Expertise

Les LBO soumis à des incertitudes juridiques d’exécution majeures

Publié le 29 mai 2013 à 15h08    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h28

David de Pariente

Par David de Pariente, avocat associé, STC Partners

La crise financière, le recours à la dette aujourd’hui réservé à une élite, une pression fiscale considérablement accrue pour l’ensemble des intervenants d’une opération de LBO, cela n’était pas suffisant.

Il faut dorénavant compter sur d’autres risques pesant sur les conventions conclues avec les managers : l’un concerne la validité des engagements de non-concurrence qu’ils ont pu contracter ; l’autre porte sur les conditions de rachat de leurs titres en cas de sortie anticipée et plus spécifiquement de bad leaver.

Ces deux questions ont été largement débattues, d’éminents juristes ont écrit de tout aussi éminents articles sur ces sujets, pour autant, force est de constater que de multiples contentieux sont en cours sur ces deux sujets.

De quoi parle-t-on en pratique  ?

Pour ce qui concerne les clauses de non-concurrence, tout le monde a bien à l’esprit que celles-ci doivent être limitées dans le temps et dans l’espace, qu’elles doivent répondre aux conditions de nécessité et de proportionnalité. Lorsque les managers investisseurs ont la qualité de salariés, l’engagement de non-concurrence, qui peut être stipulé dans le contrat de travail ou être prévu par le pacte d’actionnaires, doit en outre comporter une contrepartie financière, ce qui n’est pas en revanche nécessaire s’ils sont seulement mandataires sociaux.

Ces conditions, cumulatives, sont requises pour la validité de la clause, encore que la nullité ne soit pas la seule sanction de son inobservation : lorsque certains des paramètres exigés périmètre géographique, durée, activités interdites sont bel et bien prévus mais ont une portée excessive, les juges se sont reconnus le pouvoir de les réduire, laissant subsister la clause avec un champ d’application plus limité.

Mais l’attention des juges s’est surtout portée, ces dernières années, sur la contrepartie financière qui doit désormais nécessairement être versée au moment de la rupture du contrat de travail. Tout au plus, il est admis que la société puisse renoncer au bénéfice de la clause de non-concurrence, et se dispenser en conséquence d’en payer le prix, si cette faculté a été prévue dans le contrat (ou le pacte d’actionnaires), la renonciation pouvant être exprimée dans la lettre de licenciement (Cass. soc., 24 avril 2013, n° 11-26.007).

Lorsque la clause est appliquée, il ne suffit pas cependant qu’une contrepartie financière soit prévue, il faut encore qu’elle ne soit pas dérisoire, ce que la jurisprudence assimile à une absence de contrepartie pour annuler la clause.

Il n’est pas par ailleurs accepté que le montant de la contrepartie financière puisse varier, spécialement à la baisse en fonction du motif de rupture : les juges réputent aujourd’hui non écrites les clauses qui prévoient une réduction du montant de la contrepartie en cas de licenciement pour faute ou bien encore en cas de démission (Cass. soc., 20 février 2013, n° 11-17.941).

Ce carcan judiciaire oblige donc à être vigilant lors de la mise en œuvre d’une clause de non-concurrence au départ d’un manager salarié de la société.

Mais ce n’est pas tout.

Les managers investisseurs dans les opérations de LBO sont par ailleurs systématiquement signataires d’engagements de cession de leurs titres à une valeur décotée en cas de départ dans des conditions hostiles (bad leaver). On constate de plus en plus de conflits sur ce terrain.

Les contentieux ne portent pas sur la validité de la clause de bad leaver qui organise la cession des titres moyennant un abattement sur leur valeur. Ils concernent la détermination de leur prix de rachat suivant des modalités prédéterminées.

En cas de contestation de la valeur des droits sociaux par le manager, la Cour de cassation admet en effet l’application de l’article 1843-4 du Code civil qui prévoit leur détermination par un expert : ces dispositions, qui sont d’ordre public, sont applicables dès lors que la cession est imposée par les règles statutaires ou par un pacte extrastatutaire.

Or, l’expert n’étant pas lié par la formule préétablie, il peut retenir une autre méthode d’évaluation des droits sociaux et, subséquemment, fixer un prix de cession qui ne prend pas en compte les conditions de départ du manager. La Cour de cassation a d’ailleurs indiqué que les dispositions de l’article 1843-4 n’ont, ni pour objet, ni pour effet, d’investir l’expert du pouvoir de prononcer une sanction et visent à garantir la juste évaluation des droits du cédant par l’intervention de l’expert, lequel n’est pas tenu de se plier à des clauses qui pourraient être incompatibles avec la réalisation de cet objectif (Cass. com., 8 mars 2011, n° 10-40.069).

