Table ronde

Managements packages : la sécurité pour maître mot

Publié le 7 avril 2017 à 15h08    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h26

Propos recueillis par Lucy Letellier, Coralie Bach et Sarah Bougandoura    Temps de lecture 35 minutes

L’arrivée de nouveaux acteurs dans le private equity, comme les family office ou les LPs investissant en direct, fait quelque peu bouger les lignes des managements packages. Si le sujet financier reste au cœur des négociations, le projet proposé et les soft skills des investisseurs permettent de faire la différence.

Initier les négociations

Grégoire Châtillon, partner, Equistone : Depuis près de deux ans, le marché est concurrentiel et connaît un niveau d’activité important.

D’une part, les valorisations ont significativement augmenté et d’autre part cette concurrence est devenue protéiforme, avec l’arrivée de différents acteurs de long terme tels que des family offices. Les fonds traditionnels restent par ailleurs très présents.

Il faut donc convaincre dans ce contexte les dirigeants, qui jouent toujours un rôle primordial et essentiel dans les transactions. Les aspects financiers sont bien entendu importants puisque l’alignement des intérêts avec les dirigeants reste une clé du succès de ces opérations. Nous le considérons d’ailleurs comme un prérequis et comme une condition nécessaire de notre investissement. Le management doit être un partenaire, et la concurrence ne se joue par conséquent pas uniquement sur les aspects financiers.

Face à des acteurs proposant aux dirigeants des choses un peu différentes, nous avons besoin d’adapter notre discours, notamment sur l’horizon d’investissement, sur la gouvernance et sur la façon dont se déroule le partenariat au quotidien. Nous devons faire part de nos expériences précédentes en sollicitant d’anciens dirigeants afin qu’ils puissent témoigner de leur expérience. Le paramètre financier n’est plus l’unique élément décisif pour les dirigeants et le rôle des conseils devient plus important pour les aider dans le choix du futur partenaire.

 

Alexandra Dupont, directrice associée, RAISE : Le management package est important mais il n’est effectivement plus le seul critère de choix. Chez RAISE, nous intervenons exclusivement en minoritaire et nous avons noté, au cours des dernières années, une inflexion en matière de gouvernance : de plus en plus d’investisseurs n’hésitent plus à proposer une gouvernance légère lorsqu’ils pensent qu’elle représente un facteur clé de décision pour les dirigeants.

La flexibilité, l’agilité en matière de gouvernance et la faculté d’adaptation à des configurations actionnariales variées sont précisément notre marque de fabrique chez RAISE.

Or, nous constatons que de plus en plus de fonds classiques majoritaires sont dorénavant capables de proposer une gouvernance et des pactes beaucoup plus légers avec notamment moins de droits de veto.

Si les clauses de sortie restent tout de même souvent plus dures chez les fonds majoritaires, je note, sur les autres aspects, une véritable inflexion. Ceci est sans nul doute le résultat d’une concurrence accrue, poussant les différents investisseurs à assouplir de plus en plus leurs positions pour être retenus.

 

Arnaud Leclercq, partner, CEO, Pragma Capital : Nous pouvons effectivement nous battre à armes quasi égales entre fonds majoritaires et fonds minoritaires, car à la fin des fins, nous sommes tous dans une logique de construction d’un partenariat avec les dirigeants.

Mais face aux solutions sponsorless, nous ne pouvons pas gagner, et ce tant pour des raisons de gouvernance que de management packages. Ces solutions ne sont cependant pas adaptées à toutes les situations et gardons en tête que pour chaque situation capitalistique particulière, il existe une solution adaptée. Les managers sont courtisés, le management package n’est donc plus le seul instrument de réponse à apporter dans cette compétition.

Alexandra Dupont : Il est vrai que parfois, lors des premiers entretiens avec les dirigeants, ceux-ci mettent l’accent sur leur volonté d’avoir un partenaire actif, mais lorsque nous entrons dans le détail et dans la traduction juridique de ce partenariat en termes de pacte d’actionnaires, la réalité est plus complexe.

 

Carole Degonse, associé, McDermott Will & Emery : Le débat se déplace effectivement. Le package reste bien entendu d’actualité, mais les dirigeants sont aussi à la recherche d’un partenaire solide, capable de les accompagner sur leurs opérations de croissance externe, avec lequel ils vont pouvoir affronter d’éventuelles difficultés, car nous savons tous dorénavant qu’un LBO ne connaît pas nécessairement une issue heureuse.

Des sociétés peuvent connaître d’importantes transformations, avec par exemple la recherche de nouveaux métiers, de nouveaux marchés, ce qui peut passer par des opérations de build-up. L’année dernière a d’ailleurs été très active sur ce terrain.

Les managers recherchent donc un partenaire capable de les accompagner avec une gouvernance légère permettant une prise de décision rapide. Outre un simple accompagnement financier du business plan, ils souhaitent un partenaire capable de les challenger sur ce dernier et plus généralement sur leur projet.

