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Management package : du rêve à l’enfer il n’y a qu’un pas

Publié le 12 février 2016 à 17h45    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h27

Eric Spiridion et Philippe Rosenpick, Desfilis

Par Eric Spiridion, avocat Counsel et Philippe Rosenpick, avocat associé, Desfilis

L’âge d’or du LBO avait encré durablement dans les esprits d’un grand nombre de managers, qu’il s’agissait d’un type d’opération ou l’on gagnait à tous les coups, avec une fiscalité douce (taux réduit sur les plus-values sur titres), parfois réduites (les bienfaits du PEA) et sans commune mesure avec la taxation des bonus ou des primes de fin d’année. Le seul moyen de s’enrichir en quelques années quand on n’a pas créé soit même l’entreprise. Dans la foulée et dans le prolongement d’une certaine idée du capitalisme social, en complément aux mécanismes légaux existants en matière de participation et d’intéressement (mécanismes par trop rigides et globalement peu incitatifs pour les managers), le nombre des personnes à intéresser s’est élargi, réunissant parfois un grand nombre de salariés regroupés en divers cercles et souvent dans des sociétés de cadres ou de salariés appelées «manco», dont certains n’avaient aucune influence déterminante sur la marche de l’entreprise. Tout allait bien… jusqu’à ce que tout aille mal… La crise qui s’est fait jour en 2008 a rappelé aux uns et aux autres que les arbres ne montent pas au ciel, que l’économie est changeante et incertaine, que trop de dettes et de levier peut tuer l’entreprise, que la fiscalité reste un sujet politique majeur et qu’il est difficilement admissible que certains soient assujettis au barème de l’impôt sur le revenu tandis que d’autres y échappent. Une nouvelle époque a donc commencé, ou les contrôles fiscaux et les requalifications sont devenus quasi systématiques. Le «management package» figure aujourd’hui en tête  sur la liste des pratiques et des montages considérés comme abusifs par la DGFIP et on ne peut pas dire qu’une structuration type ait fait l’objet d’une validation de place.

L’incitation à la prudence est donc de mise et la sophistication des structurations ne résout pas tout. Confronté à une jurisprudence plus que parcellaire (le fameux arrêt du Conseil d’Etat du 26 septembre 2014, n° 365873), chacun s’efforce de dégager sa propre grille d’analyse au travers principalement d’une lecture minutieuse des avis du Comité de l’abus de droit fiscal. Au final, l’insécurité juridique demeure de sorte que parfois certains managers en proie aux contrôles de l’administration sur leur premier LBO refusent même de reconduire l’expérience à l’identique, préférant être fiscalisés pleinement.

Toutefois, il en ressort quelques enseignements car ce type d’opérations doit garder toute sa place dans le développement de notre économie.

Le premier consiste en une règle simple : investir ce que l’on admet de perdre, car dans tout investissement il y a une part de risques. Alors même que la perte de l’investissement envisagé caractérise un vrai risque d’actionnaire sans aucune mesure avec la protection offerte aux salariés, on a pourtant vu que ce n’était pas un frein aux contrôles et aux tentatives de requalification. Lors des contrôles de LBOs primaires, on a pu souvent constater que l’administration faisait peu de cas du fait que le LBO suivant, a Iso structuration, s’était traduit par une perte de l’investissement.

Par ailleurs, outre les sujets classiques des «good et bad leaver», il est nécessaire, dans la mesure du possible, d’avoir une vision globale des contraintes imposées par la documentation dans son ensemble. Souvent, la documentation de financement est peu ou mal appréhendée par les managers alors même que les différents cas d’exigibilité basés sur des «covenants» plus ou moins sévères, peuvent conduire à une dépossession des titres, en l’absence même de défaut de remboursement. Attention donc aux suretés qui vont avec.

