L’Ordonnance n°2014-326 du 12 mars 2014 participe de la volonté d’encourager le recours aux procédures préventives ainsi qu’à la recherche et à la conclusion de solutions amiables. Tirant les enseignements de la pratique, l’ordonnance améliore le dispositif existant de façon substantielle en créant des outils supplémentaires et en renforçant son efficacité.
Par Laurent Jourdan, associé, Racine
Les dispositions favorables au débiteur
Les modifications apportées au titre I du code de commerce relatif à la prévention des difficultés de l’entreprise ont pour objectif d’inciter le débiteur à recourir à ce type de procédure en le plaçant sous un régime plus protecteur et en limitant leur coût de mise en œuvre.
C’est ainsi qu’un nouvel article L. 611-16 introduit un dispositif de protection des contrats en cours qui fait échos à l’article L. 622-13 déjà existant en matière de procédures collectives, en prévoyant que sont réputées non écrites les clauses modifiant, en défaveur du débiteur qui recourt à une mesure ou procédure préventive, les conditions d’exécution d’un contrat en cours.
Le débiteur n’aura plus à craindre la mise en œuvre de pareilles clauses, telle la clause de déchéance du terme, parfois utilisées par les créanciers comme un outil de pression sur ce dernier, faussant ainsi les négociations.
De même, la portée des articles 1244-1 à 1244-3 du code civil relatifs aux délais de grâce se trouve amplifiée.
Désormais, le juge de la conciliation pourra accorder des délais de grâce au profit du débiteur mis en demeure ou poursuivi par un créancier avant même l’ouverture de la procédure, mais plus encore les garants et coobligés pourront se prévaloir des délais octroyés.
Ces délais de grâce pourront également être accordés au cours de l’exécution de l’accord au profit du débiteur «mis en demeure ou poursuivi par l’un des créanciers appelés à la conciliation dans le but d’obtenir le paiement d’une créance qui n’a pas fait l’objet de l’accord». Il s’agira, comme le précise le rapport au Président de la République, de mesures accordées au cas par cas, pour une durée maximale de deux ans, et non d’un substitut à un plan imposé.
Enfin, l’ordonnance s’est intéressée à la maîtrise des coûts de recours à ces procédures amiables en prévoyant que les clauses faisant peser exclusivement sur le débiteur la charge financière de l’intervention des conseils auxquels les créanciers font appel dans le cadre de ces procédures sont réputées non écrites.
Le renforcement du privilège de New Money
L’ordonnance renforce le privilège de new money instauré par la loi de sauvegarde en le rendant plus efficace.
Ainsi, aux termes des nouvelles dispositions de l’article L. 611- 11, le privilège de la conciliation n’est plus limité aux apports consentis dans l’accord homologué mais est étendu aux apports consentis «dans le cadre d’une procédure de conciliation». Il faut comprendre que les apports réalisés pendant la phase de négociation et permettant au débiteur de financer son activité tout en recherchant une solution amiable peuvent désormais bénéficier de ce privilège à la condition que l’accord trouvé soit par la suite homologué.
En outre, l’ordonnance tranche la controverse du traitement de ce privilège en cas de procédures collectives ultérieures en précisant dans un nouvel article L. 626-20 I. 3° que les créanciers antérieurs apporteurs de new money ne pourront se voir imposer, dans le plan de sauvegarde ou de redressement, des délais de paiements ou des remises qu’ils n’auraient pas consenti. Les créances bénéficiant du privilège de conciliation échappent donc à la discipline collective des créanciers.
Il convient de souligner que ces dispositions ne font pas obstacle à ce que ces créanciers acceptent néanmoins d’accorder de tels délais ou remises favorisant ainsi l’adoption d’un plan de continuation mais, n’y étant pas contraints ces derniers pourraient y faire échec.
Il est ainsi donné au privilège de new money une efficacité renforcée allant au-delà de la simple perspective liquidative.
Les procédures amiables : phases préparatoires à la cession ou au plan de sauvegarde
L’ordonnance se distingue essentiellement des autres réformes par l’introduction de deux innovations majeures en matière de prévention des difficultés, faisant des procédures amiables un outil préparatoire aux procédures ultérieures.
L’ordonnance donne au conciliateur la possibilité de se voir confier l’organisation de la cession partielle ou totale de l’entreprise qui pourra «être mise en œuvre, le cas échéant, dans le cadre d’une procédure ultérieure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire» ce qui permettra au tribunal de ne pas ouvrir le délai de réception des offres de reprise si les offres «formulées dans le cadre des démarches effectuées par le mandataire ad hoc ou le conciliateur désigné en application des articles L. 611-3 ou L. 611-6 remplissent les conditions prévues au II du présent article et sont satisfaisantes». Par ailleurs, est instituée une procédure de sauvegarde accélérée limitée à trois mois et s’inspirant de la procédure déjà introduite par le législateur en 2010, sans pour autant se limiter aux créanciers financiers. Si cette procédure s’étend à tous les créanciers, le plan y afférent ne sera contraignant qu’à l’égard des créanciers membres des comités qui pourront se voir imposer des délais uniformes de paiement.
