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Management package : innovation et globalisation

Publié le 28 juin 2019 à 15h54

Les management packages, instruments clés des opérations de LBO, permettent d’aligner les intérêts des principaux dirigeants et ceux des investisseurs financiers. Cependant, chacun ayant des objectifs spécifiques, cela justifie des investissements et des prises de risques différenciés. Par le passé, les managers ont ainsi investi dans des promesses d’achats, des BSA, puis des actions de préférence, en fonction des changements introduits dans les différentes lois fiscales et notamment de la mise en place de la réduction du taux d’impôt selon la durée de détention.

Ce manque de stabilité fiscale, la recherche d’une plus grande sécurisation des managers et la modification du régime fiscal des actions gratuites ont conduit à privilégier ces dernières dans la mise en place des management packages. Ceci d’autant plus que les inconvénients majeurs du précédent régime (délai de détention minimal de quatre ans incompatible avec le besoin de pouvoir céder sa participation à n’importe quel moment et contribution patronale de 30 % à la date d’attribution sans prise en compte des conditions d’acquisition) ont été gommés : les actions gratuites sont maintenant cessibles au bout d’un délai de deux ans après leur attribution et la contribution patronale, qui a été abaissée à 20 %, est maintenant due uniquement sur les actions acquises.

Cette plus grande sécurité du point de vue fiscal a conduit les fonds à utiliser de manière très large les actions gratuites dans les LBO pour associer les managers au capital. Elles ne sont néanmoins pas exemptes de défauts. Premièrement, leur attribution est limitée (10 % du capital au global, et individuellement, un bénéficiaire ne peut détenir à l’issue de leur exercice plus de 10 % du capital). Deuxièmement, comme leur nom l’indique, ces actions sont gratuites. L’alignement d’intérêts avec les investisseurs financiers n’est donc plus complet, dans la mesure où le risque de perte en capital est inexistant pour les managers. Enfin, elles ont l’inconvénient d’émietter l’actionnariat et de rendre plus complexe la cession future. Elles sont donc généralement utilisées pour des personnes n’ayant pas encore constitué de capital ou pour lesquelles il s’agirait de leur premier LBO.

La mise en œuvre de ces actions gratuites implique cependant le versement d’une contribution sociale patronale de 20 % de la valeur des actions, à la date d’acquisition, soit au minimum un an après le closing. Cette contribution pouvant être significative, surtout pour les LBO de taille importante, l’estimation préalable de son montant est parfois nécessaire afin d’évaluer la totalité des fonds nécessaires pour mener à bien l’opération.

Les actions gratuites sont généralement complétées par un investissement en equity. Celui-ci prend la forme d’un investissement en actions ordinaires au côté des investisseurs financiers qui souscrivent aussi des instruments de taux, convertibles ou non (prêt d’actionnaire, actions de préférence, obligations convertibles). La conversion des obligations ou des actions de préférence en actions ordinaires est alors contractuellement définie en fonction du multiple ou du TRI réalisé sur l’opération.

Il serait tentant de considérer qu’en faisant souscrire aux managers des instruments simples (actions ordinaires), le risque de redressement par l’administration fiscale disparaîtrait comme par enchantement. Du point de vue financier, à partir du moment où les retours sur investissement des différents actionnaires ne sont pas alignés, la question de la valeur de marché de chacun des instruments souscrits et de la juste contribution de chacun des investisseurs continue à se poser. Autrement dit, les investisseurs financiers n’ont-ils pas surpayé leurs instruments au regard des droits financiers de ces instruments ? Le taux d’intérêt ou de rémunération prévu pour les obligations convertibles et actions de préférence est-il suffisant au regard du risque pris ?

Si l’évaluation des actions ordinaires ne fait pas beaucoup de sens (ces actions étant souscrites au nominal), la question se pose de la juste rémunération des instruments de taux au regard du risque pris. Si ces taux sont trop bas, le différentiel de valeur non capté par ces instruments sera transféré indûment aux porteurs d’actions ordinaires et donc en partie aux managers.

