Les stratégies «classiques» de gestion d’actifs immobiliers appliquées principalement aux immeubles de bureaux, s’appuyant sur la réalisation d’une plus-value lors de cessions ou sur la sécurisation d’un rendement annuel entre 5 % et 7 % doivent aujourd’hui faire face à la dégradation des conditions locatives et aux problématiques de refinancement de ces actifs.
Par Lionnel Gérard, Associé et Benjamin Hanouet Manager Département Immobilier, Eight Advisory
Un accroissement des écarts entre le loyer facial, le loyer économique et la génération de cash flow
Force est de constater que la pression des locataires sur les bailleurs s’est fortement accentuée lors des processus de renouvellement des baux. Sur Paris QCA (Quartier Central des Affaires), nous avons pu observer des prises à bail sur 9 ans avec des franchises de loyer atteignant jusqu’à 18 mois de loyer, des conditions de refacturation de charges strictes. Nous remarquons aussi l’intégration de clauses de break sans indemnité en dehors des échéances triennales contractuelles et l’application de l’ILAT comme indice de référence pour l’indexation, par définition moins favorable au bailleur que l’ILC ou l’ICC. Autant d’avantages consentis aux locataires, parfois complexes à déchiffrer, qui favorisent la création d’un décalage entre le loyer facial et le loyer économique du bail, pouvant présenter des écarts sur les cash flows de l’ordre de 25 % sur la durée contractuelle du bail.
Cette tendance, couplée à une évolution historique favorable des loyers s’expliquant principalement par la hausse des principaux indices d’indexation de référence (+8,5 % pour l’ICC depuis le 1er trimestre 2008), crée une véritable décorrélation entre les loyers issus des baux signés avant 2008 et leur valeur locative de marché actuelle.
A fin 2013, à Paris QCA, plus de 32 % des baux en cours présentent des loyers supérieurs à la valeur de marché avec un écart pouvant aller jusqu’à 20 % (Source IPD France). Lors des renouvellements de baux, le retour à la valeur de marché ainsi que les avantages consentis par le bailleur (franchise, exonération de charges temporaire, etc…) se traduisent immédiatement par une détérioration du cash-flow généré par l’immeuble, une tension sur les covenants bancaires en place et d’une manière plus générale, par des difficultés sur la capacité de l’actif à faire face à ses engagements financiers.
Parallèlement, la hausse constante des charges générales, d’entretien et des taxes immobilières, contraint les gestionnaires d’actifs à procéder à des analyses de sensibilité complexes sur les stratégies locatives à appliquer afin de rechercher le meilleur équilibre entre d’une part, un coût de la vacance élevé et, d’autre part le maintien de locataires bénéficiant de conditions locatives très avantageuses sur une durée longue. L’objectif est alors de conserver un cash-flow immédiat suffisant pour respecter les obligations de remboursement tout en poursuivant la recherche d’une amélioration de la valorisation de l’ensemble immobilier.
Durcissement des conditions de refinancement
Le durcissement des conditions locatives s’inscrit, qui plus est, dans une période de refinancement pour de nombreux actifs de bureaux acquis entre 2005 et 2007, financés par des emprunts bancaires souvent in fine arrivant aujourd’hui à échéance. Le refinancement de ces emprunts, basés pour la plupart sur des ratios d’endettement élevés (LTV supérieurs à 70 %) dans un contexte de hausse continue des valorisations, peut représenter un challenge s’il n’a pas été correctement appréhendé et anticipé.
Anticiper, scénariser et piloter pour préparer le refinancement
Le principal défi actuellement est de parvenir à fiabiliser une analyse prospective en intégrant l’ensemble de ces contraintes et cela, dans un marché locatif qui offre peu de visibilité. La préparation d’un dossier de refinancement crédible et convaincant doit s’accompagner d’une analyse en profondeur des processus de gestion immobilière comme le rôle et le coût du property manager et de l’asset manager. Par ailleurs et de plus en plus souvent, ce dossier fera l’objet d’une revue par un tiers externe avant présentation aux banques afin d’assurer une validation préalable des hypothèses financières utilisées.