Les sociétés ont des projets à plus ou moins long terme, elles veulent alors un partenaire pouvant investir sur des durées plus longues, ce qui explique l’arrivée d’investisseurs tels que des family offices. Les questions récurrentes des managers portent sur l’identité du fonds : va-t-il parvenir à lever des fonds ? Suis-je la dernière ligne de sa participation ? etc. La sortie à trois ou quatre ans n’est parfois pas adaptée au projet de l’entreprise.

 

Eric Delorme, co-fondateur et associé, Callisto : Le marché est très actif avec l’arrivée de nouveaux acteurs qui autrefois n’intervenaient pas sur le marché du LBO, tels que des fonds infrastructure ou des LPs (par exemple des grands fonds de pension canadiens) qui investissement maintenant en direct.

Ces acteurs ont des exigences de TRI inférieures à celles des fonds d’investissement traditionnels et des horizons d’investissement beaucoup plus longs que des fonds LBO classiques dont l’horizon de sortie est plus tôt.

Avec ces nouveaux acteurs, des clauses de sortie pour le management, en matière de management package, doivent être dorénavant prévues.

Au-delà du partage de la même vision sur la stratégie de développement et de la capacité de l’actionnaire financier à assurer le financement de la croissance, le management a besoin de perspectives de liquidités.

Nous sommes donc amenés à négocier avec ces nouveaux acteurs des fenêtres de liquidités à des échéances déterminées. Il est important de leur donner ces perspectives car le calendrier pour une personne physique est tout à fait différent du calendrier d’un institutionnel.

 

Stéphane Perriquet, managing partner, 21 Centrale Partners : Dans la plupart des opérations, le process reste cependant le suivant : la banque d’affaires arrive à aligner quelques fonds sur un même prix avec des conditions de garanties à peu près similaires, puis, in fine, le management fait son choix. Se dégagent alors trois critères importants : l’adhésion au projet, c’est-à-dire la compréhension de l’activité par l’investisseur et sa volonté d’épauler l’entreprise dans son développement, sa stratégie de croissance externe ou/et son développement international. Le deuxième critère est basé sur les conditions économiques et de gouvernance. Le dernier est celui des «soft skills», c’est-à-dire l’empathie et l’écoute. A égalité de prix, de management package et de gouvernance, le choix va donc s’effectuer selon des critères moins rationnels mais essentiels.

Eric Delorme : Effectivement, l’alchimie, la qualité de la relation, la capacité du nouvel actionnaire financier à mettre en place et à financer la stratégie de développement de la société souhaitée par le management sont deux critères importants dans le choix exprimé par le management au-delà de la qualité du management package.

 

Pierre-Olivier Bernard, associé, Opleo Avocats : Le projet d’entreprise est au centre des questions depuis déjà plusieurs années. Après la crise, les équipes de management ont réalisé que le schéma d’un LBO changeant de mains tous les 18 mois avec une plus-value automatique n’existait plus. Enfin, nous avons également noté l’arrivée, depuis deux ans, de nouveaux acteurs mais leur positionnement ne correspond pas nécessairement au même projet d’entreprise que les investisseurs traditionnels. Ces derniers restent des acteurs de premier choix pour accompagner des entreprises sur d’importants projets de build-up puisqu’ils bénéficient généralement de lignes d’investissement plus importantes. Les acteurs proposant du sponsorless, tels les mezzaneurs, ont quant à eux commencé par prendre des tickets minoritaires et au fur à mesure sont devenus majoritaires dans les entreprises. Ils n’ont pas, à l’inverse des fonds traditionnels, les équipes suffisantes en interne pour accompagner le management sur des opérations de build-up d’envergure. Ils accompagnent donc les équipes managériales sur des projets différents. Ces équipes managériales auront beaucoup plus de poids et de pouvoir car ces investisseurs issus des métiers de la dette n’ont ni la capacité ni l’habitude d’être aux manettes d’une entreprise.

Enfin, pour l’horizon de sortie que nous évoquions, le choix est effectivement intimement lié au projet d’entreprise. Le curseur est le temps nécessaire à la mise en place du business plan.

 

Stéphane de Lassus, associé, Charles Russell Speechlys : Certains de ces nouveaux acteurs ne sont pas nécessairement encore habitués aux spécificités du marché français. Nous avons cette année eu plusieurs fois l’occasion, sur des LBO existants, de penser que le management aurait peut-être dû poser davantage de questions au moment de faire son choix. Dans certains cas, il y a d’ailleurs des conversations un peu animées entre le fonds sortant et l’équipe de management sur le choix du repreneur car le prix demeure encore un critère important.

Le financement des opérations de build-up est une question soulevée très rapidement dans les discussions. D’autres en revanche ne sont pas assez anticipées, telle la problématique liée aux opérations de refinancement. Cette situation peut mettre l’entreprise sous tension et conduire à un désalignement des intérêts entre le fonds et l’équipe de top management. L’avenir ne peut certes pas être prédit mais anticiper ces points en réfléchissant aux process à mettre en place peut désarmer de futures tensions.

Il est important de prévoir, avec ces acteurs de plus long terme, des clauses de respiration et des instances de dialogue, au-delà du conseil d’administration. Il y a donc un travail pédagogique à faire et des questions à poser.

