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Le regain d’intérêt récent pour les actions gratuites dans la structuration des management packages

Publié le 4 mai 2018 à 11h45    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h25

Comment expliquez-vous l’engouement récent pour les actions gratuites ?

Les émissions d’actions gratuites sont en effet revenues «à la mode» depuis les deux dernières années, compte tenu de la loi Macron de 2015 et la loi de finances pour 2017. Les actions gratuites étaient moins attrayantes avant la réforme de 2015, notamment car la cotisation patronale était due par l’entreprise dès l’attribution des actions gratuites, alors même que ces actions pouvaient ne jamais être acquises par les bénéficiaires si les conditions de performance n’étaient pas atteintes.

Par ailleurs, depuis cette réforme, le régime juridique est beaucoup plus souple et il est possible d’adapter au cas par cas la durée de la période d’acquisition et de la période de conservation des actions gratuites, à condition que ces deux périodes soient au moins égales à une durée de deux ans. Nous pouvons ainsi, par exemple, prévoir une période d’acquisition de deux ans et aucune période de conservation.

Pour les plans d’actions gratuites décidés à compter du 31 décembre 2016, le gain d’acquisition pouvait bénéficier des abattements pour durée de détention, dans une limite annuelle fixée à 300 000 euros, le surplus étant imposé au barème progressif sans abattement.

Depuis le 1er janvier 2018 et la mise en place du prélèvement forfaitaire unique (PFU), plus connu sous le nom de «flat tax», les abattements pour durée de détention ont été supprimés en matière de plus-value sur titres. En conséquence, le régime des actions gratuites a été modifié et permet de bénéficier d’un abattement (de 50 %) sur le gain d’acquisition sur la même fraction inférieure à 300 000 euros du gain d’acquisition sans condition de durée de détention. En conséquence, il n’est plus nécessaire, comme c’était le cas avant, que le bénéficiaire ne cède ses actions qu’après expiration d’une période de deux ans courant à compter de la date à laquelle les actions gratuites ont été acquises. Le gain de cession entre quant à lui dans le champ d’application de la «flat tax».

D’autres aspects sont-ils impactés par les lois de finances pour 2018 ?

La principale modification pour les sociétés émettrices, qui va dans le bon sens, est que la cotisation patronale repasse à 20 % (laquelle est toujours due à la date d’acquisition des actions), au lieu de 30 % depuis la loi de finances pour 2017.

Il existe certaines exemptions à l’application de cette cotisation patronale, qui n’ont pas été remises en cause par les dernières lois de finances pour 2018, mais qui s’appliquent peu dans les dossiers que nous traitons, sauf en venture capital, c’est-à-dire lorsque la société émettrice est une PME au sens du droit communautaire, qu’elle n’a procédé à aucune distribution de dividendes depuis sa création et que les actions gratuites sont attribuées dans la limite, par salarié, du plafond de la Sécurité sociale (39 228 euros en 2017). Ces améliorations sont cependant nuancées par d’autres modifications législatives, à la suite de la loi de financement de la Sécurité sociale : les prélèvements sociaux applicables aux gains d’acquisition inférieurs à 300 000 euros sont portés à 17,2 % (au lieu de 15,5 %) et à 9,7 % (au lieu de 8 %) pour le surplus. Ce surcoût social semble cependant sans incidence sur l’attrait de ces instruments.

Qui bénéficie de ces actions gratuites en pratique ?

L’enveloppe d’actions gratuites n’est plus uniquement réservée aux managers du second et/ou troisième cercle, qui n’ont pas nécessairement les moyens d’investir des sommes importantes et que les dirigeants souhaitent néanmoins «incentiver» et motiver à la création de valeur.

Les dirigeants négocient donc qu’une partie de l’enveloppe d’actions gratuites leur soit réservée. Cela peut représenter 20 à 30 % de l’enveloppe globale d’actions gratuites en pratique et est donc un «incentive» non négligeable pour les dirigeants.

Toutefois, les actions gratuites ne peuvent être attribuées à un associé détenant plus de 10 % du capital de la société et l’attribution gratuite d’actions ne peut avoir pour effet que les salariés et mandataires sociaux détiennent plus de 10 % du capital de la société.

Les actions gratuites ne sont donc qu’un complément du management package ?