Le marché immobilier français et parisien en particulier, de par sa taille et la qualité de ses actifs, conserve une forte attractivité pour la communauté mondiale des investisseurs immobiliers. La persistance de taux d’intérêt historiquement bas, l’arrivée sur le marché français de nouveaux investisseurs et financeurs internationaux (fonds souverains, fonds opportunistes, fonds de dette) et une relative anticipation des acteurs du marché ont à ce jour permis d’éviter de véritables problèmes de refinancement.
Plus que la réalisation d’un refinancement, la période actuelle semble propice à une réflexion plus globale sur l’intégration d’une modélisation approfondie des flux générés par les actifs et la mise en œuvre d’outils de pilotage fiables du cash permettant aux gestionnaires de définir la meilleure stratégie d’arbitrage pour l’actif détenu et de rechercher de nouveaux relais de rendement.
LIONNEL GERARD
Lionnel Gérard est Associé en Transaction Services et dirige les activités Immobilier et Financement de Projets chez Eight Advisory. Il était associé en Transaction Support chez EY et auparavant, chez Arthur Andersen. Lionnel Gérard est diplômé de l’ESCP.
Questions à… Lionnel Gérard, Associé Fondateur, Eight Advisory
Quel accompagnement Eight Advisory propose-t-il pour préparer des refinancements d’actifs immobiliers ?
L’accompagnement que nous proposons permet d’éclairer la stratégie de gestion actuelle et future de l’ensemble du portefeuille immobilier, présenter la performance historique des différents actifs et intégrer, compte tenu du manque de visibilité sur le marché locatif actuel, des scenarii de «stress tests » sur les hypothèses de relocation et de re-commercialisation ainsi qu’une étude approfondie du traitement des impacts financiers de la vacance. Nos équipes modélisent, actif par actif, un business plan prévisionnel en précisant les investissements à réaliser pour favoriser la commercialisation, notamment au regard des nouvelles normes environnementales et techniques, et, identifient les actifs pouvant être cédés dans des conditions favorables. Nous avons par exemple, accompagné une foncière dans la modélisation des business plans, préalablement à la cession de ses actifs immobiliers à un fond souverain.
Quelles sont les autres expertises d’Eight Advisory en matière d’actifs immobiliers ?
Parallèlement à la préparation de refinancement, Eight Advisory a développé d’autres offres complémentaires pour accompagner la gestion d’actifs immobiliers. Nous réalisons des «due diligence» sur des opérations de cession ou d’acquisition complexes, afin de préparer et d’accompagner notre client dans les négociations. Nous avons par exemple, pour un client investisseur, défini et mis en œuvre un mécanisme complexe de complément de prix dans le cadre de l’acquisition d’un immeuble de bureaux en VEFA, mécanisme subordonné à la vitesse et à la qualité de la commercialisation de l’immeuble. Nous assistons également les promoteurs et développeurs dans l’analyse et la préparation de leurs projets. Notre équipe modélise alors l’ensemble du projet, de la construction à la structuration du financement. En parallèle, nous avons développé une offre de conseil en appui de nos équipes de due diligence financière et de restructuration dans les situations où la gestion du parc immobilier du groupe étudié joue un rôle prépondérant dans l’analyse de la performance et de ses perspectives de croissance. Nous avons dans ce contexte réalisé des analyses approfondies pour plusieurs groupes de distribution et hôteliers, allant dans certains cas jusqu’à la préparation d’opérations de «sale & lease back».
Quelles sont les particularités de votre équipe ?
L’équipe dédiée à l’Immobilier est composée de collaborateurs expérimentés, bénéficiant d’expériences immobilières préalables très complémentaires. Nous pouvons nous appuyer sur les compétences de nos équipes «Restructuring» dans les situations de refinancement délicates ou sur notre équipe «Project Finance» pour optimiser la structure de financement des projets de développement immobilier. Nous disposons également d’un réseau de 16 cabinets partenaires en Europe, dans les Amériques et en Asie nous permettant d’adresser de manière la plus pertinente tous les sujets immobiliers internationaux.