L’effet combiné d’une crise économique longue et profonde, de changements technologiques majeurs et d’une mondialisation des échanges sans précédent affecte le monde de l’entreprise et oblige à repenser drastiquement et rapidement le projet industriel de bon nombre de sociétés, PME, ETI ou grands groupes. Lorsque l’actionnariat de ces entités est contrôlé par des acteurs du private equity, la capacité d’adaptation de ces derniers au changement est mise à l’épreuve ; elle est, toutefois, indispensable pour assurer, comme le suggérait Darwin, la survie de leur espèce.
Les dirigeants, en particulier dans l’innovation, ont compris que la création de valeur dans l’entreprise repose essentiellement sur l’attraction et la rétention des talents. Les opportunités proposées aux collaborateurs à haut potentiel intègrent donc, de plus en plus souvent, en sus d’une rémunération stricto sensu, la possibilité d’accéder au capital de leur entreprise, notamment si celle-ci n’a pas les moyens de leur servir immédiatement un salaire en adéquation avec leur profil. Ainsi, la rémunération annoncée comme négociable, non pas dans son montant mais dans la conception du système de package, suscite nombre de candidatures. Levier de croissance essentiel, en particulier pour les entreprises de l’innovation, le capital humain, au service de la création de valeur, trouve dans l’accès au capital un facteur fort d’adhésion et de stabilité sur une période donnée. Conçu comme un facteur de performance collective, il doit s’intégrer de plus en plus dans une dimension internationale. Il est essentiel, dans ce contexte, de prendre en compte les usages et contraintes propres à chaque juridiction, tout en préservant l’égalité entre l’ensemble des managers.
Outil de rétention du capital humain, toujours plus volatil dans le secteur de l’innovation
La compétitivité des entreprises a toujours été tributaire de leur capacité à attirer et à retenir les talents. Ceci se vérifie davantage encore dans les secteurs de l’innovation, où le capital humain, autrement dit l’implication des hommes et femmes clés de l’entreprise, pourtant toujours éminemment volatil pour les entreprises comme les start-ups, est le levier de la création de valeur ajoutée et de la pérennité de l’entreprise. Cette problématique de stabilisation du capital humain est notamment confrontée à une génération de talents qui cherche à maîtriser (voire à limiter) son implication dans l’entreprise ; une des réponses consiste alors à offrir à ces managers un accès au capital, et ainsi un sentiment d’appartenance à l’entreprise. Le plan d’accès au capital est ainsi destiné à créer dans la durée un réel alignement d’intérêts, centré autour de la performance collective au profit de l’entreprise, entre les actionnaires majoritaires et les talents. Il devra être conçu de manière à ce que l’équilibre financier soit maintenu entre, d’une part, le risque porté par les dirigeants, en leur qualité d’actionnaires minoritaires, et, d’autre part, leurs perspectives de gain. Précaution d’autant plus sûre, au regard de l’administration fiscale française, que le prix que ceux-ci auront versé pour accéder au capital aura été valorisé par des experts indépendants à la valeur du marché.
Mais, pour sa réplication d’un pays à l’autre, et afin de ne pas risquer un système de rémunération non productif, sinon destructeur, les spécificités culturelles et réglementaires propres à chaque pays convoité imposent à l’ingénierie juridique de faire de l’artisanat sur mesure. Ainsi, les schémas d’accès au capital inventifs et sophistiqués comme l’ingénierie juridique française, leader en la matière, a su les créer, devront être compatibles avec les réglementations juridiques et fiscales étrangères, sans rompre l’égalité entre les managers. En effet, les schémas complexes mis en place en France, notamment dans les opérations de LBO, et qui ont ouvert la voie à une période très créative, en réponse aux exigences et contraintes ressortissant à la culture des investisseurs français et des réglementations applicables dans notre pays, ne sont pas nécessairement adaptables à toutes les juridictions.