 

Philippe Matignon, associé, Jeantet : Le build-up est un élément essentiel de la stratégie et donc de l’attractivité du projet pour les managers. Le critère différenciant repose donc sur la capacité de l’investisseur à crédibiliser ce projet commun, que ce soit en anticipant l’engagement des prêteurs sur le financement des futurs build-ups, en mettant en place dès l’origine des règles sur, par exemple, la façon de structurer les investissements en equity ou en définissant les moyens ou outils proposés aux managers pour souscrire à une part de capital additionnelle.

Cette anticipation des questions liées à la structuration des build-ups est particulièrement importante pour les équipes managériales et peut être déterminante dans le choix final.

Gérer l’impact d’un build-up

Christophe Leclerc, associé, Accuracy : Les principales difficultés rencontrées sur les management packages de sociétés sous LBO lors de l’année écoulée portaient principalement sur deux cas de figure.

Lorsque la société sous LBO fait l’objet d’un rapprochement avec une entité qui est à peu près de la même taille, soit dans un délai très bref après la mise en place du premier management package, soit au contraire au bout de quatre ou cinq ans, lorsqu’une sortie est en préparation ; les managers se projettent alors dans le LBO suivant, alors que la sortie n’a finalement pas lieu car cette acquisition importante nécessite de prolonger le LBO actuel.

Le fonds et les managers s’étaient accordés sur une histoire qui change brutalement, avec la mise en place d’un plan stratégique très différent et parfois même de managers différents. Ces sujets sont très compliqués et réaligner les intérêts est long. Il est alors nécessaire de faire preuve de beaucoup de pédagogie pour convaincre le management de ce nouveau plan…

Ces situations font émerger différentes problématiques : en fin de LBO, la société et son management prolongent celui-ci pour une nouvelle période, il faut alors mettre en place un nouveau management package alors que le premier n’est pas liquide. Il faut néanmoins l’apporter, et se pose alors la question de sa valeur. D’autres managers sont invités à investir dans cette nouvelle aventure mais à des niveaux de valeur très élevés car il s’agit généralement d’opérations structurantes réalisées à des multiples élevés et le potentiel de création de valeur estimé sur les deux à trois ans à venir avant d’envisager à nouveau une cession n’est cependant plus aussi important que dans le passé. Cette situation crée donc un déséquilibre entre les premiers managers, qui peuvent déjà tabler sur un gain important, et les nouveaux qui arrivent lors de l’opération structurante et pour qui le potentiel de gain est plus limité et plus aléatoire.

Philippe Matignon : Certains outils, de par leur régime juridique, ont une durée de maturité plus longue, d’autres sont soumis à un régime fiscal moins précis et permettent plus de souplesse.

La durée est un élément clé de tout management package. En cas de renégociation du package en cours d’opération, il faut alors trouver un compromis satisfaisant sur de nouveaux paramètres de valorisation, de temps et d’alignement d’intérêts. Ceci peut passer par la répartition entre différents outils permettant de mitiger le risque.

 

Stéphane Legrand, directeur général, European Capital : Depuis la crise, les équipes de management ont gagné en maturité et aujourd’hui les sponsors ne sont plus les seuls à s’occuper du financement.

Là encore, le choix du partenaire est un enjeu, tout comme le choix du financement, chaque mode de financement a ses contraintes, certains financements correspondent à certains projets. Un build-up qui intervient en cours de route dans une seconde partie du deal constitue un sujet délicat car il est compliqué pour le fonds de remettre de l’equity, après par exemple 3 ans, alors qu’il doit faire deux fois la mise lors de la sortie qui interviendra peu de temps après.

Le dialogue avec l’équipe de management et le fonds est nécessaire afin de trouver des solutions ensemble de manière tripartite comme par exemple des financements subordonnés en fin de deal, ce qui permettra de combler l’equity gap nécessaire pour réaliser le build-up.

Les managers ont parfaitement intégré ces enjeux, ce qui peut les guider à affiner le choix du fonds car ces sujets doivent effectivement être discutés en amont.

Ces sujets ne peuvent cependant pas être juridiquement sécurisés. Les softskills prennent alors toute leur importance.

Eric Delorme : Au-delà des aspects strictement financiers, nous veillons toujours, dans le cadre de nos négociations, à la mise en place d’une gouvernance équilibrée.

Par exemple, en cas de refinancement pendant la durée de vie du LBO, le management a un rôle très important à jouer. Nous limitons les conséquences éventuelles de ces refinancements en soumettant ces opérations de refinancement à l’accord préalable du management dès que les seuils de levier mesurés en multiple et/ou en charge de la dette constatés au closing sont dépassés. Ceci est très important car le management qui est mandataire social a une responsabilité vis-à-vis des prêteurs.

Stéphane Legrand : Nous voyons souvent dans les terms sheets, une clause d’accord du management concernant les recapitalisations ou refinancements, avec soit une clause de limitation d’endettement soit un levier maximal.

