Expertise

Management package : peut-on tout prévoir ?

Publié le 7 avril 2017 à 17h41    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h26

Il a été souvent dit – et c’est exact – que la réussite d’un management package passait par l’alignement des intérêts entre les managers et le fonds d’investissements. Cet alignement se retrouve essentiellement au départ dans les termes financiers de l’accord de rétrocession des plus-values. A ce sujet, quelques nouveautés sont apparues ces dernières années, mais l’essentiel des mécanismes est déjà bien connu. Toutefois, ces accords financiers ne trouvent à s’appliquer qu’en cas de sortie du LBO.

Or, comme dans tout contrat de mariage, l’alignement des intérêts entre les managers et le fonds doit également passer par des clauses ayant vocation à s’appliquer pendant la durée de cette vie commune, notamment au regard des événements importants qui pourraient ponctuer la vie du LBO, comme par exemple des croissances externes ou une opération de refinancement.

Les nouveautés en matière de package financier

S’agissant des outils du management package, sur le plan technique, deux éléments principaux sont apparus suite aux contentieux fiscaux concernant les BSA, puis à l’interdiction légale de l’inscription de ces titres dits de «ratchet» ou assimilés sur le PEA. Les instruments de rétrocession de plus-values aux managers sont maintenant le plus souvent des actions de préférence qui permettent le bénéfice des abattements fiscaux pour durée de détention sur les plus-values même en l’absence de bénéfice du PEA.

Le recours aux actions gratuites (AGA) suite à la réforme fiscale apparaît de plus en plus limité. En effet, ces outils ne sont pas forcément adaptés aux management packages mais peuvent servir à un cercle 2 de managers ayant moins de disponibilités pour investir dans le LBO.

Des difficultés majeures existent quant à l’alignement des intérêts entre les fonds d’investissement et les managers sur ce type d’outil : AGA

– tout d’abord, dans le temps, les managers souhaiteront sûrement, pour des raisons fiscales, conserver au moins deux ans les actions après leur attribution définitive (souvent à la sortie) pour bénéficier de l’abattement sur les plus-values de cession, même en cas de cession de la société (ce qui peut être contraire aux clauses dites de drag-along) ;

– ensuite, plus «philosophiquement», mais là encore aussi fiscalement, la nature intrinsèquement gratuite des AGA peut paraître contraire à la nécessaire prise de risque financière, notamment des top managers, dans une opération de LBO ;

– enfin, l’attractivité fiscale et sociale du dispositif a diminué depuis la dernière loi de finances. Désormais, le gain d’acquisition sera imposé dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières seulement dans la limite de 300 000 euros, la fraction excédant ce montant sera imposée dans la catégorie des traitements et salaires. Par ailleurs, après avoir été réduit de 30 à 20 % par la réforme, le taux de l’ancienne contribution patronale a été rehaussé à 30 %.

Sur la structuration du LBO : on observe un recours quasi systématique à une sweet equity plus limitée, les managers souscrivant donc, dès le départ, une part importante du capital de la holding de reprise, mais le fonds pouvant les diluer par l’exercice de ses OC selon le niveau de performance financière atteint à la Sortie. On constate aussi une volonté des managers d’obtenir des packages financièrement moins gourmands, mais avec des rétrocessions de plus-values qui démarrent plus tôt, à 10 % ou 8 % de TRI et non plus à 15 % comme auparavant, et des «caps» de rétrocession maximum systématique.

Comment désamorcer les tensions

Enfin, certaines nouvelles clauses ­apparaissent essentielles sur la durée pour un bon déroulement du management package.

En effet, depuis quelques années, certaines tensions sont apparues entre les membres du top management, garants, en tant que mandataires sociaux, de l’intérêt de l’entreprise et les fonds, notamment sur des opérations de refinancement parfois agressives ou lors d’opérations de croissance externe ou de refinancement.

