Le secteur de la santé et les biotechnologies sous les projecteurs du contrôle des investissements étrangers

Publié le 27 novembre 2020 à 15h28    Mis à jour le 30 novembre 2020 à 18h39

Par la qualité de ses établissements et de ses professionnels, par la force de son industrie et l’excellence de sa recherche, la France a développé un secteur de la santé performant avec de nombreux fleurons et une expertise reconnue.Il n’est donc pas surprenant que ces actifs suscitent l’intérêt des investisseurs étrangers et que l’Etat se soucie de mieux les protéger. Les perturbations majeures apportées par la crise de la Covid-19 ont été l’occasion pour l’Etat français de renforcer son dispositif en la matière.

Le secteur de la santé, un territoire déjà sensible dans le dispositif classique de contrôle des investissements étrangers

Le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France est principalement issu, dans sa dernière mouture, de la loi «Pacte» n° 2019-486 du 22 mai 2019 et du décret n° 2019-1590 du 31 décembre 2019 relatif aux investissements étrangers en France.

Concernant la notion d’«investissement étranger», ce terme vise, (i) pour les investisseurs originaires de l’Union européenne (ou d’un Etat partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant signé une convention d’assistance administrative avec la France), toute acquisition du contrôle (au sens de l’article 233-3 du Code de commerce – pour résumer : majorité des droits de vote ou capacité à influencer la gestion) d’une société française, (ii) pour les investisseurs non communautaires, l’acquisition d’une participation représentant plus de 25 % des droits de vote d’une société française (nouveau seuil spécifique et abaissé pour ces investisseurs), et enfin, (iii) pour tout investisseur étranger (originaire de l’Union européenne ou non), l’acquisition de tout ou partie d’une branche d’activité d’une société française.

La procédure de contrôle a été clarifiée et simplifiée. L’investisseur étranger doit préparer une demande complète comportant des informations détaillées concernant tant son propre actionnariat (élément clé de contrôle) que les activités de la société cible (concurrents et partenaires contractuels). Le ministre de l’Economie et des Finances dispose d’un mois, à compter de la réception du dossier complet (des demandes complémentaires pouvant être une source de retard), pour décider si l’investissement entre dans le champ du contrôle prévu par le CMF, s’il est autorisé immédiatement ou s’il nécessite un examen plus approfondi.

Sans réponse dans ce délai d’un mois, la demande est considérée comme rejetée, ce qui est un changement révélateur par rapport à la logique du système antérieur où l’absence de réponse dans les deux mois de la demande valait autorisation. Si l’administration juge nécessaire de procéder à un examen plus poussé, elle doit le réaliser dans les 45 jours de la demande initiale. A l’issue de cet examen détaillé, l’investissement peut être autorisé mais assorti de conditions (par exemple, la poursuite de contrats importants avec la Défense, ou le maintien d’activités sur le territoire français en matière de technologies duales).

Ce nouveau cadre du contrôle des investissements étrangers en France a été bousculé avant même son entrée en vigueur, le 1er avril 2020, par l’arrivée de la crise de la Covid-19.

La crise de la Covid-19 et l’entrée des «biotechnologies» dans le champ du contrôle des investissements étrangers

La crise de la Covid-19 a tout naturellement placé le secteur de la santé sous les projecteurs et les Etats européens ont très vite compris qu’il était nécessaire de protéger leurs entreprises malmenées en bourse ou affaiblies financièrement, dont bien sûr celles impliquées dans la préparation de traitements et vaccins ou la fabrication de matériels de santé essentiels.

Plusieurs textes sont ainsi venus renforcer le dispositif de contrôle des investissements étrangers en France, avec notamment l’abaissement du seuil de déclenchement de ce contrôle dès l’acquisition de 10 % des droits de vote d’une société cotée et l’entrée des activités de recherche en biotechnologie dans le catalogue des activités sensibles soumises à contrôle.

