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L’impact de la Directive AIFM sur les opérations de LBO : de nouveaux réflexes à acquérir

Publié le 14 février 2014 à 15h35    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h33

Pour les acteurs du private equity, la directive AIFM entraine de nouvelles obligations en matière de reporting et de transparence, ainsi que des conséquences sur les modalités de financement, liées au dispositif anti asset stripping.

L’impact de la Directive 2011/61/UE du 8 juin 2011 sur les gestionnaires de fonds d’investissement alternatifs, dite directive AIFM, sur les deals et leur structuration ne doit pas être sous-estimé. Les acteurs du private equity doivent en prendre la mesure dans les transactions. Certes, les obligations déclaratives mises en place dans le cadre de la directive couvrent des obligations déjà connues des acteurs du private equity et des sociétés de portefeuille, notamment en matière de contrôle des concentrations et de procédure d’information et consultation des comités d’entreprise. Cependant, les nouvelles obligations ou restrictions imposent aussi des changements en matière de reporting, de structuration des financements d’acquisitions et de distribution post-closing.

Des obligations de reporting étendues

Depuis le 22 juillet 2013, du fait de la transposition de la directive AIFM, les gérants de fonds de private equity doivent s’acquitter de nouvelles obligations déclaratives lors de l’acquisition du contrôle (plus de 50 % des droits de vote, s’agissant des sociétés non cotées) ou d’une simple prise de participation dans une société (cotée ou non cotée) établie dans un Etat membre de l’Union européenne (UE) à l’exception des PME au sens de la définition européenne.

Les notifications s’effectuent auprès de l’Autorité des marchés financiers (AMF), des investisseurs du fonds concerné mais également auprès de la société cible. Les informations visées doivent être transmises aux représentants des salariés de la cible ou à défaut des salariés eux-mêmes. Le gérant du fonds doit s’assurer d’une telle transmission, y compris dans lorsqu’il n’acquiert pas le contrôle de la société cible. Les salariés sont donc mis au coeur du nouveau dispositif de

reporting.

Les franchissements, à la hausse ou à la baisse, d’un certain nombre de seuils de participation dans les sociétés non-cotées doivent être notifiés a posteriori à l’AMF dans les 10 jours ouvrables. En cas de prise de contrôle, celle-ci doit être notifiée à la société cible, à ses actionnaires et à l’AMF dans le même délai. La notification doit comporter des éléments relatifs aux droits de vote post acquisition, à l’identité des acquéreurs et à l’interposition de holding etc… Elle doit aussi être accompagnée d’une déclaration d’intention sur l’avenir de l’activité de la société cible et des éventuelles conséquences de l’opération sur l’emploi. Bien que la règlementation n’impose qu’une communication a posteriori, ces informations devront en pratique être communiquées en amont de l’opération afin notamment d’assurer leur cohérence avec les informations de même nature communiquées aux salariés de la cible dans le cadre de la procédure d’information et de consultation prévue par le Code du travail. Le fonds devra par ailleurs communiquer à l’AMF et ses actionnaires ou porteurs de parts les informations relatives au financement de l’acquisition. A noter que les textes transposant la Directive n’ont pas imposé de transmettre l’information relative au financement de l’acquisition aux salariés ou au conseil d’administration de la cible.  

Enfin, un reporting annuel doit être mis en place en cas de prise de contrôle au plus tard à la date de publication du rapport annuel comportant un exposé fidèle sur les développements des opérations de la société concernée, les évènements importants survenus depuis la fin de l’exercice, l’évolution prévisible de la société et les informations relatives aux acquisitions de ses propres actions par la société.

L’impact du délai de deux ans et le dispositif anti asset stripping

La Directive met également en place une nouvelle règle de bonne conduite des gérants de fonds d’investissement alternatifs, destinée à éviter l’ «asset stripping». Les restrictions imposées concernent les opérations de réduction de capital ou de rachat d’actions de la société cible, ainsi que les opérations de distribution aux actionnaires qui ont pour effet de réduire la valeur nette d’inventaire définie dans les comptes annuels de la société concernée, en dessous du montant du capital souscrit augmenté des réserves distribuables. Ces restrictions s’appliquent sur la période de 24 mois suivant la prise de contrôle.

Dans les faits,  des distributions sont souvent prévues dans les tout premiers mois d’une prise de contrôle afin de rembourser le financement relais mis en place et correspondant au cash net disponible du groupe cible. Lorsque le résultat et/ou les réserves distribuables sont insuffisants, il est parfois nécessaire de mettre en place une réduction de capital. Ce schéma classique devra donc être revu au regard des nouvelles contraintes visées ci-dessus. S’il est toujours possible de procéder à des distributions de bénéfices, de réserves distribuables et de report à nouveau, le fonds ne pourra en revanche plus avoir recours aux réductions de capital pour financer le remboursement d’un éventuel crédit relais dans l’hypothèse où ces distributions seraient insuffisantes au regard des contraintes de financement.

Ces nouvelles règles imposent donc de repenser la structuration de certains financements, tout particulièrement dans le cadre de LBO primaires où la cible bénéficie souvent d’une trésorerie nette positive. Il convient également de vérifier, pour les opérations récentes, la faisabilité des distributions prévues puisqu’aucune clause de grand père n’a été mise en place pour exclure de cette réglementation les sociétés acquises avant le 21 juillet.

Questions à… Jérôme Jouhanneaud, Associé, King & Wood Mallesons SJ Berwin

Jérôme Jouhanneaud est spécialisé en fusions-acquisitions ainsi que dans les opérations de LBO et de capital investissement. Il conseille habituellement une clientèle de fonds de private equity français et étrangers, d’industriels et de managers dans le cadre d’opérations de private equity et de M&A.

Comment voyez-vous évoluer les sorties de LBO ?

Les négociations entre vendeurs et acheteurs sont de plus en plus complexes, principalement  parce qu’il y a moins d’actifs de qualité. La compétition entre les acquéreurs potentiels s’en trouve     accrue et la position du vendeur est nécessairement plus délicate lorsqu’il s’agit de céder un bien dont la qualité est moins établie. Ce contexte de négociations tendues et d’audits plus approfondis favorise la résurgence des garanties spécifiques et des clauses d’earn out, y compris dans les LBO secondaires ou tertiaires. En outre, les changements fréquents de règles de sous-capitalisation et les exigences imposées dans les financements rendent la structuration des deals plus sophistiquée.

Quelles sont aujourd’hui les principales problématiques ?

La principale problématique pour les vendeurs reste la capacité à maintenir un calendrier serré et un processus d’enchères compétitif. Il est donc essentiel de veiller à la préparation des acteurs clés de la sortie : les banques de financement et le management. La question du bon timing de la négociation du nouveau management package avec les candidats acquéreurs est controversée car elle fait ressortir le conflit d’intérêts entre la position vendeur/acquéreur du management. Dans un marché tendu où la perte d’un acquéreur potentiel est à craindre, cette question est devenue de plus en plus complexe à gérer pour le fonds vendeur.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Nous avons des compétences fortes dans trois domaines clés pour la réussite d’une opération de LBO : M&A, financement et fiscalité. Ces trois expertises sont également essentielles et doivent être abordées de manière intégrée. Cela constitue sous doute l’une des spécificités fortes de notre cabinet, en plus de son expertise en matière de création et structuration de fonds.

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