Enfin, les créanciers se voient conférer une place plus importante dans la procédure puisqu’ils peuvent désormais également proposer un plan de sauvegarde.
Une deuxième ordonnance serait en cours de préparation, le décret d’application est quant à lui en cours de discussion.
Laurent Jourdan est Avocat au Barreau de Paris depuis 1994. Il est titulaire d’un Doctorat d’Etat en Droit et d’un DEA de Droit des Affaires de l’Université de Paris-Panthéon Sorbonne (1994). Avant de rejoindre Racine en avril 2013, Laurent Jourdan était associé chez Wragge & Co depuis 2010, responsable du département contentieux et, précédemment, associé chez Lefèvre Pelletier & Associés (1999-2010). Laurent Jourdan enseigne en Master II à l’IEP Paris, après avoir enseigné à l’Université de Paris-I Panthéon Sorbonne pendant 10 ans (CAVEJ).
Quelles sont selon vous les problématiques du marché ?
Le marche a été très actif ces deux dernières années c’est une évidence. Il le demeure dans la mesure où la sortie de crise n’est pas encore perceptible. Le nombre des traitements judiciaires et la taille des dossiers augmentent également car les problèmes transnationaux sont aujourd’hui légions. S’agissant des LBO en retournement le marché est dominé par le retour de dossiers traités en 2008/2009 et malheureusement souvent une dégradation du sous jacent opérationnel.
Quelle sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?
Notre équipe dispose d’une force de frappe unique. L’équipe restructuring comprend quatre associés (Antoine Diesbecq, Emmanuel Laverriere, Barna Evva et moi-même) et 6 collaborateurs. Nous sommes donc en capacité de traiter les dossiers majeurs de la place (dernièrement Guy Degrenne, Gad, Geoxia, Terreal, Clestra, Fagor Brandt …). Nous intervenons de manière transversale, tous les départements de notre cabinet peuvent être mobilisés immédiatement. Notre expertise est reconnue depuis longtemps en droit des entreprises en difficulté. J’interviens pour ma part depuis vingt ans sur ces problématiques. Nous sommes une des équipes les plus actives en retournement de LBO et en dossiers cross borders . Nous disposons de spécialistes reconnus dans leurs domaines, en social (nous sommes intervenus par exemple sur Ascometal), en financement, en private equity. Nous sommes capables d’intervenir à tous les stades des difficultés : qu’il s’agisse d’un traitement amiable ou judiciaire. Nous intervenons sur toutes les problématiques restructuration de dette, restructuration sociale, préparation des plans, reprise des actifs. Nous intervenons aussi bien pour le fonds, les débiteurs que pour les banques ou autres créanciers. Nous avons également une grande pratique des contentieux en matière de responsabilité des dirigeants et des établissements financiers, ce qui nous permet d’anticiper les difficultés dans la phase du conseil.
Comment accompagnez-vous vos clients ?
Intervenir en restructuring nécessite disponibilité et réactivité immédiate. Quand il s’agit d’assister l’entreprise objet des difficultés, il faut immédiatement comprendre son business model et des différentes contraintes, définir les buts et les enjeux de la restructuration, répondre aux attentes et interrogations formulées dans un contexte de tension particulier. Notre intervention consiste effectivement à accompagner et c’est nécessairement du sur mesure. Nous devons également faire preuve de pédagogie. L’assistance des fonds d’investissement quant à elle nécessite une connaissance parfaite de leur culture qui résulte de l’inscription de notre relation dans le long terme. S’agissant des repreneurs, nous sommes en capacité d’accompagner les investisseurs étrangers désireux de profiter des opportunités de reprise à la barre. Nous l’avons démontré dernièrement dans le dossier Fagor Brandt en accompagnant Cevital dans la reprise aussi bien en France qu’en Espagne ou en Pologne. Là encore la pédagogie est essentielle. Nos interventions aux côtés des débiteurs nous amène aujourd’hui à être choisis par des banques pour les assister (par exemple dernièrement restructuration de dette du groupe Gascogne) . Là encore il convient d’être inventif car les banques avec lesquelles nous intervenons souhaitent être force de propositions concrètes quant aux solutions à apporter. Notre connaissance de longue date des différents intervenants du secteur (administrateurs, mandataires, magistrats, cellules de restructuring) nous permet de travailler de façon récurrente et en confiance avec les meilleurs intervenants de la place. Ainsi, nous sommes en capacité de mobiliser autour du client l’équipe la plus immédiatement opérationnelle possible.