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Management package : une éclaircie durable ?

Publié le 7 avril 2017 à 17h41    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h26

Le management package est, par principe, l’accessoire de toute opération de LBO (leveraged buy-out). En permettant une juste répartition de la valeur qui en résulte entre les managers et les investisseurs financiers, il vise à assurer l’alignement de leurs intérêts et à garantir l’implication du management tout au long de l’opération.

Le développement du management package a cependant été entravé par l’insécurité juridique résultant des modifications des règles de taxation des plus-values qui ont affecté les instruments juridiques de leur structuration (promesses, bons de souscription d’actions, actions de préférence, etc.) et du risque de voir l’administration fiscale requalifier en salaires, en cas de succès du LBO, les gains réalisés par les managers.

Dans ce contexte, une attention toute particulière doit être portée à la jurisprudence qui s’efforce d’identifier les critères de distinction des revenus des managers relevant d’un investissement financier de ceux rémunérant leur activité professionnelle.

A ce jour, la plus importante décision rendue par une juridiction administrative est sans nul doute l’arrêt Gaillochet (CE 26 septembre 2014 Gaillochet, n° 365573) par lequel le Conseil d’Etat a validé le bien-fondé d’un redressement au motif que la plus-value réalisée par le manager était «anormale» par rapport à son investissement initial et conditionnée par l’exercice de fonctions de direction pendant une durée d’au moins cinq ans.

Cette décision, malgré son caractère d’espèce, a pu sembler renforcer la position de l’administration fiscale dont la «carte des pratiques et montages abusifs» indique depuis lors que «lorsque les titres sont attribués dans des conditions préférentielles octroyées eu égard à la qualité de salarié ou mandataire social sans aucune prise de risque financière ou en contrepartie d’un investissement modique, les gains qui en sont issus constituent un avantage en argent imposable dans la catégorie des traitements et salaires».

Il en résulte ainsi que pour éviter la requalification du gain de cession du manager en salaires, le management package doit répondre aux exigences suivantes :

– en premier lieu, il doit correspondre à un véritable investissement de la part des managers, autrement dit un investissement «significatif» compte tenu de leurs revenus et/ou de leur patrimoine ;

– en deuxième lieu, les instruments juridiques du management package doivent être souscrits par leur bénéficiaire pour leur valeur réelle : le recours à un ou deux experts indépendants est alors nécessaire pour justifier, en cas de contrôle, de leur conformité à un prix de marché ;

– en troisième lieu, les managers concernés doivent supporter un véritable risque d’entreprise au titre de leur investissement : la perspective de gain doit être, en droit et en fait, contrebalancée par un risque réel de moins-value voire de perte.

Ces principes guident désormais la documentation juridique des management packages, même si d’aucuns ont pu les estimer remis en cause par la loi Macron du 7 août 2015 et l’instauration d’un régime fiscal particulièrement favorable pour les actions gratuites.

En prévoyant expressément l’imposition du gain d’acquisition et du gain de cession suivant le régime des plus-values mobilières, le dispositif des actions gratuites a ainsi été utilisé par de nombreux praticiens qui y ont vu le moyen de s’affranchir de l’exigence d’un investissement significatif et du risque de requalification fiscale compte tenu de l’intention du législateur d’encourager l’intéressement des salariés et des dirigeants.

La pratique a même développé les attributions gratuites d’actions de préférence pour adapter l’instrument juridique aux exigences du LBO mais l’attrait de ce mécanisme a été de courte durée puisqu’à peine 18 mois après son adoption, le législateur a décidé de le durcir. Il a ainsi prévu la taxation de la fraction de plus-value d’acquisition excédant 300 000 euros suivant les règles applicables aux salaires, le rehaussement du taux de contribution patronale de 20 % à 30 % et encore l’application d’une contribution salariale au taux de 10 % en cas de gain d’acquisition supérieur à 300 000 euros.

C’est dans ce contexte particulièrement troublé que le tribunal administratif de Paris a rendu plusieurs jugements (TA Paris, 12 juillet 2016, n° 1431589, M. et Mme C) concernant des management packages constitués sous la forme de bons de souscription d’actions et d’actions de préférence notamment.

Leur principal apport est de rappeler à l’administration fiscale que la requalification en salaire du gain réalisé par un manager présuppose de démontrer l’existence d’un avantage salarial, celui-ci consistant soit en la souscription à des instruments de management package pour un prix inférieur à leur valeur de marché soit en une absence de risque financier pour leur titulaire.