Pierre-Olivier Bernard : Le management est effectivement plus aguerri aux problématiques de financement aujourd’hui. Hier, les fonds négociaient la dette de leur côté, la documentation bancaire était signée par le management en tant que mandataire social mais ils étaient rarement associés à la négociation. Parfois même, le management n’avait pas lu la documentation. Aujourd’hui, ils doivent la lire et la vérifier avant de la signer. Le management est dorénavant associé aux négociations bancaires afin de comprendre quels sont les obligations, les enjeux…

 

Serge Touati, founding member and partner, Agilitas Private equity : Le point de départ reste le projet d’entreprise. Ensuite, les éléments s’alignent pour y correspondre. Si une entreprise souhaite réaliser de nombreux investissements, s’il y a un alignement du projet entre le fonds et le management, ils adapteront la structure de capital. Sur la durée d’investissement, pour un fonds, l’équipe la plus facile à suivre est celle qui performe bien. Le plus souvent, c’est le management qui souhaite déclencher la sortie par anticipation. Derrière ce discours, le management souhaite à l’entrée de la flexibilité car les choses peuvent évoluer et il n’est donc pas souhaitable d’avoir au départ trop de contraintes. J’ai rarement vu des managers qui souhaitaient rester plus de dix ans sans avoir aucune sortie dans la période intermédiaire.

Arnaud Leclercq : Les équipes de management connaissent maintenant les règles du jeu. Elles savent qu’après un fonds, un autre pourra lui succéder. Il existe également un besoin de respiration du capital qui pourra être traité par des opérations successives et dont les intérêts patrimoniaux sont dorénavant bien compris par chacun.

Nous n’avons plus eu dernièrement de discussions avec le management sur les besoins de refinancement. Il y a effectivement la souplesse qui est liée aux caractéristiques du métier de l’entreprise. Cette flexibilité est recherchée mais elle tourne autour d’un pivot de cinq ans.

Je suis assez surpris, post-deal, des discussions que nous pouvons avoir avec les équipes de management qui ont mené leur enquête. Elles savent comment leur partenaire se comporte. L’adhésion commune au projet reste le critère principal mais les soft skills ont un poids indéniable.

Stéphane Perriquet : Nous nous rendons davantage compte des critères de sélection à l’occasion de la cession de nos participations : à égalité de prix et lorsque le management package et la gouvernance sont proches, les managers privilégient les fonds qui ont démontré souplesse et écoute au cours du process.

Carole Degonse : Nous entendons un double discours : selon que le fonds est à l’achat ou à la vente, le discours varie. Il y a beaucoup de fonds vendeurs qui ne veulent pas que le management parle aux acquéreurs potentiels ; mais quand ils sont à l’achat, ils veulent en revanche parler au management.

Il est fondamental, tant pour les managers et pour le fonds entrant, de pouvoir échanger. Il peut y avoir un beau projet mais sans entente, on ne peut pas parier sur la durée. La situation est similaire à un mariage : s’il n’y a pas d’entente ni d’affinité au départ, la situation est compliquée d’autant plus si l’opération connaît des difficultés par la suite. Echanger est normal et ce d’autant plus que c’est ce qui construit la relation de départ.

Arnaud Leclercq : L’idée est à tempérer. Le marché s’est professionnalisé, les équipes de private equity ont un track record avec des secteurs de spécialité pour lesquels elles sont reconnues. Les équipes de M&A sélectionnent aussi les fonds en fonction de ce track record. Le choix reste cependant évident entre un investisseur pas nécessairement très chaleureux mais qui apportera une vraie valeur sur la construction du projet et un investisseur avec des équipes sympathiques mais qui ne jouit pas d’une réputation ou d’une expertise sectorielle. Ce choix sera d’autant plus évident que les business plans deviennent de plus en plus compliqués avec des problématiques à l’international, des build-ups pouvant poser des questions de réorganisation du management. Les dirigeants ont besoin de savoir que le fonds pourra solidement les accompagner.

Grégoire Châtillon : Dans un contexte de valorisations élevées, pour créer de la valeur et rendre le management package intéressant, les opérations de croissance externe peuvent jouer un rôle plus important. Le fonds doit prouver qu’il est capable d’accompagner les dirigeants dans ces acquisitions, en réinvestissant le cas échéant.

Vers des packages plus raisonnables et plus sécurisés

Carole Degonse : Les managers savent dorénavant que le deal peut ne pas fonctionner et que l’administration fiscale exerce une pression constante.

Ils préfèrent alors un package qui se déclenche un peu plus tôt, plutôt que de négocier d’énormes packages sur la base de critères difficilement atteignables. Ils sont conscients qu’il est inutile de mettre une société sous tension à cause du management package. Ils sont donc plus raisonnables.

Cela étant, on parle beaucoup du retour des management packages, de leur déclenchement mais il ne faut pas négliger les attentes de retour des fonds. Nous savons tous qu’en raison de la structuration du fonds, les LPs ont des attentes de retours minimums et je ne suis pas certaine que la donnée du management package et la donnée du retour minimum soient toujours parfaitement alignées.

Pierre-Olivier Bernard : Les valorisations qui sont en forte hausse en raison de l’envolée des multiples font craindre aux fonds d’acheter trop cher.

Le retour souhaité par les LPs, le risque de payer un prix trop élevé compte tenu de l’envolée des multiples, le retour que souhaite le management et le fait que le management – tirant les leçons de la crise – ne souhaite pas un niveau de dette trop important cristallisent beaucoup les débats autour de la structuration. C’est d’ailleurs ce qui définit la gouvernance et le retour sur investissement. Tous les acteurs du marché ont tiré les leçons de la crise : si la baisse des taux tire les valorisations vers le haut, nous n’observons tout de même pas des comportements similaires aux années 2004-2005.