A ce risque s’en ajoute un autre si le manager cède ses droits à un tiers, en violation de la promesse de cession, pour un prix par hypothèse supérieur à celui qui résulterait de l’application de la clause de bad leaver : la jurisprudence n’admettant toujours pas l’exécution forcée de la promesse, le manager ne serait, en pareil cas, redevable que de dommages et intérêts dont le montant est souverainement fixé par les juges.

Pour conclure, plus que jamais, les conventions conclues entre la holding de reprise et les managers d’une opération de LBO, devenues relativement classiques quant aux dispositions qu’elles contiennent, doivent être rédigées avec la plus grande attention par des juristes habiles. Quand bien même cela serait le cas, on constate que les aléas d’exécution sont loin d’être théoriques.

3 questions à... David de Pariente, avocat associé, STC Partners

Quelles sont selon vous les problématiques actuelles du marché ?

David de Pariente : Dire que le marché du LBO est en crise apparaît d’une grande banalité. Les opérations sont certes plus rares, crise du financement oblige, celle-ci entrainant une baisse des multiples attendus par les vendeurs. Sur le marché du mid-cap, quelques belles opérations ont pourtant été réalisées dans des conditions jugées satisfaisantes pour les vendeurs. De là à penser que les entreprises les plus résistantes à la crise trouvent encore preneurs il n’y a qu’un pas que j’ose franchir. Certes, le financement est plus compliqué à mette en place, le niveau de dette parfois moins élevé, le recours à la dette mezzanine plus systématisé, et la part d’equity sans doute plus importante, mais des acquisitions et des sorties sont encore réalisées. La situation est plus complexe, lorsque la performance attendue de l’entreprise n’est pas au rendez-vous ou pas suffisante pour permettre un remboursement complet de la dette voire le respect des covenants. Les discussions qui s’en suivent sont compliquées, monopolisent une énergie importante des dirigeants au détriment de celle qui devrait être consacrée à trouver de nouveaux relais de croissance ou tout simplement à trouver les moyens de stopper l’hémorragie. Dans de telles situations, la problématique du management package n’est pas centrale mais secondaire. Ce n’est que lorsqu’une restructuration de la dette a été opérée qu’elle redevient d’actualité et c’est normal, les dirigeants privilégiant l’intérêt commun à leurs intérêts particuliers.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers  ?

David de Pariente : Nos équipes sont tout d’abord compétentes et pas seulement sur le plan technique. Elles sont expérimentées, habituées aux problématiques rencontrées, à même de gérer voire de prendre sur elles le stress de leurs clients. Elles contribuent à rendre simple des sujets compliqués. Elles sont rompues à la négociation.

Le fait que les associés et collaborateurs traitant des matières techniques différentes, ayant toutes une importance essentielle dans ce qui constitue une seule et même opération (la négociation, le droit des sociétés, la fiscaliste personnelle, la fiscalité de structure, le droit social, etc.), sachent réellement travailler ensemble est primordial et est la clef du succès d’une opération pour nos clients. L’objectif n’est pas de tirer la couverture à soi, tout le monde s’en fiche, nos clients en premier lieu. Il y a toujours un ou deux leaders sur une opération mais c’est avant tout un travail d’équipe fluide qui permet de réussir.

 

Comment accompagnez-vous vos clients  ?

David de Pariente : Nous les accompagnons de façon partenariale.

Le succès d’un LBO c’est le succès d’un travail d’équipe. Au sein de notre cabinet, tout d’abord, comme précédemment  exprimé, mais de la même façon avec nos clients et avec les autres intervenants dans un dossier, banquiers d’affaires et auditeurs en premier lieu.

Nos clients apprécient, je crois, notre disponibilité importante, essentielle lorsque dans toutes les circonstances mais surtout nous lorsque nous réalisons avec et pour eux « l’opération de leur vie ».

Ils apprécient aussi le fait que du premier rendez-vous jusqu’au jour du closing, ils ont avec eux les mêmes interlocuteurs. Nos associés ne sont pas des « directeurs commerciaux », ou en tout cas pas seulement, ce sont aussi et avant tout des professionnels qui s’investissent personnellement tout au long du projet que nos clients nous confient.

Dans la même rubrique

Etat des lieux des transmissions familiales

Le cabinet Racine a soufflé ses 40 bougies l’année dernière et compte aujourd’hui 250 avocats...

Les mécanismes de transmission d’entreprises aux salariés

Qu’il en soit le fondateur ou non, un chef d’entreprise désireux de transmettre celle-ci a souvent à...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…