Par Stéphane de Lassus et Thibaut Caharel, avocats associés, Charles Russell Speechlys
La loi Macron1 est venue réformer le régime des actions gratuites («AGA») en abaissant les contributions fiscales et sociales pesant aussi bien sur l’entreprise que sur les bénéficiaires et ouvre, par là-même, de nouvelles perspectives pour cet outil d’incentive des managers.
Un dispositif qui redevient attractif
Sur le plan juridique, pour l’essentiel, la loi Macron abaisse la durée des périodes d’acquisition et de conservation des AGA. Jusqu’à présent, la durée cumulée de ces deux périodes ne pouvait être inférieure à 4 ans, répartis au choix de l’entreprise en deux périodes de 2 ans, ou en une période d’acquisition de 4 ans sans période de conservation. Désormais, la durée cumulée minimale de ces deux périodes est réduite à 2 ans, permettant à l’entreprise d’opter pour une période d’acquisition d’1 an suivie d’une période de conservation de la même durée, ou pour une période d’acquisition de 2 ans rendant facultative la période de conservation.
Par ailleurs, la réforme limite le domaine d’application du rapport de 1 à 5 concernant l’écart entre le nombre d’actions attribuées à chaque salarié dans le cadre d’une attribution bénéficiant à l’ensemble des salariés, aux seules attributions portant sur au moins 10 % (ou 15 % pour les PME non cotées) du capital de la société émettrice. Pour être complet, il convient de noter que les possibilités d’accorder des BSPCE (réservés aux sociétés de moins de 15 ans et détenues à au moins 25 % par des personne physiques) a également été assouplie par la loi Macron.
Mais c’est surtout sur le plan fiscal que la réforme est importante, en modifiant le traitement du gain d’acquisition : antérieurement taxé à l’IR dans la catégorie des traitements et salaires, ce gain est désormais imposé dans la catégorie des plus-values de cession de valeurs mobilières, permettant ainsi aux bénéficiaires de profiter des abattements pour durée de détention (notamment 50 % pour les actions conservées plus de 2 ans).
Sur le plan social aussi, la réforme est importante. Elle supprime la contribution salariale spécifique de 10 % et l’ancienne contribution patronale voit son taux réduit (20 % au lieu de 30 % auparavant) et son assiette simplifiée. Surtout, celle-ci devient exigible à l’attribution définitive des actions gratuites, contrairement au régime antérieur où la contribution était due dès la date d’attribution des actions, peu important que le bénéficiaire n’ait finalement pas acquis les actions par exemple à la suite de son départ de la société ou à défaut d’atteinte des objectifs de performance fixés par le Conseil d’Administration. Enfin, aucune contribution patronale n’est due en cas d’attribution d’actions gratuites par des sociétés répondant à la définition des PME au sens du droit communautaire et qui n’ont procédé à aucune distribution de dividendes depuis leur création, dans la limite du plafond de la sécurité sociale, par salarié et par période de 4 ans.
De nouvelles utilisations pour les actions gratuites
La réforme Macron va permettre de nouvelles utilisations des AGA, outre un renouveau pour l’incentive des cadres dirigeants de grands groupes, notamment côtés, grâce à la réduction de leur coût pour l’employeur.
Il peut en effet être envisagé d’utiliser ce mécanisme, par exemple, pour amorcer une transmission d’entreprise en permettant à certains salariés de participer déjà au capital de la société ce qui leur permettra d’envisager à terme sa reprise notamment par MBO.
Par ailleurs, les management packages de LBO pourront maintenant être composés au moins pour partie d’actions gratuites ; ces dernières pouvant très bien prendre la forme d’actions de préférence avec un effet «ratchet» (ratio de conversion selon le taux de TRI atteint lors de la sortie). Une difficulté majeure demeure cependant quant à l’alignement des intérêts entre les fonds d’investissements et les managers :
- tout d’abord, dans le temps, les managers souhaiteront surement pour des raisons fiscales conserver au moins deux ans les actions définitivement attribuées pour bénéficier de l’abattement sur les plus-values de cession, même en cas de cession de la société ;
- ensuite, plus «philosophiquement», mais là encore aussi fiscalement, la nature gratuite des AGA peut paraitre contraire à la nécessaire prise de risque financières, notamment des tops Managers dans une opération de LBO.
En conclusion, les AGA apparaissent comme un outil de nouveau envisageable dans de nombreuses opérations mais, le plus souvent, devant etre couplé à un investissement (en actions ordinaires ou de préférence) du bénéficiaire que ce soit dans le cadre d’un LBO ou d’une transmission capitalistique par étapes. n
1. Loi n° 2015-990 du 6 août 2015 pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques, publiée au JO le 7 août 2015.
Questions à… Stéphane de Lassus et Thibaut Caharel, avocats associés, Charles Russell Speechlys
Quelles sont selon vous les problématiques actuelles du marché ?
Les managers demeurent clés dans les opérations de LBO et leurs packages sont toujours âprement discutés.
La problématique fiscale reste également très présente sur les anciens LBO, l’administration cherchant quasi systématiquement à redresser les plus-values sur BSA en salaires, considérant l’usage du PEA comme abusif. Les services vérificateurs semblent considérer que la nouvelle interdiction légale d’inscrire les BSA en PEA vient conforter leur position, même pour le passé.
Il nous faut donc sensibiliser les managers sur le risque accru de contentieux et leur gestion sur le long terme.
Par ailleurs, trois autres points nous semblent notables :
- Depuis la loi Macron, les actions gratuites peuvent permettre de compléter efficacement les packages d’actions de préférence.
- Nous constatons également une montée en puissance des investisseurs publics du type BPI, notamment dans les opérations de LBO minoritaires.
- Enfin, de nouveaux investisseurs ayant réalisés des apports cessions à leur holding doivent réinvestir rapidement 50 % de leurs gains et cherchent donc notamment des «tickets dans des LBO» ou assimilés.
Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?
Notre équipe dédiée est l’une des plus reconnue du marché notamment en fiscalité patrimoniale. Nous accompagnons les Managers dans tous les domaines juridiques et fiscaux liés à leurs investissements voire dans les phases contentieuses (qui n’ont pas manqué ces dernières années).
Membre d’un réseau international présent notamment au Royaume-Uni, au Luxembourg et en Suisse, nous pouvons assister les équipes de management implantés à l’international dans leur problématique de structuration.
Comment accompagnez-vous vos clients ?
Nous accompagnons nos clients sur le long terme souvent sur plusieurs opérations de LBO et parfois aussi, pour les plus «successfull», dans leurs propres opérations de réinvestissements. En effet, certains managers ont créé récemment leur propre entité afin de réinvestir les proceeds perçus sur plusieurs LBO.
Concrètement, nous pensons que lors d’une opération de mise en place d’un management package, ou impactant le management package existant, le conseil des managers doit être à même de coopérer pleinement avec les autres spécialistes impliqués comme bien entendu les conseils financiers, les banquiers, mais aussi les avocats des fonds avec qui la relation doit être plus franche et moins crispée car en ces temps de crise l’alignement des intérêts entre les différents actionnaires d’un LBO est primordial.