Expertise

LBO : les nouveaux outils de traitement des difficultés

Publié le 14 février 2014 à 15h31    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h28

Au côté des entreprises «traditionnelles» qui subissent les conséquences de la crise, nombreuses sont celles acquises par effet de levier (LBO) qui souffrent de difficultés financières. Il est primordial de définir la nature de ces difficultés qui peuvent se limiter à un simple bris de covenants, problème qui sera alors traité assez facilement ou atteindre un degré plus délicat en touchant par exemple à un problème d’amortissement du principal, de paiement des intérêts mezzanine ou même senior, d’impasse de trésorerie voire de besoin en new money.

En toute hypothèse, le traitement du LBO en difficulté sera rythmé par plusieurs étapes. Au préalable, il conviendra d’établir un diagnostic financier pour identifier les pertes, les quantifier et tenter d’arrêter si possible l’hémorragie ou trouver un palliatif court terme. L’entreprise sera aidée dans cette analyse par un expert indépendant qui conduira un Independant Business Review («IBR»). L’objectif est de fournir un diagnostic financier indépendant sur la situation de l’entreprise qui servira de base et de réflexion commune aux discussions à intervenir entre notamment l’entreprise, ses créanciers et l’actionnaire. L’IBR permettra également de déterminer si et quand les sociétés d’exploitation ou le débiteur des créances senior rencontreront une impasse de trésorerie. Ce point est fondamental car il déterminera le temps qui sera alloué aux parties pour trouver un accord.

Un autre élément qui impactera l’appréciation de la situation financière du LBO est celui du financement du BFR à l’aune de la dégradation du crédit fournisseur. En effet, les fournisseurs sont très généralement garantis par des assureurs crédit qui notent les contreparties en fonction de critères qui leur sont propres dont notamment : (i) la structure financière, (ii) le montant des dettes (y compris les OC ou autres instruments convertissables), et enfin (iii) le secteur d’activité. C’est sur ce dernier point que la limite du système est atteinte car dans un secteur en difficulté tel l’automobile ou le retail toutes les entreprises du secteur concerné souffrent. Elles risquent donc une dégradation mécanique en raison de leur seule appartenance à ce secteur. Si en outre, l’entreprise est sous LBO avec une structure de dettes telle qu’on la connait, la dégradation du crédit fournisseur sera pour une cause strictement exogène à l’exploitation. Il conviendra dans ces cas d’anticiper cette situation avec des discussions préalables.

Une fois le diagnostic financier établi, la société émettra des propositions aux établissement de crédits et ainsi lancera la période de négociation. Cette période débute généralement par un «stand still» demandé aux banques, c’est-à-dire la renonciation à demander l’exigibilité anticipée de la dette senior pendant la durée des négociations, en général pendant deux à trois mois, renouvelables.

Ces discussions seront souvent encadrées au sein d’une procédure de mandat ad hoc ou de conciliation. Si l’entreprise concernée compte plus de 400 salariés, elle a également la possibilité de saisir le CIRI, qui mène les négociations avec les banques, en collaboration avec le mandataire ad hoc (ou conciliateur selon le cas). Alternativement, pour des entreprises en dessous de ce seuil, la médiation du crédit pourra également être saisie et jouera le même rôle que le CIRI.

Le principe est que le débiteur doit rembourser sa dette, le but des négociations est donc de trouver et de mettre en place des moyens pour y parvenir. Cependant, il faut distinguer deux cas selon que (i)  la dette senior est trop importante par rapport aux flux générés par les sociétés d’exploitation, ou (ii) qu’il y a un besoin de new money. Il existe par ailleurs des cas où ces deux difficultés se cumulent. Le premier élément de réponse réside dans la quantification des besoins et de la position du ou des actionnaires. Ceux-ci ont-ils déjà remis? Le montant de la dette à rembourser (souvent le montant de la dette in fine) est-il vraiment hors de proportion par rapport aux flux générés par l’exploitation ?

Ce new money pourra être apporté par le mezzaneur, ce qui peut rendre délicates les négociations. En effet, le mezzaneur exigera, comme tout investisseur, un retour sur sa new money par priorité à la old money des créanciers seniors. Or, lorsque les modalités de remboursement (waterfall) sont trop avantageuses par rapport au remboursement de la dette senior, ces derniers peuvent avoir le sentiment, parfois justifié, que le mezzaneur recherche également le paiement de sa old money et ce, au mépris des principes de subordination.

