D’après une étude publiée par EY en septembre dernier, les “debt-to-equity swap” n’ont concerné que 13% des désinvestissements enregistrés entre 2010 et 2013 en Europe. Des niveaux assez peu élevés, contrairement à ce qui avait pu être anticipé un temps en France. Les grands dossiers comme Terreal, Frans Bonhomme ou Vivarte ont été traités entre 2013 et 2014. Depuis, peu de LBO d’envergure ont nécessité une remise à plat de leur endettement, il est dès lors légitime de se demander si le gros de la vague des restructurations financières n’est pas derrière nous. Etat des lieux du secteur par des experts de la matière.
Etat des lieux du marché
Alain Bloch : Durant le premier trimestre 2015, les ouvertures de procédures ont augmenté de 7 % et le nombre d’emplois concernés par ces dossiers a été le plus élevé depuis 2009. S’agissant des PME et ETI allant de 10 millions à 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires, et qui comprennent bon nombre de sociétés sous LBO, il y a un véritable effet de fracture économique. Nous constatons une dualité de situations : les champions de la croissance continuent leur accélération et réussissent de mieux en mieux tandis que les sociétés qui avaient tendance à s’enfoncer dans la crise en 2013 ont clairement plongé en 2014. Sur ce segment, la croissance est pourtant, au total, de l’ordre de 3,5 %. Selon une étude de GE Capital en partenariat avec HEC au niveau européen, cette catégorie d’entreprises rattrape l’activité de ses homologues du Royaume-Uni et de l’Allemagne. Il est néanmoins difficile d’en tirer des conclusions pour les seuls LBO.
Franck Ullmann : Cette étude différencie-t-elle les sociétés sous LBO des autres ?
Alain Bloch : Non. Elle différencie seulement les entreprises à capitaux familiaux, celles qui se portent le mieux, des autres incluant les LBO.
Fabrice Pesin : Sur le créneau ETI-PME de plus de 10 salariés, la Médiation du crédit a eu à traiter sensiblement moins de dossiers en 2014, à l’image du CIRI. De même, le nombre de défaillances sur ce créneau est revenu au niveau de 2008. S’agissant plus spécifiquement des LBO, la Médiation traite chaque année entre cinq et dix dossiers de sociétés de plus de 100 salariés. Nous sommes sollicités soit parce la holding ne peut pas faire face à une échéance de la dette LBO qui a déjà été restructurée, soit parce qu’une banque de la société d’exploitation a dénoncé une ligne court terme pour forcer la restructuration du LBO auquel elle n’appartient pas. Mais la tendance des saisines est baissière et nous pouvons nous en réjouir.
Alexandra Bigot : J’avais pour ma part l’impression d’une absence d’amélioration, que les dossiers étaient plus difficiles car les sociétés en difficulté (pas forcément des sociétés sous LBO) étaient plus exsangues et étaient plus nombreuses à partir en redressement judiciaire, avec nombre d’emplois à la clé.
Fabrice Pesin : Certains dossiers traités sont en effet plus douloureux et difficiles à régler car les premières solutions trouvées n’ont pas survécu à l’atonie de la croissance économique depuis 2008. Nous mettons un point d’honneur à accepter le maximum de dossiers mais parfois certains doivent être orientés rapidement vers le tribunal de commerce. Par ailleurs – et il me semble que c’est un enjeu fondamental –, nous avons des dossiers où les banques ne font plus confiance à un dirigeant trop âgé qui retarde la transmission de son entreprise : dans ce cas, c’est la mise en place d’un LBO qui pourrait sortir l’entreprise des difficultés !
L’évolution du comportement des créanciers
Guillaume Cornu : Nous observons une évolution des LBO en difficulté depuis 2008. Il faut rappeler que coexistent deux typologies de dossiers. Celui où la société est en grande difficulté et il s’agit alors d’un dossier distressed comme les autres, et celui où le sous-jacent est un bel actif mais qui connaît un problème de restructuration de bilan. Cette dernière situation est celle que nous avons connue en 2008.
A cette époque, nous étions dans une phase d’amend and extend. Nous espérions tous que la reprise arriverait rapidement et nous avons construit, en équipe, de manière professionnelle, des solutions de restructuration permettant de donner du temps et des moyens aux sociétés afin qu’elles opèrent leur redressement. Les restructurations reposaient alors sur un effort partagé entre actionnaires, société et créanciers, publics et privés. Cette situation a changé. En effet, la deuxième vague de crise, notamment la crise boursière de l’été 2011, a changé totalement la donne. La situation déjà fragile de certaines sociétés a été aggravée par cette «rechute».
D’une période d’amend and extend, nous sommes entrés dans une période nécessitant une véritable restructuration opérationnelle avec la plupart du temps une recomposition du capital. Cette recherche de solutions pérennes avec un changement d’equity peut prendre plusieurs formes. L’une d’elles, le lender-led par exemple, est très rare. Il y a eu très peu de dossiers comme la Saur.
