différenciation important pour notre cabinet tant à Paris qu’à travers nos autres bureaux européens. Nous collaborons ainsi souvent avec nos associés allemands et anglais sur des dossiers de capital-risque européens.

Enfin, nous sommes très actifs dans le secteur de la santé et des sciences de la vie, tout en intervenant aussi très régulièrement dans d’autres secteurs, comme notamment les secteurs du logiciel, du commerce électronique et des télécommunications.

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