Vers l’harmonisation des schémas sous le vent de l’internationalisation
La difficulté consubstantielle au développement international de l’entreprise tient ainsi aux différentes «aspérités» culturelles, juridiques et fiscales du schéma d’accès au capital de l’entreprise proposé aux talents. Il faut en effet éviter qu’en raison de réglementations ou cultures nationales, les packages mis en place conduisent à des schémas inégalitaires pour les cadres, minant le jeu collectif dans l’ensemble du groupe au niveau international. Outre les Chinois encore assez peu coutumiers du système, les investisseurs allemands, par exemple, privilégient les schémas fiscalement éprouvés, et la mise en place de systèmes moins sophistiqués. Là où, en France, le régime fiscal applicable dépend de la distinction entre rémunération et investissement capitalistique (reposant sur une prise de risque financier), les législations des autres juridictions concernées oscilleront entre souplesse et encadrement de l’investissement des managers. La politique managériale de l’entreprise devra donc prendre en compte l’étendue du risque (qu’il soit financier ou fiscal) pris par les talents accédant au capital, et s’assurer que le schéma mis en place, le plus simple et lisible possible, réponde, pour tous, aux mêmes objectifs et principes directeurs.
Actions ordinaires, actions de préférence, schémas de bonus, obligations convertibles, anticipation de la sortie du capital… le schéma d’accès au capital mis en place dans un contexte international doit ainsi concilier des contraintes diverses, plus ou moins prégnantes selon les juridictions concernées : lisibilité pour les bénéficiaires, efficacité financière, cohérence avec les réglementations locales et maîtrise du régime fiscal dans chacune des juridictions concernées, tout en préservant l’harmonisation des principes directeurs et des enjeux des schémas retenus, pour éviter des ruptures d’égalité et d’éventuelles problématiques managériales. Tel est sans doute le nouveau challenge pour notre ingénierie juridique française.
Questions à… Pierre-Olivier Bernard, associé fondateur d’Opleo Avocats
Quelles sont, selon vous, les problématiques dans le contexte actuel du marché ?
Face à la montée de certains protectionnismes (notamment le Royaume-Uni post-Brexit et les Etats-Unis depuis l’élection de Donald Trump), la France retrouve une influence économique, politique et culturelle de premier plan, en particulier dans les pays et régions francophones (Afrique, Québec), mais également outre-Rhin, où se développent des entreprises innovantes très dynamiques. Ce que beaucoup ont déjà compris, la récente acquisition d’Opel par Peugeot étant une illustration parmi d’autres. Et notre premier partenaire économique en Europe ayant déjà abordé l’industrie 4.0, l’accompagnement, en France, de cette mutation économique majeure s’avère d’autant plus crucial que nos pépites pourraient trouver de nouveaux relais de croissance dans les ETI familiales allemandes à reprendre. La mise en place de plans d’accès au capital au profit des équipes créant de la valeur dans ces régions doit alors être étudiée avec soin pour s’assurer de leur pleine efficacité.
Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?
Réputée pour ses compétences, tant en structuration des management packages qu’en systèmes de rémunération et d’avantages sociaux, notre équipe satisfait au quotidien les besoins des hommes et femmes clés de l’entreprise, en leur apportant une assistance complète – juridique, fiscale et sociale – articulée autour de trois pôles d’expertises : capital humain, capital professionnel et capital privé. Nous accompagnons ainsi nos clients dans la négociation, la structuration et la mise en œuvre des management packages dans les contextes de LBO, comme dans la pérennisation de leur capital humain, par la mise en place de solutions créatrices de valeur sur mesure, forgées à partir d’une compréhension des enjeux d’affaires et d’une expérience largement éprouvée. Cela, pour favoriser les prises de décisions réfléchies, notamment dans leur impact à l’international. Nous entretenons donc d’étroites synergies avec nos homologues étrangers, à commencer par les cabinets d’avocats de notre réseau international.