Alexandra Bigot : Il y en a quand même de plus en plus depuis deux ans : Frans Bonhomme, Vivarte, Latécoère, Alma, Terreal, Winoa, Joa, etc.
Saam Golshani : Dans ces dossiers, ce sont plutôt des tiers qui prennent le contrôle des sociétés en rentrant par la dette plutôt que des lenders led, menés par les créanciers d’origine qui convertissent peu souvent leur dette en capital.
Guillaume Cornu : Rares sont les banquiers traditionnels français à faire des lender-led. En revanche, il existe beaucoup d’autres acteurs prêts à rentrer dans le capital des entreprises par la dette. D’ailleurs, les banquiers traditionnels notamment français, qui auparavant ne vendaient jamais leurs créances, sont aujourd’hui les premiers à les céder dans certains dossiers. Il y a donc également une évolution du comportement des acteurs. Une autre approche consiste à faire du portage, lorsqu’un fonds d’investissement vient aider les prêteurs qui, plutôt que de devoir consentir des abandons de créances significatifs immédiats, s’associent avec un acteur du private equity qui mènera en tant qu’actionnaire le redressement de la société en difficulté. A l’issue, en cas de succès du retournement, il y aura un partage de la valeur.
Enfin, certaines situations constituent de très belles opportunités d’investissements pour des corporate qui connaissent souvent bien les actifs actuellement sur le marché pour s’y être déjà intéressés par le passé. De nombreux secteurs sont concernés.
Alexandra Bigot : Depuis quelques années, les banques françaises cèdent en effet rapidement leurs créances et préfèrent acter immédiatement leur perte plutôt que de négocier pendant de longs mois. Parallèlement, il y a beaucoup d’argent à mettre au travail au sein des fonds alternatifs, notamment américains, qui n’ont plus autant d’opportunités intéressantes aux Etats-Unis et portent aujourd’hui plus leur attention sur l’Europe. Ces acteurs peuvent investir très rapidement afin de saisir l’opportunité, sans nécessairement faire toutes les diligences requises. Ils prennent donc position sur la dette et arbitrent par la suite pour savoir s’ils la convertissent ou non. C’est une tendance lourde.
Alors que le droit français a la réputation d’être défavorable aux créanciers, ces acteurs se rendent finalement compte depuis quelques années que le système du mandat ad hoc et de la conciliation fonctionne, même si c’est moins simple qu’en Grande-Bretagne dont le droit est très favorable aux créanciers. Mais y aura-t-il encore suffisamment de cibles de taille suffisante pour eux en France ? C’est une autre question.
Joanna Gumpelson : En 2008-2009, les créanciers et en particulier les fonds étrangers avaient en effet été échaudés par des sauvegardes jugées «agressives», notamment dans les dossiers Belvédère ou Cœur Défense. Mais depuis cette époque, la pratique montre que les restructurations de LBO en mandat ad hoc ou en conciliation fonctionnent bien. A quelques exceptions près (on peut penser à Ascometal l’an dernier et à Gérard Darel cette année), il est rare qu’une restructuration de LBO échoue et aboutisse à l’ouverture d’une procédure collective.
En pratique, les fonds étrangers prennent donc de plus en plus le contrôle par la dette. Il y a également une mécanique d’entraînement. Une banque d’un pool qui vend sa créance crée un mouvement pour les autres banques qui voient qu’un fonds peut entrer et envisager une solution de conversion de dette en capital. Elles sont alors incitées à également à sortir.
Nous observons par ailleurs que de nombreux fonds qui étaient actifs sur le marché secondaire de la dette (rachat de créances) souhaitent désormais intervenir en financement direct ou «direct lending» par voie d’émissions obligataires pour financer les besoins de trésorerie des entreprises in bonis ou en difficulté (new money), ce qui n’était pas leur cœur de métier historique.
Charles-Henri Rossignol : La prise de contrôle par la dette n’est toutefois pas très efficace en France. Il y a deux cas de figure. S’il s’agit d’un LBO en difficulté à cause de sa structure financière mais dont l’opérationnel fonctionne, la prise de contrôle par la dette peut marcher. S’il s’agit d’un LBO dont l’opérationnel est atteint, la stratégie d’entrée par la dette est alors relativement difficile à mettre en œuvre. Le fonds n’obtient souvent qu’un petit bout de la dette, ce qui empêche d’avoir le rôle actionnarial fort qui est requis dans ces situations pour avoir une gouvernance et un management solides.
François Guichot-Pérère : Les banques françaises vendent de plus en plus leurs créances puisqu’elles sont arrivées à un niveau de provision compatible avec les normes européennes. Il y aura donc moins de gros dossiers à restructurer, pour au moins 18 ou 24 mois. Les fonds de private equity ont également changé leur comportement. Quand ils ont perdu la mise, ils mettent les clés sur la table, étant désormais conscients qu’ils ont plus à perdre à être agressifs s’ils veulent continuer à faire du business.
