Expertise

La vague des LBO en difficulté est retombée… une nouvelle vague se prépare-t-elle ?

Publié le 26 juin 2015 à 11h15

L’intérêt des fonds anglo-saxons pour les LBO suren­dettés a permis de régler les principaux dossiers de restructuration. Les sujets de demain se préparent d’ores et déjà avec des financements qui renouent avec parfois certaines dérives de la précédente bulle.

Nous observons aujourd’hui une certaine accalmie sur le marché des restructurations de LBO dont les dossiers récidiv­istes ont fini par trouver une issue vraisemblablement plus pérenne avec l’entrée en jeu de nouveaux acteurs de la dette décotée.

En effet, nous avons constaté une évolution du comportement de l’ensemble des acteurs notamment dans le monde du financement et avec l’arrivée de nouveaux investisseurs du type Alternative Capital Providers (ACP), qu’ils soient des «hedge funds» généralistes ou des spécialistes du rachat de la dette décotée. Ces investisseurs améri­cains pour la plupart, dont le QG européen est basé à Londres, ont permis de trouver des solu­tions de sortie pour relayer des sponsors historiques incapables ou non désireux de remettre de la new money et de venir «au secours» d’entreprises qui ploient sous le poids d’une dette surdimension­née héritée de la bulle LBO des années 2005-2008. Les banquiers historiques de ces LBO en difficulté qui ont souvent participé à des premières restructurations sous forme d’ «amend & extend» ne sont plus disposés à accorder des délais mais cherchent des solutions définitives et n’hésitent plus, soit à céder des créances décotées, soit à participer à des «lender-led». Les «lender-led» à proprement parler restent une exception dans l’Hexagone, tant les banques traditionnelles sont réticentes à se retrouver dans le rôle exposé d’un actionnaire de référence.

En revanche, le retrait des banques et la résignation des fonds LBO à encaisser leurs pertes sur des portefeuilles pour lesquels ils atteignent leurs limites de détention et ne peu­vent plus apporter de new money, ouvrent un bou­levard pour de nouveaux acteurs rôdés aux situations spéciales. Dotés de poches de liquidités considérables et à l’affût d’opportunités d’investissement devenues plus rares sur le marché améri­cain, les fonds «dis­tressed» ou ACP s’intéressent de plus en plus aux cibles europée­nnes et françaises et lèvent des fonds con­séquents pour racheter de la dette déco­tée sur le Vieux Continent. Les dossiers emblématiques que l’on a vu se conclure ces derniers mois marquent ainsi la fin d’un cycle ! Nous sommes rentrés dans ce que je qualifierais de «restructuring/transaction » versus amend & extend.

Une issue «honorable»

Le «restructuring/transaction», que ce soit à travers la cession de créances ou la con­version de dette en equity ou en quasi-equity, devient ainsi une tendance lourde pour trouver une issue «honorable» à des dossiers qui ont subi parfois plusieurs restructurations financières incapables d’ajuster une dette disproportionnée à la réalité d’une activité dégradée par des années de crise.

Certains secteurs, comme le retail et la res­tauration, dont les fonds LBO ont été fri­ands depuis les années 2000 avec des opéra­tions successives et des leviers élevés, ont été particulièrement touchés par le repli de la consommation et la frilosité de leurs actionnaires ne souhaitant pas mener eux-mêmes le restructuring opérationnel. Les restructurations financières mises en place lors des premières vagues de 2009 à 2012 dans l’espoir d’une amélioration du «cur­rent trading» n’ont parfois malheureusement servi qu’à différer les mesures douloureuses. Depuis deux ans, nous sommes passés à une phase plus radicale qui associe restructuration financière et opérationnelle.

Or, certaines entreprises arrivent exsangues sur le marché et n’ont plus les moyens de financer leur restruc­turation. D’où l’intérêt de l’intervention d’investisseurs qui disposent d’une force de frappe de milliards de dollars, capables d’injecter de la new money.

Pour autant, l’intervention des ACP, même en ayant racheté la dette LBO avec des décotes significatives, obéit à des critères de valorisation très complexes pour trouver le bon calibrage de la dette et des «sacrifices» que doivent concéder les différentes parties dans l’espoir d’un retour à meilleure for­tune. Avant de prendre le contrôle de l’actionnariat d’une cible, ils mandatent des due diligences approfondies. Ils se focalisent davantage sur la recherche de leviers stratégiques et opérationnels. En effet, ils nous demandent de les aider sur la validation des plans stratégiques du management, sur l’identification de leviers opérationnels permettant une amélioration du niveau d’EBITDA et bien sûr nous sollicitent sur l’optimisation de la trésorerie avant de risquer de la new money de peur de s’enliser dans des process inextricables.

