Selon les derniers chiffres publiés par le Fonds monétaire international (FMI) et la Banque africaine de développement, le continent africain bénéficiera d’un taux de croissance avoisinant les 4 %, en 2019.
Par Cendrine Delivré, avocate associée, CMS Francis Lefebvre Avocats
Ce dynamisme économique est principalement impulsé par des pays dont la croissance est la plus forte du continent, comme Djibouti, l’Ethiopie, le Rwanda et la Tanzanie. Cependant, l’Afrique subsaharienne poursuit une dynamique de croissance très vive qui avoisinerait les 3,2 % pour cette année. Cette effervescence économique continue de susciter l’intérêt des investisseurs, notamment, internationaux : 14 milliards de dollars auraient ainsi été levés par des fonds de private equity à destination de l’Afrique ces 10 dernières années. Par ailleurs, la part «africaine» du chiffre d’affaires des grandes entreprises internationales ne cesse d’augmenter. Ces chiffres illustrent l’engouement grandissant des acteurs internationaux pour l’Afrique, région du monde offrant aujourd’hui de nombreuses opportunités d’investissement.
La mise en œuvre de grands projets d’infrastructures constitue l’un des facteurs de l’intérêt grandissant des investisseurs internationaux pour ce continent. Face à une démographie croissante, une population dont l’âge moyen est l’un des plus jeunes au niveau mondial et une considérable transition démographique des zones rurales vers les zones urbaines, les Etats d’Afrique prennent conscience de leurs besoins en infrastructures. Tout au long de l’histoire du système productif africain, les infrastructures mises en place ont été principalement tournées vers l’exportation des biens – en dehors du continent africain – plutôt que centrées sur les échanges à l’intérieur du territoire. La carence d’infrastructures liées au transport routier, carence tant qualitative que quantitative, en est un exemple, alors que le transport routier reste le transport dominant en Afrique. Aujourd’hui, le mouvement tente de s’inverser. Ainsi, le besoin en infrastructures de certains pays implique désormais des investissements à long terme associés à des réformes structurelles relatives au cadre juridique et réglementaire : cette combinaison a amélioré très nettement l’environnement des affaires en Afrique.
Les zones géographiques les plus attractives
Il est un constat que peu d’opérationnels peuvent nier, les opportunités d’investissement restent très inégales selon les territoires d’Afrique. Certaines politiques fiscales peu avantageuses, des cadres juridiques insuffisants et des formalités administratives souvent considérées comme longues sont autant de critères qui permettent de déterminer si un pays est, ou non, propice aux investissements étrangers. A cela s’ajoute la nécessité pour l’investisseur étranger de bénéficier de réglementations claires et favorables aux investissements (reconnaissance des droits de propriété sur le territoire, notamment), d’une bonne gouvernance au sein du pays d’investissement, d’un environnement politique aussi stable que possible et d’infrastructures basiques nécessaires à son activité. Retenant notamment ces critères, ce sont aujourd’hui l’Ile Maurice, le Rwanda, le Maroc et le Kenya qui occupent – parmi les pays africains – les premières places du classement international Doing Business 2019, de la Banque mondiale.
Cependant, depuis quelques années, l’Afrique de l’Ouest devient le nouveau pôle d’attraction des investisseurs internationaux.
L’Afrique subsaharienne, parfois «boudée» par les investisseurs internationaux du fait de politiques souvent mal adaptées au développement des investissements étrangers, est devenue aujourd’hui une région de plus en plus favorable à ces investissements. Elle demeure cependant économiquement et culturellement très contrastée. A cet égard, la banque britannique Standard Chartered a fait paraître, en cette fin d’année, un classement des économies à forts potentiels, parmi lesquelles figurent notamment la Côte d’Ivoire et le Ghana, grâce à l’existence d’infrastructures (de transport et numériques) et de nombreuses réformes visant à améliorer le climat des affaires au sein de ces deux juridictions. Le Sénégal, quant à lui, est régulièrement cité au sein de ce classement parmi les 10 meilleurs «pays réformateurs» de la région, confirmé par la mise en place de la seconde phase de son Plan Sénégal Emergent (PSE), également propice aux investissements internationaux.