Saam Golshani : Rappelons également la problématique de durée de ces fonds. En 2008, ils avaient une possibilité de récupérer de la valeur étant donné leur durée de vie restreinte. Mais nous traitons aujourd’hui d’investissement des fonds qui sont en fin de vie et qui n’ont donc aucune incitation à se battre.
Charles-Henri Rossignol : Il n’y a surtout plus de management fees.
L’afflux de liquidité
François Guichot-Pérère : L’afflux de liquidité est incroyable. Les fonds disposent tous de poches de dette primaire, de distressed, d’obligations, etc. C’est impressionnant.
Saam Golshani : La prochaine crise sera soit celle du high yield, soit celle du direct lending c’est-à-dire venant d’intervenants hybrides - entre fonds d’investissement, fonds de dette et fonds alternatifs - et qui prêtent de l’argent sous des formes différentes avec souvent une rémunération élevée et des sûretés robustes. Ces acteurs n’ont aucun problème pour prendre le contrôle le cas échéant.
Guillaume Cornu : Les «alternative capital providers» dont parle Saam font de plus en plus appel à des conseils en stratégie et opérationnels, car au-delà de la restructuration du bilan, ils nous demandent de les aider à valider les hypothèses stratégiques et d’identifier de vrais leviers opérationnels, tant en termes de rentabilité qu’en trésorerie.
Alexandra Bigot : L’afflux de liquidité est tel qu’ils veulent absolument mettre de l’argent au travail, comme dans Vivarte.
François Guichot-Pérère : Selon moi, il y aura un avant et un après Vivarte. La bagarre entre prêteurs y a été vive pour être celui qui mettrait le plus d’argent, le moins cher et le plus vite possible. Aujourd’hui les prêteurs se posent de vraies questions avant de remettre des montants significatifs dans un deal.
Marc Lelandais : Au départ, c’était loin d’être évident car les créanciers ne sont pas actionnaires, ce sont deux mondes différents. Ne l’oublions pas, c’est en effet la limite de l’exercice du LBO qui peut conduire à assécher les fondamentaux de l’entreprise. Lorsqu’un LBO connaît des difficultés pour des raisons anciennes de business ou un manque d’investissement, la solution est simple selon moi dans l’intérêt de tous : il faut écraser la dette le plus vite possible et apporter de la new money pour redonner à l’entreprise le ballon d’oxygène qui lui permet de repartir allégée. Dans un pool de prêteurs large, les sponsors historiques doivent comprendre que le dossier peut se terminer et qu’il va falloir rendre les clés car les nouveaux créanciers (qu’ils soient actifs ou dormants) se portent actionnaires et vont devoir opérer d’une autre façon. Demander de la new money implique forcément des créanciers qu’ils prennent les commandes. L’entreprise se gère bien quand les actionnaires ne sont pas trop nombreux et s’entendent bien. Ne soyons pas naïfs : passer d’un mode de détention de dette sous LBO à de l’actionnariat managérial est une tout autre histoire.
Alexandra Bigot : Il existe toute une typologie de créanciers et, sur Vivarte, il y en avait de tous genres, avec des objectifs très différents. Mais certains fonds alternatifs ont en eux un ADN d’actionnaires, même s’ils rentrent par la dette. Leur logique d’investissement est de savoir combien de new money ils pourront mettre au travail derrière, une fois la dette rachetée et convertie pour assurer la prise de contrôle.
Marc Lelandais : Entre les hedge funds et les CLO, les cultures sont très différentes. Les premiers attendent leur heure et vont presque pousser l’entreprise dans le mur en jouant la décote et en refusant les amend and extend. Les CLO sont plus dans une démarche passive. Leur demander de réinvestir est un acte transgressif. Pourtant cela fait partie de la responsabilité des actionnaires.
Alain Bloch : Les acteurs sont prêts à évoluer dans leur comportement à cause de l’afflux de liquidité qui crée une nouvelle concurrence, ce qui est plutôt sain au demeurant.
Laurent Jourdan : Le marché de la dette est devenu très actif et ceci a totalement modifié les équilibres dans les dossiers par rapport aux années 2008-2009 puisque bon nombre d’interlocuteurs ont changé. Je ne suis d’ailleurs pas sûr que ces changements aient facilité la mise en place des solutions de sortie. Les créanciers qui se trouvent autour de la table sont plus aguerris et plus agressifs que les banques traditionnelles et les rapports de force avec le débiteur ont été rééquilibrés. Mais comme leur métier est aussi de prendre des participations, il y a eu un changement de paradigme. Les fonds qui avaient déjà réinjecté de la new money en 2008-2009 et qui pour la plupart ne pouvaient pas réinvestir dans la période que l’on vient de connaître, notamment parce que cette remise de fonds ne permettait pas pour autant de revenir dans la valeur, ont accepté de laisser les clés.