Face au stress des fonds acquéreurs de payer trop cher, il y a également une pression importante des fonds vendeurs sur les managers sur la question de l’opportunité de laisser le management parler aux fonds acquéreurs. Saura-t-il bien vendre le business plan ? Saura-t-il faire face aux acquéreurs qui risquent de challenger le travail de la banque d’affaires sur ce business plan ?

Christophe Leclerc : Auparavant, les managers et leurs conseils avaient tendance à se focaliser sur le prix du management package, aujourd’hui la question porte davantage sur la sécurisation fiscale de leur investissement. Ceci démontre une évolution dans la réflexion des managers qui étaient avant davantage dans une optique d’investissement faible à potentiel de gain élevé, quitte à ce que les probabilités de ce gain soient faibles. Aujourd’hui ils ont intégré la nouvelle pression fiscale, le risque d’avoir un contrôle et de devoir donc justifier le montant investi et le retour que vont produire ces managements packages.

Philippe Matignon : La juste valorisation de l’acquisition de l’outil support du package est une clé pour la sécurisation fiscale du mécanisme. Nous espérons tous la confirmation des jugements du tribunal administratif de Paris du 12 juillet dernier. A ce stade, on peut d’ores et déjà dire que ce sont des décisions qui vont dans le bon sens. Le tribunal rappelle que c’est à l’administration d’apporter la preuve de la requalification de la plus-value réalisée en salaires et qu’à ce titre elle doit démontrer que les outils support du package n’ont pas été achetés à leur juste valeur ou qu’il n’y avait pas de risque capitalistique pris par le porteur. Il s’agit ici d’éléments intégrés depuis longtemps par la pratique. Nous sommes tous assez soulagés de noter que ces principes sont reconnus et que le fait que le bénéficiaire du package soit lié à la société par un mandat social ou un contrat de travail ne semble pas être un des éléments centraux de l’analyse, de même que la proportion (ou la disproportion) entre l’investissement et le gain qui est finalement atteint .

Stéphane de Lassus : Le vecteur fiscal reste important mais heureusement les schémas qui semblaient assez tendus, pour ne pas dire abusifs comme l’administration pouvait les considérer, sont derrière nous à quelques exceptions près. Toutefois, certains points peuvent encore donner lieu à de réels débats. Par exemple, dans le cas des reprises d’entreprises pour des sommes symboliques, on ne peut pas demander au manager de mettre beaucoup d’argent quand le repreneur ne met presque rien lui-même en capital. Or, l’administration voit des multiples de ×100 ou plus et les managers ont alors droit au même traitement qu’il y a trois ou quatre ans !

Le fait de ne plus pouvoir utiliser le PEA pour les outils ratchet permet de décrisper le débat avec l’administration. Elle brandit alors moins l’arme de l’abus de droit. Mais aligneront-ils leurs intérêts avec ceux de l’Urssaf ? L’avenir nous le dira.

Il faut faire attention à la façon dont les deals sont structurés, mais si le bon sens est respecté, sans recherche de l’efficacité fiscale maximale, les managers peuvent être rassurés. Nous leur conseillons tout de même, bien entendu, de garder un peu de liquidités lors de la sortie pour faire face à un éventuel contentieux ou à des discussions avec l’administration. Si nous pouvons éviter le travers de l’abus de droit, qui est une procédure «infamante» avec également 80 % de pénalités, les managers peuvent alors respirer un peu mieux.

Les actions gratuites : une source d’incertitude

Philippe Matignon : Il est difficile de se projeter sur le long terme en France d’un point de vue fiscal, ce qui est regrettable. L’évolution du régime des actions gratuites en est une parfaite illustration : moins de 18 mois après son adoption, ce régime a perdu beaucoup de son intérêt. Le private equity n’était cependant pas au centre de l’attaque dont ont fait l’objet les actions gratuites mais il en est une victime collatérale.

Néanmoins, les dispositions de la loi Macron visant à assouplir le cadre juridique des BSPCE n’a pas été remis en cause (les BSPCE n’intéressant pas vraiment les entreprises du CAC 40, cibles de la remise en cause des avantages sur les actions gratuites). Pour certains types d’opérations de private equity (notamment les entreprises jeunes et de taille limitée), cela reste un outil alternatif ou complémentaire qui peut s’avérer utile.

