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LBO : les management packages post-Covid-19

Publié le 10 juillet 2020 à 15h51

Le choc du confinement et la récession historique attendue cette année vont empêcher de nombreuses entreprises sous LBO d’atteindre les objectifs de rendement initialement prévus. Si les managers et les investisseurs financiers se sont attelés en priorité à trouver des solutions pour préserver l’entreprise plutôt que de discuter des potentiels impacts sur les management packages, cette situation pose de nombreuses questions pour les dirigeants intéressés aux résultats.

Les crises les plus dures sont celles que l’on ne voit pas venir. Tel a été le cas de la crise de la Covid-19 et du confinement mis en place pour y remédier. Les métiers reposant principalement sur l’activité physique et tous ceux qui sont fortement encore impactés par la distanciation sociale (magasins de prêt-à-porter, hôtellerie, clubs de sport, constructions immobilière et automobile, etc.) ont été à l’arrêt total. Certains secteurs ont connu une chute totale d’activité, en particulier dans le tourisme, les transports, la restauration ou certains domaines de l’industrie. Malgré une reprise progressive depuis mai/juin, la visibilité demeure réduite et dépend des évolutions à venir de la crise sanitaire (et d’une seconde vague).

Les entreprises sous LBO n’ont pas échappé à la règle. Pour ces groupes, les implications pourraient être plus lourdes que pour les corporates. La chute d’activité (et des possibles débouchés) vient perturber les business plans établis dans la structuration des LBO (lesdits business plans ont rarement des critères permettant la mise en jeu de promesses de rachats de titres et de cessation des fonctions lorsqu’ils ne sont pas atteints) tout comme la valeur de cession potentielle de ces groupes, et peut forcer à redéployer l’offre dans des secteurs plus résilients. Ces éléments modifient en profondeur les perspectives de taux de rendement interne (TRI) atteignables : les multiples associés à l’opération et la valeur des actions ont pu se situer aux alentours de 18 × Ebitda pour la santé ou la high tech contre des multiples inférieurs à 8 × Ebitda pour les secteurs liés par exemple aux matériaux. Les management packages, qui permettent d’intéresser les dirigeants aux performances de l’entreprise, en sont directement affectés.

Des opérations parfois très perturbées par la crise

Dans la période actuelle, deux situations s’avèrent particulièrement problématiques pour les managers. Tout d’abord, les fonds d’investissement qui prévoyaient de sortir d’une opération dans le courant de l’année vont parfois préférer reporter leur cession pour éviter de subir de plein fouet la chute des valorisations lorsque les entreprises ont des activités peu prévisibles au regard de la situation actuelle. En conséquence, l’allongement des durées des LBO devrait entraîner une baisse mécanique des TRI. Or, ce critère de rendement souvent prépondérant dans le calcul du «management package» sera directement pénalisant.

De même, les LBO en cours d’élaboration avant la crise sont soumis à des incertitudes, sans toutefois être tous reportés, mais plutôt nécessitant des ajustements sur la valorisation, le retour des earn-out ou la mise en place d’incentives ouverts aux titres gratuits afin d’améliorer la performance des packages.

Pour les LBO à mi-parcours, il est probable que le retour à des conditions économiques stabilisées pourra permettre d’effacer les décotes actuelles. Pour autant, la politique de rétribution des dirigeants peut être affectée à court terme, notamment s’il leur est demandé de réinvestir au sein de l’entreprise pour percevoir des actions dont la valeur est désormais très incertaine. Dans un LBO dit dégradé, la souscription d’actions ordinaires peut s’avérer financièrement adaptée pour continuer à intéresser les managers. La mise en place de critère de «résilience» va devenir courant également dans les méthodes de valorisation.

Des solutions de négociation

Pour les managers et les investisseurs financiers qui feront face à ces difficultés, il sera primordial d’échanger suffisamment tôt sur les solutions financières à y apporter et aux conséquences sur les packages existants. Les documentations juridiques contiennent très souvent des clauses d’exception à l’anti-dilution. Celles-ci sont exerçables en cas de difficultés financières et pourront être mises en œuvre par les fonds d’investissement. Il sera alors nécessaire de faire également en sorte de conserver l’adhésion des managers en renégociant le package et en modifiant ses conditions afin de prendre en considération les effets dilutifs de l’apport d’argent frais (new money) auquel le management pourrait ne pas pouvoir participer et/ou le possible décalage de date de sortie.

La gestion de la crise de 2009 ne doit pas servir d’exemple. Le management ne doit pas être découragé suite aux efforts de gestion opérationnelle durant le confinement et post-confinement et ne doit pas avoir le sentiment de travailler en vain pour des objectifs devenus inatteignables.

Parmi les solutions d’ores et déjà existantes, en sus des actions ordinaires pour une equity faible (comme évoqué précédemment), se trouve notamment l’attribution d’actions gratuites ou d’actions de préférence dont la valorisation pourrait s’avérer faible du fait des difficultés financières de l’entreprise. Ce choix, qui n’est pas applicable dans tous les cas, peut offrir un intéressement supplémentaire ou un moyen de pallier la perte de valeur des outils souscrits en début de LBO sans pour autant renégocier en profondeur la structuration du LBO. Lorsque cette solution se révèle inadaptée, d’autres solutions peuvent être envisagées pour convertir d’anciens instruments d’intéressement en nouveaux instruments mieux adaptés à la conjoncture. La difficulté reste alors de bien prendre en compte les enjeux de fiscalité pour ne pas alourdir celle-ci en détruisant de la valeur.

Une visibilité encore faible pour les mois à venir

Les ajustements de management package restent à ce stade difficiles à mener du fait de la faible visibilité sur le contexte économique national et international : l’aspect inédit de la crise liée au Covid empêche de dessiner la trajectoire des cash-flows futurs de l’entreprise et de connaître quels seront les effets sur les business plans, un simple décalage ou une dégradation passagère voire durable. Le mois de septembre est souvent une échéance a minima pour établir de nouveaux business plans.

En l’absence de nouvelle vague épidémique, il se peut que l’horizon soit moins sombre que certains le prédisent (perte possible d’un tour d’Ebitda), et limite les impacts jusqu’ici envisagés. Dans les modèles de valorisation de type DCF, seules ces deux années seraient ajustées tandis que la valeur ultime de l’entreprise pourrait rester identique à celle d’avant-crise. En somme, les conditions de déclenchement des management packages pourraient demeurer atteignables sans renégociation.

Mieux encadrer les management packages à l’avenir

Pour terminer, notons que les nombreuses problématiques que nous avons citées mettent le doigt sur les risques inhérents aux management packages.

Au cours des dernières années, la conviction que les opérations seraient forcément gagnantes a poussé de nombreuses entreprises à ouvrir le management package à des strates parfois très larges au sein de la hiérarchie des salariés, pour créer un intéressement parfois généralisé des équipes. Un nombre grandissant de salariés ont ainsi été incités à investir directement au capital de leur entreprise, sans forcément être éclairés suffisamment sur les risques de perte en capital associés à ces opérations. La crise sanitaire a démontré à nouveau que les risques de perte en capital ne sont jamais absents et qu’il reste essentiel de s’assurer de la bonne compréhension des enjeux par chaque personne impliquée dans ces montages financiers.

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