Dans ce contexte, le management prend par ailleurs un nouveau poids dans la négociation. Certes, un acteur qui vient d’acheter de la dette a plus de marges de manœuvre que le créancier initial sur les abandons puisqu’il l’a achetée avec une décote. Néanmoins, certains d’entre eux ont du mal à assumer qu’ils ne sont plus dans la valeur. En l’état, les situations de blocage sont souvent difficiles à résoudre en présence de trois ou quatre récalcitrants. La new money constitue dans ce cadre un enjeu évident dans la compétition entre les créanciers qui veulent prendre les clés. Tout cela ne facilite pas nécessairement la recherche de meilleurs équilibres.
Franck Ullmann : J’exerce dans le secteur des petites entreprises (entre 30 et 100 millions d’euros de chiffre d’affaires). En 2008, à la demande de Lazard en Angleterre, nous avons monté un fonds pour faire face au «mur de la dette». Deux ans après, nous avons rendu l’argent aux actionnaires. Nous n’arrivions pas à investir car les banques ne cédaient aucune créance. Ces PME sont restées sous LBO pendant cinq ou six ans et quand elles arrivent au tribunal de commerce, la dette LBO n’a plus de valeur et tout est perdu. Or les banques qui ont été évincées sont souvent les mêmes qui sont dans l’exploitation. Ayant été meurtries dans le LBO, elles font une confusion et refusent d’accompagner les PME au niveau de leur activité. L’afflux de liquidité dont vous parlez ne les concerne pas.
Saam Golshani : Ce qui est sûr c’est que l’afflux de liquidité ne vient pas des banques.
François Guichot-Pérère : On va de plus en plus vers une désintermédiation. Dans 10 ans, nombre de PME auront 50 % de dette bancaire et 50 % d’aide désintermédiée, comme en Allemagne.
Joanna Gumpelson : Une étude est parue sur le marché américain de la dette à effet de levier dans laquelle on constate l’inversion de la courbe du financement bancaire et celle du financement par des tiers dès le début des années 2000. Je crois qu’aujourd’hui c’est 90 % de financement par des fonds et seulement 10 % par des établissements bancaires. Même si les marchés européens ou français sont loin de ces tendances, la part du financement par des non-banques s’accélère.
Fabrice Pesin : En raison des nouvelles règles prudentielles (notamment Bâle 3) et de l’aplatissement de la courbe des taux qui pèse sur la rentabilité de la transformation bancaire, le système de financement en Europe continentale évolue en effet vers une désintermédiation marquée. Il faut néanmoins analyser cette évolution en fonction de la taille des entreprises. Les grandes entreprises basculent massivement sur des financements de marché, avec de gros tickets. Les ETI utilisent de plus en plus les placements privés. Mais cette tendance n’est pas du tout perceptible sur les PME et TPE, pour lesquelles la banque reste le partenaire quasi exclusif.
Saam Golshani : Cette tendance remet en cause la frontière traditionnelle entre le capital et la dette. Ce qui rend d’ailleurs les restructurations plus faciles car certains acteurs sont capables à tout moment de changer de casquette, de devenir créancier ou actionnaire.
Le M&A est vraiment devenu un outil de restructuration financière. C’est l’aboutissement de la financiarisation qu’induit le LBO dans la structure de capital de ces sociétés. Pendant longtemps la France a buté sur l’absence de liquidité, maintenant il existe une fluidité du capital qui permet de restructurer et d’avoir des changements de contrôle rapides.
Le risque contentieux
Laurent Jourdan : Sur le mid cap, on a connu une vague de redressements judiciaires, souvent avec des entreprises dont la trésorerie était exsangue et qui ne pouvaient donc pas financer une période d’observation satisfaisante. Dans ces dossiers on a souvent dû boucler un plan de cession dans des délais très courts. La faiblesse des prix de cession, motivée souvent par le coût de la reprise des salariés, entraîne alors une insuffisance d’actif importante. Je crains donc le troisième tour sur le plan des responsabilités, d’autant que les écrits ou les propos de certains, ces derniers temps, font preuve d’une certaine dérive quant aux conditions de mise en jeu des actionnaires, au premier rang desquels les fonds considérés comme des poches profondes.
Saam Golshani : Il n’est pas absurde d’imaginer un moment donné la responsabilité des actionnaires au sens large – qu’ils soient fonds ou pas. Il n’est pas absurde que des actionnaires industriels ou fonds qui accompagnent des entreprises sans leur mettre à disposition les moyens de leur développement et les amènent par des stratégies à courte vue dans une situation de défaut financier puis opérationnel, puissent à un moment donné se retrouver sur la sellette. On a connu les fonds qui se battaient pour garder leur actif, on connaît maintenant les fonds qui donnent leur actif pour un euro. Il n’est pas interdit d’imaginer que demain on en rencontre qui réinjectent de l’argent dans la société pour pouvoir en sortir en limitant ainsi leur responsabilité.