Christophe Leclerc : Les actions gratuites nous posent d’importantes difficultés. Au moment de la transaction, nous constatons beaucoup d’émissions d’actions gratuites ou d’actions de préférence gratuites, soumises à des conditions de performance. Mais ce type de montage implique de se revoir un an plus tard afin de calculer le montant de cotisations Urssaf, qui peuvent atteindre des montants très significatifs sur de gros LBO. Or souvent, ce sujet n’est pas anticipé par les fonds. Aujourd’hui, ils nous interrogent, au moment du closing, afin que nous évaluions les cotisations qu’ils auront à payer un an plus tard. Nous avons vu des structures complètement remises à plat car les montants en jeu étaient trop significatifs. Les structures ont été modifiées pour éviter d’avoir une masse d’actions gratuites et des cotisations trop importantes. En outre, ce sont des outils optionnels dont la valeur est assez volatile. Les estimations sont déjà difficiles au moment de la transaction, elles sont d’autant plus complexes lorsqu’il s’agit d’évaluer la valeur potentielle de ces outils un an plus tard : quels multiples seront en vigueur ? L’entreprise aura-t-elle respecté son business plan ? Aura-t-elle sous-performé ou surperformé ? La fourchette de valeur est très large. Les fonds peuvent donc s’exposer à des paiements de cotisations Urssaf très importants lorsque les actions gratuites occupent une place significative dans le montage.

Pierre-Olivier Bernard : La philosophie des actions gratuites ne correspond pas aux management packages. Cela paraît compliqué par exemple, de faire du ratchet avec des actions gratuites. Il ne faut pas oublier que les actions gratuites correspondent, par définition, à de l’actionnariat salarié. Les actions gratuites peuvent être utilisées mais dans des cas bien précis : pour sécuriser le bas d’une courbe, par exemple, et sur une population restreinte. Car si nous donnons des actions gratuites à cent managers, ces derniers se retrouveront dans la holding de tête. Au bout d’un an, ils seront propriétaires des titres. Dans le cas de gros LBO, où une introduction en bourse est envisagée, avec des règles de majorité, il faut être vigilant quant aux droits politiques qui sont attachés à ces actions gratuites. Cela suppose une ingénierie juridique et fiscale avec un mécanisme de rachat automatique par la société afin de sécuriser la sortie. Les actions gratuites posent beaucoup de débat dans leur mise en œuvre et notamment dans les négociations que nous avons avec les fonds sur ce sujet de sécurisation de la sortie. Donner des droits politiques aux managers n’est pas nécessairement dans la logique du management package. Son objectif est d’aligner les intérêts sur le plan financier, mais pas de bloquer les décisions au niveau de la holding de tête. Se pose également la question de la discrétion des décisions : les dirigeants n’ont pas forcément envie que des centaines de managers assistent aux assemblées générales.

En outre, la dernière loi de finance, qui a augmenté la contribution patronale et réinstauré la contribution salariale, a réduit l’intérêt des actions gratuites.

Je souhaitais revenir aussi sur la problématique des build-ups, et l’entrée de nouveaux managers en cours de deal sur des valorisations élevées. Des actions gratuites étaient parfois proposées dans ces situations pour contourner le problème de prix. Mais si la sortie du fonds est proche, des bonus de cession peuvent présenter autant d’intérêt que des actions gratuites. Ils permettent, de plus, d’aligner les intérêts avec le fonds sur l’horizon de sortie.

Concernant les débats avec l’administration fiscale, celle-ci reste très dogmatique sur les management packages et ne tient pas compte des avis du Comité de l’abus de droit. Elle maintient ses positions. Comme elle doit démontrer que le package n’a pas été acheté au juste prix, elle tente de mettre en cause les rapports durant le contrôle afin de faciliter un redressement par la suite. L’administration tente de retrouver un angle d’attaque par tous les moyens.

Christophe Leclerc : A l’inverse, nous avons aussi parfois des difficultés avec l’administration sur des packages qui ont été payés. Une personne qui a pris un risque financier en payant son package peut se retrouver redressée alors que si les actions avaient été attribuées gratuitement, elle n’aurait pris aucun risque de redressement.

Philippe Matignon : C’est tout le paradoxe. C’est pourquoi nous sommes souvent réticents à utiliser un outil qui va à l’encontre de tous les principes sur lesquels ont été bâtis les packages.

Pierre-Olivier Bernard : C’est totalement dogmatique. A une époque, nous nous demandions s’il fallait exercer des BSA pour n’avoir que des actions. Dans les deals où les BSA ont été exercés, nous nous sommes retrouvés face à l’administration fiscale qui nous a appliqué la règle Gaillochet. Celle-ci soutenait que nous avions pris le risque lors de l’exercice du BSA. En fait, l’administration fiscale prendra toujours l’angle qui l’intéressera. Il n’y a pas de sécurité à ce niveau-là. Il faut anticiper la défense pour éviter que l’administration fiscale aille au contentieux, ou en tout cas faire en sorte qu’elle ait le minimum de chances de gagner.

Philippe Matignon : Sachant que comme elle intervient a posteriori, l’administration fiscale résiste rarement à la tentation de réécrire l’histoire…

Stéphane Legrand : Une autre évolution sur les packages concerne les changements apportés au montage au cours du deal. Sur les deals qui ont subi l’impact de la crise, par exemple, les durées de détention ont dû être prolongées à sept ou huit ans voire plus, et redonner de la valeur aux managers peut s’avérer compliqué. La question est de quoi parle-t-on en euros ? Une fois le gain attendu à la sortie estimé, l’approche est généralement très pragmatique. Il est ainsi parfois préférable d’aller au plus simple pour distribuer cette enveloppe, via par exemple des bonus de cession attribués à l’équipe ce qui permet d’aligner les intérêts avec ceux du fonds.

