Expertise

La négociation des clauses contractuelles de sécurisation des managers dans les management-packages

Publié le 29 mai 2013 à 15h10    Mis à jour le 29 juin 2021 à 9h56

Laurent Marquet de Vasselot et Philippe Rosenpick

Par Laurent Marquet de Vasselot, associé en droit social et Philippe Rosenpick, associé corporate, CMS Bureau Francis Lefebvre

La réussite d’une opération de LBO passe en grande partie par l’existence d’une équipe de management solide. Rassurer le management sur les conditions dans lesquelles il peut être mis fin à leur contrat de travail ou à leur mandat social constitue souvent un élément important de la négociation.

Il n’existe pas d’outils spécifiques pour répondre à cet objectif. La pratique utilise en conséquence les outils existants, en les adaptant le cas échéant aux contraintes spécifiques des opérations de LBO. Il est ainsi fréquent de prévoir une ou plusieurs clauses, stipulant le plus souvent :

Clauses de garantie d’emploi

Les clauses de garantie d’emploi ont pour objet d’assurer aux intéressés leur maintien dans l’entreprise pendant une durée déterminée.Elles sont prévues dans le contrat de travail ou par avenant conclu entre l’intéressé et l’entreprise cible. Elles garantissent au manager une stabilité d’emploi minimum en restreignant le droit pour l’entreprise de le licencier.

Le contenu de la garantie relève de la liberté contractuelle. Lors de la rédaction d’une telle clause, il convient donc de prévoir sa durée mais également les cas d’exclusion : faute grave ou lourde, force majeure, inaptitude…

Clauses limitant les possibilités de licenciement

Les clauses limitant les possibilités de licenciement visent non pas à interdire tout licenciement pendant une période déterminée, mais à exclure certains motifs de rupture ou à subordonner celle-ci à la réalisation de certaines conditions. Le non-respect de cette clause donne lieu à une indemnisation spécifique, souvent déterminée par la clause elle-même.

La validité de principe des clauses de garantie d’emploi et des clauses limitant les possibilités de licenciement a été clairement reconnue par la Cour de cassation.

En pratique, de telles clauses sont fréquemment d’une durée de un à trois ans.

Clause de préavis majoré

La durée du préavis de licenciement est fixée par la loi en fonction de la classification et de l’ancienneté du salarié. Toutefois, l’article L 1234-1 C. trav. prévoit que la durée légale ne s’applique qu’à défaut de dispositions plus favorables pour le salarié résultant d’un accord collectif de travail, du contrat de travail ou d’usages.

Les parties peuvent dès lors prévoir une durée de préavis plus longue que celle fixée par la loi ou par la convention collective. Cette majoration du préavis ne se conçoit que dans l’hypothèse où la rupture est à l’initiative de l’employeur : il n’est en effet pas possible de prévoir une telle majoration en cas de démission, cette clause étant considérée, par nature, comme moins favorable pour le salarié.

Clause de rupture en cas de changement de direction

Une clause peut permettre au manager de rompre le contrat de travail en cas de changement de contrôle, de fusion, de changement important de l’actionnariat, etc. Les parties conviennent alors que cette rupture est imputable à l’employeur et prévoient le versement d’une indemnité contractuelle de rupture.

Indemnités contractuelles de rupture (ou «golden parachutes»)

L’allocation d’une indemnité de départ peut être envisagée à l’égard des managers pour les rassurer sur les conditions financières dans lesquelles leur départ pourrait intervenir. Cette indemnisation financière constitue un élément de négociation important pour inciter le manager à accepter un mandat social, en particulier lorsque ce dernier n’était jusque-là lié à la société que par un contrat de travail. Le versement d’une telle indemnité contractuelle de rupture ne vaut pas renonciation à toute action ultérieure de l’intéressé. En effet, l’indemnité contractuelle de licenciement peut se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Dans le contrat de travail du dirigeant, les parties peuvent en principe prévoir librement le montant de l’indemnité contractuelle de rupture, sous réserve toutefois qu’elle soit plus favorable que les dispositions légales et conventionnelles. Dans le cas où le dirigeant est mandataire social : le versement d’une indemnité de rupture est soumis à des conditions strictes destinées en particulier à ne pas faire échec au principe de la libre révocabilité.

Les règles devant être appliquées dépendent de la forme juridique de la société, la procédure des conventions réglementées ne s’appliquant pas systématiquement.