François Guichot-Pérère : A partir de quel moment est-ce qu’un fonds ou une banque doit arrêter d’exiger des intérêts et des remboursements ? Où est la ligne ?
Joanna Gumpelson : La question ne se pose d’ailleurs pas dans les mêmes termes pour un fonds actionnaire ou prêteur ou pour une banque.
Saam Golshani : Absolument, c’est la financiarisation du capital.
Laurent Jourdan : Constatons tout de même que jusqu’à présent, ce n’est que dans des cas de comportements extrêmement déviants, préjudiciables et tout à fait particuliers que l’on peut attaquer l’actionnaire. Les notions de faute de gestion et de direction de fait doivent répondre à des conditions strictes. Il en est a fortiori de même avec la notion de co-emploi qui ne se conçoit que dans des cas pathologiques de confusion totale d’intérêts. Restons sur cette orthodoxie. J’entends ici ou là, selon une distinction plus que fumeuse, qu’il y aurait notamment de bons et de mauvais LBO. Calibrer les moyens en fonction d’un business development par exemple est extrêmement subjectif. Je me méfie donc des interprétations extensives qui pourraient être faites.
Saam Golshani : Mais une vague de jurisprudence devrait tout de même arriver.
Alain Bloch : La responsabilité de l’actionnaire est un sujet particulièrement mal traité aujourd’hui dans la loi, et tout autant dans la pratique par le parquet. Or s’il n’existe pas de temps en temps la peur du gendarme sur certaines positions, les risques de déviance sont importants. Il faut à la fois encourager le rebond de l’entrepreneur mais pouvoir sanctionner l’actionnaire actif qui se dérobe dans des conditions fautives. On fait aujourd’hui à peu près l’inverse.
Laurent Jourdan : Si l’on veut rester attractif, il va falloir que l’on demeure très strict et qu’un minimum de sécurité juridique demeure pour rassurer les fonds. Cessons d’agiter les épouvantails.
Alexandra Bigot : Dans certaines affaires, il existe des pressions pour faire en sorte que les actionnaires remettent au pot, indépendamment de toute action et de tout fondement juridique. Ce n’est pas sain. Cela vaut pour les fonds de LBO mais aussi pour les fonds de retournement, ce n’est pas normal.
Franck Ullmann : Je ne suis pas à l’aise avec ce schéma économique dans lequel le fonds gagne à tous les coups. Un fonds est une succession de fonds. Dans le numéro 1, le marché est avec lui et il gagne plein d’argent. Dans le deuxième, pareil. Dans le troisième, le marché se retourne, l’entreprise est impactée, mais le fonds gagne quand même. La situation ne serait pas la même s’il s’agissait d’une entreprise industrielle. Je trouve cette situation anormale.
Saam Golshani : Le vendeur doit déterminer quel est le bon actionnaire pour son entreprise: un acteur industriel ou un fonds. S’il choisit l’actionnaire financier, il s’agira d’un gérant d’actif ayant une poche allouée qui est limitée. Il n’y a pas de tromperie sur la marchandise.
Marc Sénéchal : La problématique des responsabilités n’est jamais clairement évoquée dans les restructurations amiables, mais tout le monde l’a en tête. Les branches amiable et judiciaire de notre secteur d’activité sont extrêmement imbriquées. Notre matière est en train d’évoluer : d’un droit qui a été pro-débiteur pendant les 30 ou 40 dernières années et qui a abouti – presque involontairement – à une protection de l’actionnaire, on passe à un droit qui est plus conscient des intérêts des créanciers et qui leur offre, à certaines conditions, une possibilité de prendre le contrôle des sociétés.
En amiable, cela se fait de manière consensuelle car les actionnaires financiers ont tendance à laisser plus facilement le contrôle de leur participation aux banques ou, pour être plus précis, à celui qu’elles auront choisi pour les accompagner dans un lender-led lorsque celles-ci ne veulent pas prendre le risque de la détention, d’abord parce que ce n’est pas leur métier et ensuite parce que le droit social français est un repoussoir terrible.
En judiciaire apparaît en ce moment, avec la loi Macron, ce que j’appelle le financement imposé à l’associé qui ne repose pas sur une responsabilité civile mais plutôt une responsabilité morale. L’actionnaire à l’obligation morale de reconstituer les capitaux propres de sa participation et, s’il ne le fait pas dans le cadre d’un redressement judiciaire en particulier, alors on pourra faire désigner un mandataire ad hoc qui votera à sa place. Cela ne sera pas toujours suffisant pour permettre à un tiers de prendre le contrôle mais pourra permettre de faire revenir la société à un niveau de capitaux propres suffisant ou du moins justifiant la présentation d’un plan de continuation. L’imposition de délais aux créanciers ne s’entend que si un niveau de capitalisation minimal est respecté par l’actionnaire.