Concernant l’abaissement du seuil de contrôle à 10 % des droits de vote d’une société cotée ayant une activité «stratégique» (au sens du CMF), prévu par le décret n° 2020-892 du 22 juillet 2020, cette mesure s’applique aux investisseurs étrangers originaires de pays extérieurs à l’Union européenne. L’investisseur étranger doit notifier préalablement son projet au ministre de l’Economie et des Finances, qui dispose alors d’un délai de 10 jours ouvrés pour rendre sa décision. Concernant l’entrée des activités de recherche et développement dans les biotechnologies dans la liste des activités soumise à contrôle, celle-ci est opérée par un arrêté du 27 avril 2020, qui vient ajouter une huitième catégorie, «les biotechnologies», aux technologies «critiques» visées à l’article R. 151-3-III du code monétaire et financier (à savoir, 1°cybersécurité ; 2°intelligence artificielle ; 3°robotique ; 4°fabrication additive ; 5°semi-conducteurs ; 6°technologies quantiques ; 7°stockage d’énergie).

L’objectif de ce texte était visiblement de couvrir les sociétés qui participent à la mise au point d’un traitement ou d’un vaccin contre le Covid-19. Le terme employé de «biotechnologies» lui donne cependant une portée potentiellement bien plus vaste.

Ce développement est durable, puisque c’est un ajout permanent à la liste des activités soumises à contrôle. Il est aussi potentiellement problématique puisqu’il n’existe aucune définition légale ou seulement généralement acceptée de «biotechnologie».

Le terme «biotechnologies» pourrait donc couvrir de nombreuses sociétés actives dans les «biotechs» (une biotech développant un traitement contre le Covid-19 ? certainement ; contre une maladie orpheline ? probablement ; une plate-forme de digitalisation des dossiers médicaux ? sans doute ; une biotech spécialisée dans la santé animale ? peut-être) ou les «medtechs» (par exemple, celles de robotique de pointe appliquée à la santé, donc à ce titre visées deux fois par la liste des activité soumises à contrôle).

Or il s’agit de sociétés jeunes, gourmandes en capitaux et candidates à la consolidation, pour lesquelles les opérations d’investissement ou d’acquisition, y compris par des acteurs étrangers, devraient se multiplier dans un secteur de la santé en ébullition. Il y a donc fort à parier que la question du contrôle des investissements étrangers dans les «biotechs» devrait se poser dans de nombreuses opérations dans les mois qui viennent.

Questions à...

On constate un dynamisme des investissements dans le secteur de la santé. Partagez-vous cette vision du marché ?

En effet, le marché reste dynamique et constitue une valeur refuge ; les besoins en accompagnement juridique sont importants et l’activité transactionnelle devrait rester à un niveau élevé, compte tenu de l’appétence accrue des investisseurs dans un contexte de crise, en ce compris les investisseurs étrangers qui peuvent voir des opportunités sur le marché français.

Nous pensons également que le phénomène de concentration de l’activité des big pharma va continuer de créer des opportunités pour les laboratoires indépendants.

Par ailleurs, nous restons attentifs à la digitalisation du secteur, qui met en perspective la santé de demain, et sommes convaincus que la data sera au cœur des prochaines grandes évolutions.

Quelles sont les spécificités de votre offre sur le marché ?

Notre offre a la particularité d’être une offre transverse et étendue, c’est-à-dire réunissant des expertises juridiques complémentaires afin d’accompagner nos clients sur l’ensemble de leurs problématiques : corporate/M&A, social, fiscal, contentieux, IP/IT, immobilier…

Nos clients sont principalement des laboratoires pharmaceutiques de toute taille, français et internationaux, des établissements de soins, des medtechs et biotechs et des acteurs de services à la santé (CSO, CMO, e-santé…).

En outre, grâce à notre plateforme internationale et les liens historiques du cabinet depuis plus de 20 ans avec l’Asie où nous avons quatre bureaux (Hong Kong, Shanghai, Tokyo et Singapour), nous sommes en mesure d’accompagner les acteurs asiatiques du secteur souhaitant investir en France et réciproquement.

Pouvez-vous préciser les modalités d’accompagnement de vos clients ?

L’un de nos points de différenciation est que nous allons au-delà de la seule approche purement juridique ou technique, en prenant, au côté de nos clients, la hauteur souvent nécessaire pour prendre une décision éclairée. Nos clients attendent un partage d’expérience autant qu’un conseil avisé.

Nous sommes particulièrement à l’aise dans les relations de long terme avec nos clients, qui nous permettent d’anticiper les grandes étapes de la vie de l’entreprise et de les accompagner efficacement dans leur stratégie de développement.

Lorsque nous accompagnons les sociétés cibles, nous pouvons également nous engager auprès des équipes de direction (accompagnement sur les packages de rémunération, sur la structuration de la sortie, et même sur la transmission du patrimoine professionnel).

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