Nos clients sont très attachés au fait que les managers achètent leurs titres et investissent dans le projet, ce qui renforce l’alignement des intérêts. Les actions gratuites ne sont donc, en général, qu’un complément du package des managers. Elles peuvent également être utilisées lorsqu’un nouveau manager est recruté en cours de vie du deal et que, par exemple, les dirigeants ne souhaitent pas qu’il souscrive le même type de titres que ceux émis en faveur des autres managers, dans la mesure où ceci permettrait au nouveau manager de profiter de la valeur déjà créée…

Les actions gratuites sont donc, dans ce cadre, un outil intéressant, car on peut prévoir que les actions ne seront acquises que si certains critères financiers (pour la période de temps postérieure à l’arrivée du nouveau manager) sont atteints.

Pour conclure, peut-on considérer que ces émissions d’actions gratuites offrent une sécurité juridique totale ?

Le code de commerce est muet sur les actions gratuites. Le régime des actions gratuites résulte du code général des impôts (CGI). On peut donc penser que les actions gratuites présentent un cadre sécuritaire, ne pouvant être remis en cause par l’administration fiscale à condition que les conditions posées par le CGI soient respectées.

Néanmoins, certains fonds ont mis en place des plans d’actions gratuites de préférence, permettant un partage de la plus-value réalisée par le fonds d’investissement. La recommandation que nous faisons alors est de prévoir que le gain qui pourrait ainsi être réalisé à la «sortie» soit limité dans des proportions raisonnables.

Questions à… Eversheds Sutherland : une nouvelle équipe dédiée aux opérations de capital investissement

Dans un contexte de forte croissance du marché du capital investissement, Eversheds Sutherland a récemment renforcé sa pratique de private equity à Paris. Jacques Mestoudjian, qui dirige le département fiscal, a ainsi rejoint le cabinet il y a dix-huit mois. Eversheds Sutherland a également étoffé son département corporate en recrutant fin 2017 un quatrième associé au sein du département corporate, Sébastien Pontillo, spécialisé dans les opérations de capital investissement, afin de pouvoir répondre à l’intérêt grandissant des clients pour les opérations de ce type et de développer plus généralement la pratique de private equity, qui est déjà bien établie à Londres avec une équipe d’une vingtaine d’avocats dans ce domaine.

Pour quels types de clients intervenez-vous ?

Nos clients sont très variés, dans la mesure où nous intervenons aussi bien pour des fonds que pour des groupes industriels participant en tant qu’investisseurs à des projets de capital investissement. Par ailleurs, nous intervenons à tous les stades de l’évolution de l’entreprise : venture capital/levée de fonds, opérations de capital développement, mais également opérations de capital transmission pour des fonds français ou étrangers. Notre équipe est en effet constituée d’avocats issus de cabinets de la Place spécialisés dans les opérations de private equity (y compris infrastructures) et nous avons donc la compétence nécessaire pour accompagner nos clients dans ce domaine.

Quelles sont les problématiques actuelles de vos clients ?

Les liquidités sur le marché n’ont jamais été aussi importantes que ces derniers mois et les multiples de valorisation des sociétés continuent d’augmenter de manière significative. La concurrence est importante dans le cadre des processus d’enchères.

Certains praticiens commencent à parler de «bulle», d’autant plus que nous sommes dans un cycle haussier depuis 2011/2012, ce qui est assez long. Toutefois, la situation est différente de celle que nous avons connue en 2007. En effet, les cibles sont généralement moins endettées car les niveaux de levier d’endettement sont en général limités aux alentours de 4 ou 4,5, ce qui reste acceptable pour des groupes ayant une bonne capacité à générer du cash. Par ailleurs, le coût de la dette reste encore relativement bas, même si les banques centrales ont commencé à rehausser leurs taux. Tous ces facteurs permettent de nuancer la situation et d’espérer une certaine stabilité pour les prochaines années.

Dans ce contexte, les équipes de management ont de plus en plus de poids dans la négociation de leur package. Beaucoup d’équipes de management ont ainsi négocié récemment d’inclure dans leur package, en plus de la souscription à des titres de capital payants (faisant l’objet d’une évaluation par un expert indépendant), l’octroi d’actions gratuites.

Autre sujet : le levier fiscal sur les opérations de LBO notamment. L’administration y porte de plus en plus une attention particulière et fait une application systématique des dispositifs légaux anti-abus, mais a également une certaine tendance à remettre en cause le principe même du levier pour les holdings d’acquisition dans le cadre de discussions ex post concernant la preuve de l’intérêt de ces entités à supporter ces frais.

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