Par ailleurs, l’éligibilité des holdings financières de pure détention à la sauvegarde a été destructrice pour notre pays. Peut-être devrions-nous nous interroger sur l’attractivité de notre sol du point de vue de ceux qui financent l’économie, c’est-à-dire les créanciers, et non du seul point de vue des actionnaires ? Je pense que les sauvegardes de holdings financières détruisent au moins autant notre environnement et l’attractivité de notre sol que les actions en responsabilité contre les actionnaires.
Franck Ullmann : En Grande-Bretagne, les banques prennent le contrôle et assument leur risque. En France, ce n’est pas le cas.
Marc Sénéchal : Les banques ont pourtant systématiquement un pacte commissoire adossé à leur nantissement sur les titres, de sorte qu’elles pourraient le faire. Mais, souvent, elles ne le souhaitent pas pour les raisons que j’évoquais à l’instant.
Saam Golshani : Ce sont des cycles. Dans les années 90, les banques le faisaient, notamment Paribas.
François Guichot-Pérère : Oui mais le Crédit Lyonnais a marqué les esprits !
Saam Golshani : Le vrai repoussoir est aujourd’hui le co-emploi.
Franck Ullmann : Il est surprenant que ne soit pas né un tiers qui agisse pour le compte des banques.
Guillaume Cornu : Il y a quelques banques qui y pensent. Rien n’est fait à ce stade.
Saam Golshani : Il ne suffit pas de laisser les clés pour se dédouaner de sa responsabilité en tant qu’actionnaires. Un actionnaire doit tenir sa position jusqu’au bout de la restructuration.
Guillaume Cornu : Ou céder au bon moment.
Saam Golshani : Oui, mais le simple fait de mettre ses titres à la disposition du plus offrant ne peut pas être en soit force de limitation ou d’exonération de la responsabilité de l’actionnaire. S’il avait été un industriel, on ne se serait pas posé cette question.
Marc Lelandais : Une discussion avec un actionnaire qui aboutit à une remise des clés de l’entreprise se passe rarement dans la joie et la bonne humeur. C’est l’aboutissement d’un processus complexe, de longs échanges et de discussions. La décision a des impacts lourds sur le plan opérationnel car pour le dirigeant, la décision implique qu’il prenne seul les commandes pour un temps et dans un processus d’une rare complexité.
Franck Ullmann : Ne décrivez-vous pas une situation qui se produit cependant trop tardivement ? Les ratios indiqueraient quoi qu’il en soit si la mise est perdue et s’il est nécessaire de réinjecter des capitaux ou si alors les investisseurs ont perdu leur mise.
Lorsque votre métier consiste à avoir des fonds, une approche industrielle devrait conduire à compenser quand la perte est sur une longue période. Dans ce cas, le problème de responsabilité serait en partie réglé.
La responsabilité de l’actionnaire
Charles-Henri Rossignol : Nous évoquons les problématiques liées à la responsabilité. Nous n’avons cependant pas encore évoqué le rôle de l’actionnaire dans les LBO en difficulté. Je pense qu’un point clé est d’avoir un leadership, qu’une direction soit insufflée ; certes déjà par le management, mais sans impulsion de l’actionnariat, elle reste limitée. Cette direction à donner devient problématique dès lors que les acteurs autour de la table sont nombreux, c’est-à-dire plus de trois. La question liée à la liquidité sur le marché de la dette n’est pas de nature à faciliter cette problématique de leadership. Je pense que nous sommes aujourd’hui davantage dans des stratégies de trading. Nous évoquions les hedge funds : comment sont-ils rémunérés ? Si les liquidités sont aujourd’hui très importantes, c’est notamment en raison d’une course au yield. Les taux d’intérêts sont au plus bas et les acteurs doivent cependant servir des rendements. Un hedge fund achètera donc une dette à 100 qu’il paiera finalement 60. Il fera alors une évaluation et communiquera auprès de ses investisseurs une valeur de 70 soit une progression en très peu de temps de 17 %. N’oublions pas qu’un gérant de hedge fund obtient son bonus en fin d’année et ce en cash sur une valeur qui est non réalisée. Cette situation explique cette course au yield. Cette stratégie de trading n’est pas de nature à pérenniser le système au long terme et donc à en finir avec les restructurations de LBO.
Marc Lelandais : Vous soulevez un point capital. Je me suis beaucoup interrogé dans le passé avec mon avocat et l’administrateur sur cette question de la responsabilité et ce notamment lorsque les fondamentaux de l’entreprise étaient mal positionnés, où nous devions trouver les solutions financières vitales à la recapitalisation de l’entreprise pour la remettre debout. Si j’avais d’ailleurs pu faire table rase, je l’aurais fait car la seule finalité est celle de sauver une entreprise et donc de lui donner la possibilité de recréer de la valeur pour ces mêmes actionnaires. Dès lors que nous ne sommes plus dans la money, ce ne sont pas 500 000 ou 800 000 euros qui feront une quelconque différence. La question de la responsabilité a notamment émergé lorsque nous avons songé à l’avenir de l’entreprise. La situation est très atypique puisque par ordre décroissant de détention de dette plus ou moins décotée, certains peuvent devenir actionnaires.