Bien que ces décisions s’inscrivent nécessairement dans la lignée de l’arrêt Gaillochet, elles montrent que les juges du fond peuvent adopter une attitude pragmatique en hiérarchisant les critères posés par le Conseil d’Etat, recherchant d’abord l’avantage direct du manager lors de la mise en place du management package (nonobstant son implication dans la gestion de la société).

Cette méthode présente l’avantage de la simplicité : ou bien le management package révèle l’existence d’un avantage au profit du manager et il convient alors de rechercher si sa contrepartie réside dans son activité professionnelle au sein de la société, ou bien il n’y en a pas, auquel cas la requalification est infondée.

Plus anecdotique mais non moins intéressant, l’arrêt de la cour administrative d’appel de Paris du 30 décembre 2016 (CAA, 30 décembre 2016, n° 15PA04493) traite du cas d’un contribuable qui revendiquait, de manière paradoxale, la requalification d’une plus-value privée en revenu d’activité dans l’unique but de faire échec au délai de reprise de l’administration fiscale. L’argumentaire qu’il avait développé reprenait les critères jurisprudentiels mais les juges d’appel n’y ont pas fait droit en se fondant sur la même méthode que celui retenue par le tribunal administratif de Paris : après avoir admis l’existence d’un avantage lors de la souscription des titres litigieux, la cour d’appel a estimé qu’il n’était causé par aucune implication du contribuable dans la direction ou la gestion de la société concernée.

Ces décisions, si elles doivent rassurer les managers sur la réalité du risque fiscal qu’ils encourent au titre de leur management package, confirment surtout qu’ils doivent être en mesure d’établir l’absence de tout avantage en termes de valeur de souscription ou d’acquisition (les rapports d’évaluation indépendante doivent permettre de la justifier) et/ou de garantie (la documentation juridique doit en particulier exclure tout mécanisme destiné à les garantir contre une perte ou une moins-value éventuelle).

Plus généralement, il est recommandé que soit également prévue une rémunération de marché des managers au titre de leurs fonctions au sein de la société et que leur investissement soit réalisé à partir de leur patrimoine personnel.

Reste enfin la délicate question du montant de l’investissement : s’agit-il toujours d’une exigence pour éviter la requalification ? Nous ne le pensons pas sauf à traiter différemment un particulier selon qu’il exerce ou non son activité professionnelle dans la société au sein de laquelle il investit. A défaut, il nous semblerait légitime que l’investissement du manager soit apprécié en tenant compte de l’ensemble de ses participations dans la société concernée et non seulement de celles relevant du management package. En toute hypothèse, la prudence doit rester de mise s’il existe un risque que la valeur de souscription ou d’acquisition du management package puisse prêter à discussion en cas de contrôle fiscal.

Les affaires actuellement pendantes préciseront certainement la portée à donner à chacun de ces critères. Espérons seulement que la pratique du management package en ressorte sécurisée tant l’association des managers et des investisseurs financiers est importante dans le succès de tout LBO.

Questions à… Philippe Matignon, avocat associé et Jean-Guillaume Follorou, avocat associé, Jeantet AARPI

Quelles sont, selon vous, les problématiques dans le contexte actuel du marché ?

Dans un contexte économique dégradé, les acteurs qui acceptent de supporter un niveau de risque élevé devraient logiquement pouvoir bénéficier d’un environnement juridique et fiscal stable. C’est pourtant à une véritable insécurité juridique que sont confrontés les managers qui bénéficient de management package dans le cadre de LBO. L’absence de critères légaux de qualification, les réformes législatives successives et la position adoptée par l’administration fiscale ont créé un climat particulièrement anxiogène, fragilisant ainsi de nombreuses opérations. La sérénité reviendra-t-elle grâce à la jurisprudence qui, au fil des affaires qui sont soumises aux juges, ébauche les contours de ce qui relève réellement de l’intéressement du manager qui investit aux côtés des investisseurs financiers ? Des décisions récentes semblent l’indiquer.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Au sein du pôle M&A de Jeantet, composé de près d’une quarantaine d’avocats dont 10 associés, notre équipe est plus particulièrement dédiée au private equity, et intervient pour le compte de fonds d’investissement ou de managers. Concernant les management packages, notre rôle est essentiellement de proposer des outils juridiques sécurisés et répondant aux enjeux stratégiques de nos clients. Car si les pratiques s’homogénéisent en termes de structure, les différences persistent dans l’approche culturelle de ces instruments, qui constituent le socle de la relation entre le manager et son actionnaire financier. Les règles et les seuils de partage, les différents scénarios de déclenchement sont élaborés sur mesure pour chaque cas. Nous faisons en sorte que le management package traduise fidèlement la politique du fonds et l’importance qu’il accorde à l’implication des managers et à l’alignement de leurs intérêts.Ce changement de pécessité.

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