Ces nouveaux acteurs s’intéressent à des entreprises aux fondamentaux sains et avec un potentiel de crois­sance important à moyen terme pour trouver des voies de sortie intéressantes dans un horizon rai­sonnable. En cela, ils sont aussi concurrencés par des acquéreurs industriels attirés par les dossiers de LBO en difficulté qui peu­vent présenter des opportunités d’acquisition dans ce contexte de disponibilité du cash.

La prochaine vague

L’afflux de liquidités a aussi permis d’organiser des opérations de refi­nancement d’envergure, notamment sur le marché du high-yield, repous­sant les échéances douloureuses de quelques années. La généralisation des financements cove-lite sur les deals conclus avec des leviers impor­tants renoue parfois avec l’imprudence des années avant crise. Ce marché est-il en train d’alimenter une nouvelle bulle qui marquera le prochain cycle de restructuring ? Connaîtrons-nous une nouvelle vague de défaillances à mesure que ces LBO révèleront leur incapacité à rembourser des murs infranchissables de la dette ? Nous n’avons pas la réponse même s’il y a déjà certaines alertes sur des dossiers récents. Ce qui est certain c’est qu’il faudra mettre en place d’autres systèmes d’anticipation car les alertes désactivées ne permettront pas de prendre des mesures préventives et les fonds LBO risquent de se retrou­ver face à des «bond lenders» bien moins compréhensifs que les ban­quiers de l’ancienne ère.

Questions à…Guillaume Cornu, associé, responsable de Transaction Advisory Services (TAS), EY FraMaLux

Quelles sont les particularités de votre équipe sur le traitement

des dossiers de LBO en difficulté ?

La nouvelle configuration du paysage de restructuring des LBO met en avant nos atouts originels et notre grande capacité d’adaptation aux nouvelles condi­tions du marché. La combinaison de notre réseau international et notre struc­ture intégrée nous permet d’être les interlocuteurs désignés pour les nouveaux acteurs de l’investissement distressed en France. Ces fonds américains qui agissent depuis Londres ont besoin de conseils qui comprennent leurs besoins et leurs impératifs en décryptant la culture du restructuring locale spécifique à chaque pays tout en leur fournissant les clés de la maîtrise de la stratégie et du business de la cible. Nous travaillons en synergie avec toutes les équipes au niveau de la zone EMEIA chez EY pour nous rapprocher de cette double exigence.

Ce qui fait notre force est notre capacité à réunir dans une même structure toutes les compétences nécessaires à nos clients et de les déployer sur-mesure en fonc­tion de leurs besoins, mais également à savoir travailler en équipe avec les autres conseils et acteurs des dossiers –mandataires de justice, avocats spécialisés, banques d’affaires, CIRI, fonds de LBO, etc. Notre équipe est reconnue comme faisant partie des plus expérimentées du marché, qui a su attirer la plupart des pionniers du métier ayant bâti la pratique du restructuring depuis 20 ans. Le rapprochement avec le cabinet Ricol Lasteyrie Corporate Finance est un véritable accélérateur, y compris dans le domaine du restructuring et du conseil en financement. Dans un métier qui requiert des compétences transversales mais qui reste fondamentalement basé sur l’humain, l’expérience des situations et la connaissance de l’ensemble de l’environnement des professionnels du restructuring sont des atouts cruciaux pour la réussite des missions qui nous sont confiées.

Comment accompagnez-vous vos clients sur ces dossiers ?

Notre expertise pointue et notre connaissance approfondie de l’écosystème des entreprises en difficulté s’adossent à toutes les compétences du département Transaction Advisory Services (TAS) pour répondre aux besoins des clients dans leur intégralité et leur complexité. Nous avons su adapter notre offre à l’évolution des besoins du restructuring qui ne se fait plus sous le seul prisme de l’aspect financier mais comporte de plus en plus une approche opérationnelle.

Les créanciers veulent obtenir aujourd’hui des analyses approfondies sur la capacité de l’entreprise à renouer avec la profitabilité et générer du cash mais aussi une évaluation plus fine de la valeur de leurs créances pour étudier les différents scénarios possibles, y compris la prise de contrôle de l’actionnariat de l’entreprise comme on l’a vu dans les cas emblématiques du groupe Saur et de Vivarte.

L’équipe TAS (Transaction Advisory Services) est en mesure de répondre aux questions que se posent nos clients aussi bien sur les volets stratégique, financier et opérationnel notamment en raison du développement récent de nouvelles activités, que nous avons réalisé au cours de ces 2 dernières années. En effet, notre groupe dispose aujourd’hui d’une équipe très solide dédiée au Corporate Finance Strategy, de compétences en operational transaction services et bien sûr, de notre équipe de Cash&Working Capital Management. 

Enfin, la connaissance du secteur dans lequel évolue le client me paraît essentielle. C’est la raison pour laquelle nous renforçons cette dimen­sion sectorielle dans notre organisation, afin d’être au plus près des enjeux et de l’actualité de nos clients.

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