Mais un créancier reste un créancier et ceci est intrinsèquement lié à la financiarisation de l’économie. Nous avons alors pris la décision d’inscrire au Kbis les noms des créanciers nouveaux sponsors, en l’occurrence les fonds (non domiciliés aux îles Caïman), ce qui fut certes peu apprécié de ces derniers mais qui le fut en revanche du parquet et du cabinet du ministre à Bercy, et fera jurisprudence. Etre nommément inscrit au Kbis signifie siéger au conseil d’administration et donc faire attention aux décisions prises, ce qui signifie plus de responsabilité. Ceci ne règle pas le passé et la sortie du LBO, mais a une vertu préventive. Ce ne fut pas une mince affaire d’arriver à ce résultat.
Guillaume Cornu : Si nous revenons sur les niveaux et les montants de transactions, ils sont aujourd’hui proches de ceux de 2006-2007, ce qui est plutôt une bonne chose pour l’économie. Certains disent que les banques n’ont plus de liquidité, je pense qu’elles en ont beaucoup et qu’elles voudraient investir bien davantage mais elles sont confrontées à cette concurrence très forte avec des fonds nouveaux et le marché obligataire. En discutant avec des banquiers spécialisés en financements structurés, j’ai noté qu’au sein d’une même banque, il pouvait y avoir, au-delà de la concurrence entre loan traditionnel et dette obligataire, une compétition interne. Ces situations peuvent pousser les créanciers à prendre plus de risque sur les leviers comme sur les covenants. Sans parler des conditions de rémunération très compétitives. J’ai malheureusement la sensation que dans les 24 mois à venir, un certain nombre de dossiers vont alimenter le marché du restructuring.
François Guichot-Pérère : Les prix des actifs sont effectivement très élevés. Je pense cependant que la vague de la dette est plus calme. Je note des excès, mais ils sont bien moindres de ceux de 2006-2007 et les leviers sont les mêmes. Je note effectivement une concurrence accrue et un peu de surchauffe mais seulement sur certaines catégories d’actifs comme par exemple les télécoms qui sont un secteur connaissant une surchauffe assez spectaculaire.
Le segment des LBO mid-cap est plus calme. Concernant les covenants, qu’ils aient des niveaux élevés ou pas, si l’entreprise décroche, la situation reste la même : vous êtes alors contraint de renégocier. Je note également un peu de surchauffe sur le marché obligataire. Il y a donc une véritable coupure : les marchés de l’obligataire, du financement de l’unitranche et les financements bancaires sont en surchauffe.
Saam Golshani : Traditionnellement et ce sur les 30 dernières années, lorsque le marché de la restructuration de dette ralentit, celui des restructurations des high yield se met alors en place. Ces deux marchés sont effectivement contre cycliques.
Charles-Henri Rossignol : Si les actifs sont aujourd’hui très chers, n’oublions pas qu’il s’agit de ceux qui ont traversé la crise. Nous avions également en 2008 de la surchauffe notamment sur le marché de la dette, mais les conditions économiques étaient telles que n’importe quelle entreprise arrivait à se refinancer. Les conditions en 2015 sont bien loin d’être les mêmes. Les entreprises survivantes ont donc un prix car ce sont elles qui sont aujourd’hui encore en croissance et qui dégagent 10 % ou 15 % de marge d’Ebitda. Les plus faibles ont tout simplement disparu avec la crise.
Saam Golshani : Les plans d’affaires sont aujourd’hui la base sur laquelle l’endettement par high yield ou par direct
lending se structure. Lorsque les sociétés empruntrices n’arrivent pas à respecter les plans d’affaire d’origine, les augmentations de marge de ces instruments, conduisent au transfert de l’ensemble de la valeur des mains de l’actionnaire vers celles de l’obligataire ou du prêteur alternatif. Ceci sera un élément clé dans le cadre des restructurations à venir car alors les actionnaires et les financiers réaliseront qu’ils doivent laisser la valeur ainsi créée aux créanciers mais qui peuvent également devenir actionnaires via les schémas de sûreté. Ces derniers sont donc dans tous les cas de figure gagnants.
Alexandra Bigot : Je partage le point de vue de François qui est de dire que seul le marché du high yield est actuellement en surchauffe avec notamment des cas d’obligations largement sursouscrites, alors que les sociétés qui les ont émises sont loin d’être de très beaux actifs, et parfois on peut se demander si les business plans présentés ont été étudiés. Ces émissions mèneront à de nouvelles restructurations et nous devrons faire face à de nouveaux acteurs.