Si comme dans un mariage les aspects financiers sont très importants, les «relations du couple» lors d’événements de la vie du LBO doivent aussi faire l’objet d’une attention particulière. Ainsi :

– actuellement, les faibles coûts du financement favorisent le recours aux opérations dites de build-up qui sont un outil efficace de valorisation de l’entreprise. La difficulté sera d’inciter les dirigeants à recourir à ces investissements par la croissance externe. Ainsi, l’inscription d’une clause écartant la possibilité d’une dilution des managers par l’investisseur financier devra toujours être prévue dans les accords initiaux passés avec les dirigeants afin que ces derniers soient protégés. Les managers pourront demander à ce que les acquisitions soient financées en priorité par de la dette et suivre, s’ils le désirent, les éventuelles augmentations de capital en souscrivant, le cas échéant, un ratchet supplémentaire ;

– dès le départ, il convient également de penser les outils à même de désamorcer les conflits en cas d’opérations de refinancement ou assimilées.  Ainsi, il est possible de prévoir des clauses d’accord du management sur le principe même de l’opération ou un délai minimum avant un recours à ce mécanisme (par exemple trois ans). Le pacte d’actionnaire peut aussi stipuler une clause niveau maximum de refinancement (par exemple selon un multiple d’Ebitda) voire une clause de signature obligatoire de la documentation bancaire par le CEO et le CFO.

Questions à… Stéphane de Lassus, avocat associé, Charles Russell Speechlys

Quelles sont selon vous les problématiques actuelles du marché ?

Les managers demeurent clés dans les opérations de LBO et leurs packages sont toujours âprement discutés.

La problématique fiscale reste également très présente sur les LBO, l’administration cherchant quasi systématiquement à redresser les plus-values sur «ratchet» en salaires, considérant souvent l’usage du PEA comme abusif. Les services vérificateurs semblent considérer que la nouvelle interdiction légale d’inscrire les BSA en PEA vient conforter leur position, même pour le passé.

Il nous faut donc sensibiliser les managers sur le risque toujours présent de contentieux et leur gestion sur le long terme.

Par ailleurs, plusieurs autres points nous semblent notables :

– depuis la dernière réforme des actions gratuites, celles-ci ont perdu un peu de leur intérêt même si elles peuvent compléter efficacement les packages d’actions de préférence ;

– nous constatons également une montée en puissance des investisseurs publics du type BPI, notamment dans les opérations de LBO minoritaires ;

– les opérations dites de refinancement peuvent parfois créer des «crispations» entre le top manager, garant de l’intérêt social de l’entreprise, et les fonds actionnaires ;

– enfin, de nouveaux investisseurs ayant réalisé des apports-cessions à leur holding doivent réinvestir rapidement 50 % de leurs gains et cherchent donc notamment des co‑investissements dans des LBO ou assimilés.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Notre équipe dédiée est l’une des plus reconnues du marché notamment en fiscalité patrimoniale. Nous accompagnons les managers dans tous les domaines juridiques et fiscaux liés à leurs investissements voire dans les phases contentieuses (qui n’ont pas manqué ces dernières années).

Membre d’un réseau international présent notamment au Royaume-Uni, au Luxembourg et en Suisse, nous pouvons assister les équipes de management implantées à l’international dans leur problématique de structuration.

Comment accompagnez-vous vos clients ?

Nous accompagnons nos clients sur le long terme, souvent sur plusieurs opérations de LBO et parfois aussi, pour les plus «successful», dans leurs propres opérations de réinvestissement. En effet, certains managers ont créé récemment leur propre entité afin de réinvestir les proceeds perçus sur plusieurs LBO.

Concrètement, nous pensons que lors d’une opération de mise en place d’un management package, ou impactant le management package existant, le conseil des managers doit être à même de coopérer pleinement avec les autres spécialistes impliqués comme bien entendu les conseils financiers, les banquiers, mais aussi les avocats des fonds avec qui la relation doit être plus franche et moins crispée, car en ces temps de crise, l’alignement des intérêts entre les différents actionnaires d’un LBO est primordial.

Dans la même rubrique

Etat des lieux des transmissions familiales

Le cabinet Racine a soufflé ses 40 bougies l’année dernière et compte aujourd’hui 250 avocats...

Les mécanismes de transmission d’entreprises aux salariés

Qu’il en soit le fondateur ou non, un chef d’entreprise désireux de transmettre celle-ci a souvent à...

Voir plus

Chargement en cours...

Chargement…