Expertise

Le «family buy-out», une transmission d’entreprise familiale sur mesure

Publié le 15 octobre 2018 à 16h11    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h30

Dans le cadre de ses réflexions sur la loi Pacte visant à favoriser la transmission d’entreprise, le gouvernement a souhaité initier une étude pour un assouplissement des règles applicables en matière de «pacte Dutreil1». Intégrés dans le cadre du projet de loi de finances pour 2019, les assouplissements du dispositif porteraient en particulier sur les conditions de cession entre héritiers ou d’apport de titres à une holding au cours de «l’engagement collectif» de conservation.

Par Stéphane de Lassus et Erell Bauduin, avocats associés, Charles Russell Speechlys

Régime fiscal ayant pour objet de favoriser la transmission d’entreprise en offrant un abattement de 75 % sur la valeur fiscale de l’entreprise, le pacte Dutreil apparaît souvent trop rigide dans sa mise en pratique. La volonté du législateur serait donc de le simplifier pour le rendre encore plus attractif.

Cette simplification pourrait donner un intérêt supplémentaire au mécanisme de family buy-out, mécanisme juridique reposant en partie sur ce régime fiscal favorable et permettant la transmission de l’entreprise familiale dans le respect des intérêts de chacun.

Le principe du family buy-out (plus communément connu sous l’acronyme FBO) est d’offrir à plusieurs héritiers la possibilité de s’engager dans la reprise d’un groupe familial afin d’en assurer la pérennité tout en respectant l’équité financière entre les cohéritiers, et ce en mettant en place un désintéressement financier assuré par le versement d’une soulte au profit des non-repreneurs.

En effet, la clé de voûte d’une transmission réussie repose dans l’alignement des intérêts de toutes les parties tant du cercle familial que des éventuels tiers. L’objectif premier de ce mécanisme est ainsi d’offrir au chef d’entreprise un cadre juridique sécurisé tenant compte des contraintes familiales et financières du projet de transmission, tout en lui faisant bénéficier d’une fiscalité favorable.

Pour mettre en œuvre ce dispositif de transmission, il convient de bien définir les objectifs de l’entrepreneur, prenant en considération sa situation personnelle et patrimoniale mais également la situation propre de l’entreprise elle-même, sans négliger l’accès aux financements et le respect de l’égalité entre les héritiers «pierres angulaires» pour assurer la pérennisation de l’entreprise familiale.

Une combinaison classique entre une donation sous le bénéfice du régime «Dutreil» et la création d’un holding de reprise de type LBO

Ce schéma de transmission familiale dit FBO consiste à combiner d’une part i) la mécanique de la donation-partage, portant sur tout ou partie des titres de l’entreprise, consentie par le fondateur au profit de ses enfants sous le bénéfice du dispositif «Dutreil», avec l’objectif de reprise de l’un ou de plusieurs héritiers identifiés, recevant l’ensemble desdits titres en lot unique, à charge pour eux de verser, en contrepartie, une soulte à ceux des héritiers «non-repreneurs» et d’autre part ii) la constitution d’un holding de reprise par le ou les repreneurs, lequel prendra en charge le versement des contreparties financières sous forme de soultes dont le règlement pourra être immédiat ou échelonné dans le temps et, le cas échéant, financé par la dette.

A cette occasion, ceux des titres non transmis à titre gratuit par le fondateur, s’il y en a, pourront, suivant ses objectifs d’accès à la liquidité et de gouvernance, et sous réserve du respect des contraintes fiscales applicables, être cédés, pour tout ou partie, à cette même holding de reprise afin de lui assurer un capital disponible.

Possibilité d’indemniser les sortants non intéressés à la reprise de l’entreprise dans un cadre fiscal optimisé

L’un des intérêts du FBO réside dans sa capacité à offrir aux transmissions d’entreprises familiales les avantages du LBO (leveraged buy-out), sans les contraintes de l’entrée d’un tiers investisseur au capital.

L’opération permettra en pratique de bénéficier des effets de levier financiers et fiscaux propres aux opérations de LBO, lorsque l’héritier repreneur créera un holding : financement de la soulte et, le cas échéant, du prix des titres acquis à titre onéreux auprès du fondateur, par la dette, remboursée au moyen des flux de dividendes remontant de la société opérationnelle «cible» et faiblement imposés en application du régime dit «mère-fille». Il convient de noter que la nouvelle mesure anti-abus du régime mère-fille ne devrait pas s’appliquer aux holdings de reprise des FBO car ceux-ci sont créés essentiellement pour des raisons économiques et juridiques liées à la transmission.

Ces effets de levier financiers viennent ainsi opportunément compléter les avantages fiscaux issus du «pacte Dutreil», appliqués en amont à la donation-partage des titres de l’entreprise, et ayant finalement bénéficié à l’ensemble des héritiers, tout en permettant à ceux des non-repreneurs de ne pas soumettre au «risque social» le patrimoine reçu.

Un mécanisme sur mesure : le cas de l’entrée de managers au capital de l’entreprise

La souplesse du FBO offre la possibilité de variantes telles que l’entrée de tiers au capital de l’entreprise, par exemple les dirigeants extérieurs au cercle familial, tout en conservant le bénéfice de conditions fiscales favorables. En effet, bien qu’ayant la qualité de tiers à l’égard du cédant, ils pourront bénéficier également des dispositions du régime «Dutreil» non réservées à un cercle familial et donc acquitter des droits de mutation par suite liquidés à un taux acceptable : un taux effectif de 15 % viendra remplacer les «classiques» 60 % applicables aux transferts à titre gratuit réalisés entre personnes n’ayant aucun lien de parenté.

Les managers ou cadres clés concernés créeront dans ce cadre leur propre holding pour assurer le financement de l’impôt au moyen des remontées de dividendes de la cible transmise, dont l’imposition sera limitée grâce à l’application du régime mère-fille.

Le respect d’une contrainte technique

Cette opération d’apport immédiat suppose aujourd’hui, que la transmission ait été consentie au terme de l’engagement collectif de conservation de deux ans minimum et que donc, la phase de l’engagement individuel de conservation débute immédiatement ou bien que l’on soit dans la situation d’un engagement collectif de conservation réputé acquis (ECCRA), permettant, sous conditions, une dispense de la phase collective de conservation de deux ans. La situation devrait cependant être améliorée grâce aux aménagements offerts par la loi Pacte, autorisant les apports avant expiration de la phase de conservation collective.

Pour conclure, le family buy-out apparaît donc dans ce contexte d’assouplissement du pacte Dutreil comme une solution toujours aussi pertinente et efficace pour assurer la transmission et la pérennité de l’entreprise.

Dans la même rubrique

Etat des lieux des transmissions familiales

Le cabinet Racine a soufflé ses 40 bougies l’année dernière et compte aujourd’hui 250 avocats...

Les mécanismes de transmission d’entreprises aux salariés

Qu’il en soit le fondateur ou non, un chef d’entreprise désireux de transmettre celle-ci a souvent à...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…