Serge Touati : Nous intervenons à travers l’Europe, et notre philosophie est effectivement de miser sur la simplicité des packages car nous travaillons souvent sur des transactions complexes. Nous souhaitons que les parties soient concentrées sur la création de valeur. Si au moindre imprévu, le management sort le pacte d’actionnaires ou calcule les impacts sur son package, c’est catastrophique. L’objectif est de savoir comment nous allons faire croître le gâteau et non comment nous allons nous partager les miettes. Nous privilégions donc la simplicité, aussi parce que nous faisons essentiellement des opérations primaires : avec du sweet equity pour le premier cercle, et possiblement des bonus pour les cercles 2 et 3. Expliquer les concepts de good leaver/bad leaver à des N – 2 est difficile et le management package n’est alors pas perçu comme un moyen de motivation. Les personnes doivent comprendre parfaitement les outils que nous leur proposons.

Le succès d’un deal repose sur la confiance. Je rejoins en cela la notion de soft skills évoquées précédemment. La simplicité s’inscrit dans cette relation de confiance et facilite les relations en cas de crise. Pour nous, un management package doit répondre à trois critères : un alignement d’intérêts parfait, quelque chose de simple et de généreux.

Stéphane de Lassus : L’internationalisation des deals plaide également en faveur de la simplicité. Généralement, les problématiques fiscales et sociales sont moins présentes à l’étranger ; les packages étant souvent taxés en salaires. Dans ces conditions, les plans de bonus sont parfaitement adaptés, y compris pour des cercles 2 ou 3. Après, reste la question de la maturité. Offrir un bonus à six ou sept ans n’est pas très motivant. Il peut être alors préférable de donner un peu moins mais plus souvent.

Eric Delorme : En effet tout dépend également de la culture de l’entreprise et du type de management. Certains managers qui ne sont pas du 1er cercle peuvent mal percevoir une proposition de bonus, le ressentant comme une solution pour «citoyens de deuxième classe». Un investissement présentant un profil de risque adapté peut avoir un effet beaucoup plus fédérateur.

Alexandra Dupont : Nous avons implicitement essentiellement discuté des opérations de LBO majoritaires secondaires ou tertiaires. Pour notre part, chez RAISE, nous intervenons souvent sur des opérations primaires. Or, lorsque nous échangeons avec une famille ou avec des dirigeants ne connaissant pas l’univers des fonds d’investissement, nous essayons d’adapter notre discours et les structurations choisies. Il est souvent contre-productif dans ce type de contexte de choisir des structures trop complexes.

Serge Touati : Sinon, vous les perdez.

Alexandra Dupont : Exactement. Nous prenons le risque de casser le fil de la confiance créée auparavant.

Stéphane Perriquet : Depuis une dizaine d’années, les pratiques se sont nettement sophistiquées mais je trouve également qu’elles se sont normées, en particulier pour les opérations secondaires. Les échelles de rétrocession sont en effet assez similaires et les variations restent relativement faibles. Tout le monde utilise en priorité le sweet equity. Les managers veulent en effet concentrer un maximum de valeur sur leurs actions ordinaires afin de pouvoir les placer dans un PEA. Nous voyons assez peu d’actions gratuites, plus du tout de BSA mais beaucoup d’ADP.

Carole Degonse : Je ne suis pas certaine que nous ayons toujours le choix de faire simple ou pas. Une fois que nous avons utilisé les actions, les actions à dividendes prioritaires et éventuellement des actions gratuites, nous avons fait le tour des instruments. Les contraintes légales et fiscales sont telles que nous sommes bien moins inventifs que par le passé.

Arnaud Leclercq : Nous intervenons également beaucoup sur des opérations primaires. Sur ces deals, le bon sens prévaut : de la visibilité, de la transparence, de la pédagogie, sans oublier de challenger le management package par rapport au business plan. Nous discutons beaucoup avec les équipes sur ce point. Nous passons aussi de plus en plus de temps sur l’allocation interne du management package. Il y a quelques années, les dirigeants tenaient à distribuer du management package à leur équipe élargie. Puis, avec l’expérience, ils ont compris que l’élargissement du package pouvait d’une part être difficile à mettre en place, et d’autre part que cet intéressement pouvait être très virtuel sans forcément être très lucratif. J’ai l’impression que nous revenons aujourd’hui à des packages plus concentrés sur les personnes qui portent l’entreprise. Au-delà de ce cercle, il y a des réflexions sur des plans de bonus. En tous les cas, la discussion sur les management packages représente la pierre angulaire de la construction de la relation avec les dirigeants. C’est là que la confiance se cristallise, pour nous sur le projet d’entreprise, et pour eux sur le deal économique. Par ailleurs, nous constatons tout de même, sur des deals très compétitifs, des management packages très généreux qui accompagnent des valorisations élevées. Mais sur des opérations primaires, la mesure a encore sa place.

Grégoire Châtillon : Chez Equistone, nous considérons encore qu’il peut y avoir une valeur intangible à l’actionnariat salarié : pouvoir dire à un cercle élargi qu’il va devenir actionnaire de l’entreprise et fait partie de l’histoire est généralement créateur de valeur pour le groupe. Il est important pour nous d’aligner les intérêts même de façon symbolique. En général, nous laissons la main à l’équipe de direction pour définir les cercles et les montants investis par chacun.