L’orientation sectorielle des investissements en Afrique
La pratique démontre qu’au-delà des traditionnels secteurs cibles que constituent les secteurs de l’énergie et des infrastructures, apparaissent désormais les secteurs des services financiers, des télécoms, de la santé et du BTP comme nouveaux secteurs prometteurs et sources d’investissements sur le continent.
Si l’énergie, principalement solaire, demeure, à ce stade, le secteur le plus attractif du fait d’un besoin croissant dans certaines sous-régions et de conditions climatiques optimales du territoire africain, la plupart des investisseurs considèrent, aujourd’hui, que le secteur de l’innovation et des nouvelles technologies offre des perspectives plus prometteuses d’investissement sur le continent.
A ce titre, nombreuses sont les études internationales qui rappellent que cette croissance rapide, accompagnée par une démographie en forte expansion, donnant lieu à une urbanisation galopante, pousse les Etats à repenser le développement des villes et l’aménagement du territoire. L’intégration des aspects de durabilité, au sein des projets d’infrastructures, est devenue une nouvelle priorité, offrant des avantages pour les Etats (économies d’énergie, réduction des coûts d’entretien, réduction d’empreinte carbone) d’une part, et répondant aux ambitions de nouveaux investisseurs d’autre part. Le développement croissant des villes dites «durables» ou «nouvelles» et encore «intelligentes» en Afrique notamment francophone (Ouaga2000, Diamniado, Casa Anfa, etc.) en est un exemple. La création de ce type de villes attirera les investisseurs de demain et les projets sont nombreux.
Comment encourager et sécuriser l’investissement ?
L’Afrique exerce déjà un pouvoir d’attractivité auprès des investisseurs étrangers. Toutefois, l’une des problématiques du continent était d’encourager également l’investissement d’entreprises africaines en Afrique. Une intégration économique plus poussée du continent semblait donc nécessaire. Cette année, la création de la Zone de Libre-Echange Continentale (ZLEC) entend contribuer au développement des échanges intra-africains – et, ainsi, au développement d’infrastructures entre les pays d’Afrique –, en libérant la circulation des personnes, des produits et des services mais aussi et surtout des investissements sur l’ensemble du continent. Par ailleurs, une telle zone de libre-échange pourrait conduire, à moyen terme, à l’harmonisation des cadres juridiques et réglementaires applicables aux activités économiques.
En effet, la question de la sécurisation de l’investissement est peut-être davantage le sujet préoccupant les investisseurs. Ces derniers expriment un réel besoin de sécurisation juridique et contentieuse de leurs opérations en Afrique. Un certain nombre d’Etats ont d’ores et déjà tenté d’améliorer leur cadre juridique applicable aux affaires : l’Ohada avec une unification du droit des affaires dans la sous-région, l’adoption de Chartes d’investissements par la Cemac, ou de législations incitant aux investissements au niveau étatique, comme en Tunisie, etc. Par ailleurs, l’acte uniforme OHADA, relatif à l’arbitrage, est également un outil juridique considéré comme satisfaisant et protecteur par les investisseurs, permettant de régir tout différend rencontré dans le cadre de leurs activités en Afrique. Il en va de même de la réforme introduite par l’OHADA concernant les sûretés.
Cependant, un effort supplémentaire de réformes structurelles est attendu de la part des Etats, tendant notamment à combler certains vides législatifs comme ceux relatifs aux véhicules contractuels appliqués aux projets d’infrastructures (concessions, PPP, etc.). L’absence de cadre juridique complet et clair applicable à ces contrats est un sujet juridique fréquemment soulevé, qui impacte la sécurisation de certains projets en Afrique et peut ralentir le développement desdits projets.
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