Si l’actionnaire ne réinvestit pas, il peut également être envisagé un retraitement de la dette par voie d’émission d’Obligations Remboursables en Actions («ORA») au profit des banques ou d’une structure ad hoc dédiée.

Les deux solutions évoquées ci-dessus pourront également se cumuler.

En tout état de cause, on observe une tendance des différents acteurs du marché à chercher une restructuration de la dette à long terme en opposition au processus d’«amend and extend», utilisé depuis de nombreuses années dans les opérations de restructurations de LBO. Ce processus permet certes de repousser l’échéance de la dette et d’alléger les difficultés de la société au jour des négociations, mais il ne sert en réalité qu’à retarder les difficultés, puisqu’à la nouvelle échéance, il y a de grandes chances pour qu’une seconde restructuration soit nécessaire.

Notons que depuis 2010, et particulièrement depuis un décret du 20 septembre 2012, qui la rend applicable aux holdings, la Sauvegarde Financière Accélérée («SFA») est un cadre particulièrement attrayant pour la restructuration des LBO en difficulté. La SFA est une procédure de sauvegarde qui vise exclusivement les dettes financières et non les dettes fournisseurs. Inspirée du prepackaged plan du droit fédéral américain (Chapter 11), elle permet l’adoption d’un plan de restructuration dans un délai maximum de deux mois à compter de l’ouverture de la procédure. Une adoption aussi rapide est possible grâce aux négociations qui sont menées en amont de l’ouverture de la procédure dans le cadre d’une procédure de conciliation. Le plan de restructuration sera adopté à la majorité des deux tiers des banques (et non à l’unanimité comme ce serait le cas hors de la procédure). La SFA pourra ainsi être utilisée par le débiteur comme un moyen de pression face à un banquier récalcitrant aux négociations, puisque s’il est le seul récalcitrant les mesures du plan pourront lui être imposées en vertu du vote. Les premières SFA ont été ouvertes au premier trimestre 2013 et il est fort à penser qu’elles ne seront pas les seules.

3 questions à… Nicolas Theys, associé, SJ Berwin

Quelles sont selon vous les problématiques actuelles du marché ?

Nicolas Theys : Les restructurations de LBO du début de la crise ont été traitées avec la perspective d’un retour rapide à une meilleure situation. Or, nous sommes en 2013, la crise est toujours là et une partie de ces LBO doit être à nouveau restructurée. Face à ce constat, j’observe une tendance du marché à chercher une restructuration de la dette de ces LBO sur le long terme en opposition aux «amend and extend» de 2008.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Nicolas Theys : Je fais intervenir chacun de mes collaborateurs sur tout type de dossier et sur l’ensemble des problématiques de ces dossiers. Je crois en effet réellement en une formation transversale des plus jeunes qui leur permette d’apprendre à gérer un dossier dans son ensemble. Nous intervenons aussi bien en anglais qu’en français et nous nous attachons à réagir immédiatement (c’est notre caractéristique). La plus importante des qualités pour moi est d’avoir l’intelligence de la situation.

Comment accompagnez-vous vos clients?

Nicolas Theys : Nous nous attachons à être particulièrement réactifs aux demandes de nos clients, le temps étant l’ennemi d’une restructuration efficace. Nous fonctionnons donc toujours en duo ou trio sur un dossier pour être en mesure de répondre aux questions du client et aux problématiques du dossier le plus rapidement et le plus efficacement possible. Il est impératif sur ce marché, compte tenu des problématiques de trésorerie, de pouvoir répondre sans délai au client. Nous nous y attachons et c’est un peu notre marque de fabrique.

Dans la même rubrique

Etat des lieux des transmissions familiales

Le cabinet Racine a soufflé ses 40 bougies l’année dernière et compte aujourd’hui 250 avocats...

Les mécanismes de transmission d’entreprises aux salariés

Qu’il en soit le fondateur ou non, un chef d’entreprise désireux de transmettre celle-ci a souvent à...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…