Christophe Leclerc : J’interviens annuellement dans quelques assemblées générales de sociétés de managers de gros LBO, au sein desquelles nous reportons la valeur annuelle du management package et son évolution par rapport aux années précédentes. Les échanges entre les managers et les dirigeants sur les orientations stratégiques sont généralement nourris. Dans ces moments, vous revenez sur les actions passées : pourquoi n’ont-elles pas donné les résultats escomptés, qu’allons-nous mettre en place demain, etc. Ces débats ne seraient pas aussi riches si les packages reposaient uniquement sur des systèmes de bonus. L’intérêt de l’actionnariat salarié, au moins pour des managers qui ont un pouvoir décisionnaire, est notable.

Pierre-Olivier Bernard : A condition de mener ces réunions une ou deux fois par an et que chacun comprenne quelle est sa part dans la contribution de valeur.

Philippe Matignon : A défaut, ces sujets ne seront abordés qu’à l’occasion de la sortie.

 

Se préparer à un contrôle fiscal

Eric Delorme : Nous veillons à ce que la structuration des fonds propres du projet et de l’investissement du management respecte la réglementation fiscale en cours afin d’éviter tout risque de requalification à la sortie.

Pierre-Olivier Bernard : Il est important de faire de la pédagogie. Si elle ne peut pas rentrer par la porte, l’administration fiscale tentera de rentrer par la fenêtre. Nous devons donc préparer le management à expliquer le choix d’une structuration et anticiper le risque de contrôle. Il faut aussi que le management soit uni, d’autant plus que le contrôle peut intervenir après le départ de certains managers.

Philippe Matignon : Le niveau d’information et la culture générale des managers sur ce sujet ont fortement progressé. Certes nous devons continuer à faire preuve de pédagogie, mais les populations en face de nous sont beaucoup plus matures.

Stéphane Perriquet : Je pense qu’il faut distinguer le primaire du secondaire. Dans les LBO secondaires, les managers ont bien compris le risque fiscal. C’est moins le cas dans des opérations primaires. Les fondateurs sont encore assez bien informés et s’appuient toujours sur des conseils. Mais les autres managers ont une approche moins sophistiquée. Notre rôle est aussi de veiller à ce qu’ils soient bien conseillés.

Philippe Matignon : De surcroît, lors d’un LBO primaire, le manager doit la plupart du temps investir en cash, ce qui peut entraîner tout à la fois de la méfiance et de la crainte. Après un premier LBO qui s’est bien passé, l’expérience et le gain réalisé lors de la première opération permettent au manager d’être plus serein.

Eric Delorme : Toutefois, lorsque nous expliquons au management que tel outil financier est préférable à tel autre afin de protéger sa position, nous sommes entendus tant par le management que par l’investisseur financier.

Stéphane Perriquet : C’est pour cela que nous veillons à ce qu’il soit systématiquement conseillé. Parfois, le conseil est le même pour les fondateurs et le management, et c’est gênant.

Christophe Leclerc : C’est plus que gênant, c’est très problématique. Je suis intervenu sur un dossier litigieux entre un fonds et un ancien manager. Ce dernier arguait ne pas avoir été conseillé. En l’occurrence, le conseil juridique était le même pour le fonds et le manager. Ce dernier a déclaré avoir été mal informé, et ne pas avoir compris les conditions d’investissement. Il a demandé à être remboursé.

Pierre-Olivier Bernard : La difficulté est de s’assurer que les 50 managers impliqués ont bien compris le risque. Le CEO et CFO ont-ils bien communiqué ? Nous pouvons mener un travail d’information, mais vérifier que chacun a bien compris et est en capacité de gérer ce risque est impossible. Nous pouvons le faire pour un dirigeant mais lorsque les cercles sont élargis, c’est extrêmement compliqué.

Stéphane de Lassus : Il faut effectivement être attentif à la responsabilité du conseil. C’est pourquoi nous privilégions généralement des outils plus simples pour le cercle 2 et cercle 3. Après, l’expérience permet d’évaluer la maturité des interlocuteurs et d’estimer si le projet du fonds est cohérent.

Eric Delorme : Je partage le point de vue de Stéphane. C’est la responsabilité des conseils du management d’alerter celui-ci sur le caractère risqué de l’investissement sur le plan financier d’une part, et sur les éventuels risques fiscaux d’autre part en cas de belle performance constatée à la sortie.

Carole Degonse : Je suis d’accord même si, en pratique, c’est parfois compliqué car beaucoup de managers investissent car ils suivent le projet du dirigeant.

Alexandra Dupont : Cela dépend aussi de la typologie de l’opération et de la personnalité du capitaine. Certains dirigeants n’ont pas forcément envie que nous interférions entre lui et ses N – 2/N – 3.

Eric Delorme : L’essentiel est de leur dire qu’ils ont la liberté de ne pas investir.

Grégoire Châtillon : Il faut également être vigilant sur les montants d’investissement proposés et s’assurer qu’ils sont adaptés aux situations personnelles de chacun.

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