Traitement social et fiscal des indemnités

Au plan fiscal, les indemnités de licenciement (versées hors PSE) et celles versées aux mandataires sociaux lors de la cessation forcée de leurs fonctions sont exonérées d’impôt à hauteur du plus élevé des 3 montants suivants :

  • l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement ;
  • 2x rémunération brute perçue l’année civile précédant la rupture : cette limite est plafonnée à 6 PASS - Plafond Annuel de la Sécurité Sociale - (222 192 e en 2013) ;
  • 50 % de l’indemnité si ce seuil est supérieur : cette limite est plafonnée à 6 PASS.

Au plan social, les indemnités (versées hors PSE) sont exonérées de cotisations à hauteur du plus élevé des 3 montants précités. Toutefois, ces 3 limites sont plafonnées à 2 PASS (74 064 e en 2013).

Est soumise à la CSG-CRDS la fraction des indemnités qui excède l’indemnité légale ou conventionnelle de licenciement. Cette fraction ne peut être inférieure au montant assujetti aux cotisations sociales.

Nota : les indemnités supérieures à 10 PASS (370 320 e en 2013) sont assujetties aux cotisations et à la CSG-CRDS dès le 1er euro.

3 questions à... Jean Robert Bousquet, associé corporate

Quelles sont selon vous les problématiques du marché ?

Jean Robert Bousquet : De manière générale, le marché du LBO en France souffre de la mauvaise santé économique des  entreprises pouvant faire l’objet de telles opérations. A l’inverse des Etats-Unis, où l’activité des fonds d’investissement semble avoir redémarré avec une certaine reprise économique, les opérations de private equity sont encore en berne en Europe, et en premier lieu celles de grande taille. Les levées de fonds continuent également d’être difficiles, notamment auprès des investisseurs étrangers où l’Europe, et en particulier la France, ont une image dégradée. L’accès à la dette demeure difficile pour les acteurs du private equity et la question des refinancements des sociétés sous LBO se pose avec acuité, sans mentionner la mise en œuvre de procédures judiciaires visant à résoudre les difficultés de certaines de ces entreprises. 

En termes de management package, ce contexte économique dégradé a conduit à la renégociation de certains d’entre eux qui avaient perdu tout caractère motivant pour les managers. En outre, le contexte fiscal extrêmement mouvant des derniers mois a engendré beaucoup d’incertitude tant pour les actionnaires entrepreneurs, les fonds d’investissement que pour les managers. Il en résulte aujourd’hui une nécessaire refonte des mécanismes des management package et une modification des supports juridiques d’actionnariat des managers afin de limiter, autant que possible, la taxation des plus-values et les risques de requalification en salaire. 

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Jean Robert Bousquet : Notre équipe Corporate/M&A, composée de 35 avocats dont 8 associés, conseille aussi bien des fonds d’investissement, des managers et des entrepreneurs pour les accompagner à tous les stades des opérations de private equity. Nous intervenons notamment régulièrement dans la structuration et la négociation de management packages en proposant une offre de services complète en matière juridique et fiscale.  l’expérience de nos équipes fiscales, en matière de gestion des  redressements opérés par l’administration fiscale dans les management packages, nous permet de mieux anticiper les difficultés et de faire bénéficier l’ensemble de  nos clients d’un retour d’expérience unique sur ces enjeux  De manière plus générale, nous constituons sur chaque opération de private equity une équipe pluridisciplinaire dédiée permettant de traiter non seulement la négociation et les aspects juridiques de l’opération mais également la structu-

ration fiscale, le financement, le volet social, les aspects réglementaires et la notification aux autorités de concurrence. Membre de CMS, le cabinet bénéficie par ailleurs d’une couverture européenne inégalée avec une quarantaine d’implantations  qui lui permet d’accompagner ses clients sur les opérations transnationales, en particulier lors d’opérations de build-up.

Comment accompagnez-vous vos clients dans le contexte actuel ?

Jean Robert Bousquet : Le cabinet a su nouer avec ses clients des relations durables (avec un taux de fidélisation très important par rapport à celui observé habituellement sur la place) qui lui permettent d’être associé très en amont aux réflexions qu’ils mènent sur leurs projets, en particulier dans leur structuration juridique et fiscale. En matière de management package,  nous intervenons ainsi très tôt dans le processus en prenant part à la structuration juridique et fiscale, puis nous réalisons sa mise en place et assistons ensuite les clients tout au long de la vie du management package.  Nous sommes évidemment également en mesure d’accompagner nos clients lorsqu’ils font face à d’éventuels contrôles fiscaux sur ces opérations. Cet accompagnement global et dans la durée est particulièrement apprécié de nos clients et explique sans doute leur forte fidélité qui est pour nous un gage de confiance.

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