En deuxième lieu, l’optimisation patrimoniale ne doit pas aveugler : la requalification du gain réalisé sur la vente des titres en complément de salaire crée un désalignement des intérêts entre les fonds et les managers. Lorsque les fonds bénéficient d’une fiscalité plutôt favorable, les managers sont soumis à une imposition plus lourde que celle escomptée au départ, en cas de requalification. Il était usuel, en cas de LBO secondaire, de réinvestir une partie significative des revenus dégagés lors de la première opération (50 % et plus des «proceeds»), le solde étant consacré à l’acquisition d’une maison, à l’amélioration du train de vie…Le problème est désormais que les «proceeds» dégagés étant le plus souvent sujet à requalification en salaire (à tort ou à raison suivant les structurations retenues), le net perçu in fine risque de s’avérer bien différent de celui escompté de sorte que le manager se retrouvera en danger si à l’issue d’un contrôle, il doit payer une addition qu’il n’a plus les moyens de payer. Le manager se trouve souvent seul face à l’administration fiscale qui va chercher systématiquement à remettre en cause la structuration du management package. Le manager doit tout à la fois organiser sa défense tout en se consacrant pleinement à son activité professionnelle. L’expérience montre que le manager doit accepter de se lancer dans une longue joute avec l’administration fiscale qui a le temps pour elle. Et rappelons que pour contester un redressement, il faut soit donner des garanties, soit payer. Ne disposant pas toujours d’un patrimoine liquide (réinvestissement dans le nouveau LBO, patrimoine immobilier), le manager va devoir souvent offrir sa résidence principale comme garantie pour obtenir le sursis de paiement. Le risque d’actionnaire se transforme en risque familial. D’autant  que ce risque se double souvent d’une imposition à l’ISF. L’exonération en tant que biens professionnels des titres détenus par le manager n’est pas toujours possible (problématique des droits de vote, nature de l’activité, nombre des holdings intermédiaires…). L’exonération partielle à hauteur des ¾ de la valeur des titres est subordonnée à la condition que les titres restent la propriété du manager pendant une durée minimale de six ans. Cette durée n’est pas toujours compatible avec la durée du co-investissement envisagée par les fonds, ce qui peut induire pour le manager le versement d’intérêts de retard.

L’impact sur le patrimoine du manager peut-être tel que la mise en place du management package nécessite une analyse très minutieuse en fonction des contraintes personnelles de chacun. Chaque élément de la structuration doit être choisi avec le plus de précaution possible. Et la manière de procéder doit être décidée en conscience, en fonction de sa plus ou moins grande aversion au risque.

Le placement des titres dans les PEA, la mise place ou non d’une Manco, les apports-cessions, la structuration via une holding personnelle, éventuellement située à l’étranger etc. doivent être examinés avec le plus de prudence possible ou alors admettre cette part d’incertitude propre à tout jeux. En assouplissant le régime juridique et fiscal des actions gratuites, la loi Macron a peut-être ouvert un chemin «officiel» propre à lever certaines incertitudes existantes. Mais les limitations relatives à leur attribution (10 % du capital etc.) les rend applicables à un nombre limité de situations. Par ailleurs, l’avenir nous dira si ces actions gratuites nouvelle version pourront servir de base à une créativité débordante qui n’a pour objectif que de reproduire les anciens systèmes d’intéressement. Si trop d’impôts est critiquable, ne pas vouloir payer d’impôts du tout peut l’être aussi et conduire finalement à devoir en payer plus que de raison.

 

Le dernier enseignement est peut être aussi pour les conseils et avocats : conseiller c’est être responsable ; et on a vu récemment que responsable peut signifier coupable. C’est donc savoir avec force défendre les positions dans lesquelles on croit : le LBO n’est pas critiquable en soit, toutes les structurations ne sont pas à requalifier par principe, tout ce qui a été fait n’est pas forcément à jeter aux orties. A cet égard des positions de place un peu coordonnées des avocats auraient été souhaitables pour autant que l’on croit dans ce que l’on fait. Mais c’est  aussi prendre le recul nécessaire, garder la tête froide et un peu de bon sens face aux demandes des uns et des autres, à l’emballement d’un deal et savoir dire non, savoir dire que ce n’est pas parce que tout le monde le fait que c’est forcément bien.

Question à… Philippe Rosenpick, avocat associé, Desfilis

Comment accompagnez vous vos clients ?

Le cabinet intervient dans la structuration et la négociation des management packages en proposant les services d’une équipe transversale en matière juridique et fiscale. Les premiers aspects sur lesquels nous nous focaliserons sont les aspects patrimoniaux des managers car pour faire un bon travail, il doit être concret et nous devons donc être à même de pouvoir parler franchement avec nos clients de leur patrimoine, des risques qu’ils sont disposés à prendre, voire même de leur situation matrimoniale. Nous les accompagnons donc le plus en amont possible pour leur permettre de prendre les bonnes décisions en prenant part très tôt à la structuration juridique et fiscale en liaison avec nos partenaires (conseils financiers spécialisés, banques privées). Ce n’est qu’ensuite, une fois que nous avons bien compris leurs contraintes que nous pouvons  discuter avec nos confrères des mécanismes propres à un LBO : quel type d’instruments, quelle courbe de rétrocession, pour quel business plan, quelle durée etc ….

Cet accompagnement personnalisé et global est particulièrement apprécié par les clients du cabinet dont la fidélité est un gage de confiance. Tout le monde doit avoir la fibre entrepreneuriale, y compris les avocats.

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