Charles-Henri Rossignol : Cette situation s’explique par le fait qu’un gérant de fonds à New York annoncera en fin d’année avoir fait 18 % de TRI sur des gains théoriques (PIK preferred, etc.). En revanche, son carried calculé sur ces mêmes 18 % sera quant à lui versé en cash…
Marc Sénéchal : L’actionnaire peut voir sa responsabilité civile engagée pour autant qu’elle soit démontrée bien entendu et, de ce point de vue, il profite depuis l’entrée en vigueur de la loi de sauvegarde d’une protection avantageuse au titre des concours consentis, donc lorsqu’il est aussi un créancier : l’article 650-1 du Code de commerce le protège sauf cas d’exception et démonstration du caractère abusif du crédit, ce qui devrait être très clairement incitatif pour financer l’économie française.
La situation du co‑emploi est la situation inverse, beaucoup plus ennuyeuse, car nous sommes toujours sur une pratique de responsabilité civile mais décidée par la jurisprudence sur des facteurs qui sont cette fois assez fluctuants et vagues et qui sont clairement de nature à dissuader les investisseurs de placer leur argent dans des entreprises françaises.
Dans les autres hypothèses, il évolue comme n’importe quel autre sujet de droit dans son environnement. Il peut être responsable civilement, pour autant que soit démontrée une faute, un préjudice ou un lien de causalité. Le cadre est connu, et il n’y a pas de raison de l’exonérer plus qu’un autre. Cette responsabilité est naturelle et souhaitable. Nous ne pouvons pas imaginer que l’on puisse investir à n’importe quelle condition sur notre sol et qu’au prétexte de le rendre attractif, on laisse les gens faire n’importe quoi n’importe comment. Si vous voulez prendre le contrôle d’une société française, c’est que vous êtes responsable au sens où le sort de celle-ci doit vous intéresser et, parfois, être en mesure de dépasser votre propre intérêt. C’est le risque d’entreprise. Bien sûr, nous devons aussi combattre les dérives en termes d’action judiciaire. Mais je les crois finalement assez peu nombreuses et c’est aussi l’un des enjeux de nos tribunaux de commerce que d’avoir une harmonie dans la politique de sanctions commerciales à l’endroit des dirigeants de droit ou de fait.
Alain Bloch : Harmonie qui n’existe absolument pas en réalité : à Nanterre quasiment tous les dossiers font l’objet de poursuites, ce qui est d’ailleurs fou, et à Lyon par exemple, pratiquement aucun. La disparité des jurisprudences dans ce domaine est stupéfiante. Ce qui confirme que le sujet est insuffisamment pris au sérieux.
Marc Sénéchal : A Nanterre, le taux de condamnation en matière de comblement pour insuffisance d’actifs est de l’ordre de 10 %.
Saam Golshani : Sans actionnaire, c’est à dire des acteurs capables de prendre des risques et d’insuffler des directions à des dirigeants, il n’y a pas d’économie de marché.
Marc Sénéchal : C’est un équilibre à trouver, cela ne peut pas non plus être un blanc-seing à l’actionnaire, sans aucun regard possible sur son comportement et donc sur sa responsabilité.
Saam Golshani : J’ai l’impression qu’en ce moment l’équilibre bascule au détriment des actionnaires. Mais qu’est ce que l’on fera sans eux ? Les fonds de dette qui prennent le contrôle de manière passagère dans les sociétés ne sont pas des actionnaires. La France manque d’actionnaires de long terme par rapport aux autres pays, qu’ils soient familiaux comme en Italie ou en Allemagne, ou institutionnels comme c’est le cas au Japon ou un actionnariat de long terme comme aux Etats-Unis.
Alexandra Bigot : Les clients anglo-saxons souhaitant investir en France sont effrayés par la responsabilité du dirigeant de fait et le co‑emploi dont les contours sont particulièrement flous et relèvent chaque fois d’une appréciation des faits. Lorsqu’ils nous consultent, ils sont toujours surpris qu’il n’existe aucune ligne de conduite claire qui permette de distinguer un suivi actif de sa participation de ces notions lourdes de conséquences. Aux Etats-Unis, les administrateurs ont le droit de se tromper dès lors qu’ils peuvent démontrer qu’ils ont tenté de bien fonder leur décision. En France, il n’existe pas de règle de ce type, et les décisions sont trop souvent appréciées a posteriori, permettant toutes les pressions politiques ou sociales.
Charles-Henri Rossignol : Ce qui manque en France, c’est la capacité à débloquer les dossiers. Très souvent les négociations durent et ce n’est bon ni pour la société ni pour les collaborateurs. Nous ne disposons pas des outils pour débloquer ces dossiers parce que personne ne prend ses responsabilités. L’actionnaire ne rend pas les clés, le banquier n’exécute pas son pacte commissoire, l’Etat laisse se creuser le passif public et le dossier pourrit doucement. Aux Etats-Unis, le juge peut imposer un plan et c’est sans doute une solution à étudier pour la France.