L’évaluation de ces instruments de taux peut être réalisée à l’aide de modèles utilisés par les banques pour fixer leurs taux d’intérêts sur emprunt, en cas d’absence d’option de conversion en actions ordinaires ou à l’aide des modèles utilisés pour évaluer les management packages en cas de présence d’options de conversion. Les méthodes d’évaluation restent donc relativement analogues à celles que nous utilisions par le passé, puisqu’il s’agit d’estimer un taux d’intérêt ou la valeur de marché globale des apports des investisseurs financiers.

Par ailleurs, dans le cadre des contrôles effectués auprès des sociétés sous LBO, l’administration fiscale demande de justifier les taux d’intérêt des prêts d’actionnaire et obligations. L’évaluation de la juste rémunération de ces instruments permet donc aussi de justifier la déductibilité des intérêts au niveau de la société émettrice. Dans ce cas, il est indispensable de se placer dans les conditions qu’aurait appliquées tout établissement de crédit pour estimer le taux d’intérêt. En revanche, il n’est pas possible d’utiliser des benchmarks de taux pratiqués sur des obligations convertibles ou des prêts mezzanines.

Si l’utilisation des actions gratuites permet de faire disparaître le risque fiscal pour les managers sur les plus-values qu’elles génèrent, il est cependant surprenant de constater que le législateur privilégie l’utilisation d’instruments qui ne font prendre aucun risque aux managers (les actions gratuites) au détriment de l’acquisition de titres, alors même qu’un des arguments utilisés par l’administration pour remettre en cause le traitement fiscal des plus-values générées par ces instruments est justement l’absence de prise de risque initiale.

Questions à… Christophe Leclerc, associé, Accuracy

Quelles sont les principales «innovations» récentes dans la pratique de l’évaluation des management packages ?

On nous demande de plus en plus de travailler à la fois sur l’évaluation des management packages et sur celle des taux d’intérêt des instruments de taux : prêts d’actionnaires et autres obligations convertibles mises en place dans le montage LBO. Par ailleurs, une des adaptations majeures que nous avons introduites récemment est de concevoir des outils d’estimation de probabilité de défaut des sociétés sous LBO, qui sont plus susceptibles d’être en difficulté que les sociétés cotées auxquelles elles sont comparées compte tenu du différentiel de levier.

Notre présence à l’international nous permet aussi de pouvoir prendre en compte les spécificités locales pour les groupes dont le management est réparti sur plusieurs pays. Nous avons ainsi effectué ce type d’évaluation pour des managers allemands, américains, anglais, belges, néerlandais, italiens, suisses ou encore indiens.

Quelle est l’ambiance générale de vos discussions avec l’administration fiscale ?

Les discussions avec l’administration fiscale sont de plus en plus techniques. Leurs professionnels sont tout à fait à même de comprendre et de comparer la structuration d’un management package. Nous continuons d’avoir des discussions approfondies avec l’administration fiscale dans le cadre de redressements sur des management packages qu’elle juge sous-évalués. La principale difficulté que nous rencontrons reste de leur faire accepter les différences à prendre en compte par rapport à l’évaluation de ce type d’instruments pour des sociétés cotées et notamment l’impact de l’absence de cotation quotidienne.

L’appréciation du risque financier pris par le manager demeure le point fondamental dans ces discussions.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à cette thématique ?

Nous avons constitué une équipe d’une dizaine de consultants spécialisés dans l’évaluation des management packages, qui affiche aujourd’hui un track-record de plus de 900 évaluations dans tous les types d’interventions. Issus des meilleures écoles d’ingénieurs et de commerce, ils sont rodés à la technicité des différents instruments des management packages et savent mesurer leur adaptation aux multiples scénarios de LBO. Car l’expérience dans ce type de dossiers joue un rôle clé. D’ailleurs certains acteurs ont disparu faute de totaliser un nombre de dossiers suffisant pour suivre de près les évolutions incessantes de cette discipline. Nos clients recherchent cette expertise forgée par l’évaluation des management packages dans toutes les situations auxquelles peut être confronté un LBO (restructuration, nouveaux entrants, etc.), mais aussi les retours d’expérience que nous avons des discussions avec l’administration fiscale. Nous travaillons aussi bien pour les fonds d’investissements que pour les managers ou leurs conseils. En tant qu’évaluateur indépendant, nous ne sommes sujets à aucun conflit d’intérêt, quelle que soit la partie qui nous mandate.

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