Expertise

Managers : comment bien préparer sa sortie dans un environnement fiscal aussi changeant ?

Publié le 29 mai 2013 à 15h12    Mis à jour le 29 juin 2021 à 9h55

Manfred Noé

Par Manfred Noé, avocat, Fidal

Les réformes fiscales résultant de la 3ème loi de finances rectificative pour 2012 et de la loi de finances pour 2013 ont profondément modifié le régime des plus-values sur cession de valeurs mobilières réalisées par des personnes physiques. Ont-elles pour autant créé une nouvelle donne en matière de débouclage des management packages ?

Inadaptation du nouveau régime à la situation des managers de sociétés sous LBO

Sauf exceptions, les plus-values sur cession de valeurs mobilières réalisées par les particuliers sont désormais soumises à l’impôt sur le revenu au barème progressif, ce qui peut conduire à un niveau de prélèvements record de 64,5%... L’abattement instauré concomitamment à cette hausse des taux s’avère peu adapté à la situation spécifique des management packages, notamment car il sera sans effet sur les cessions de titres résultant de l’exercice d’instruments optionnels préalablement à la sortie1 et non applicable aux cessions de certaines valeurs mobilières largement utilisées dans les packages (comme les BSA «secs»). En outre, les régimes dérogatoires du «remploi» et celui dit des «pigeons» ne seront en pratique d’aucun secours aux managers de sociétés sous LBO, compte tenu des conditions à remplir en termes (notamment) de durée ou pourcentage de détention des titres cédés2.

Même si le gouvernement a annoncé récemment une nouvelle réforme du régime qui devrait rendre plus élevés et plus rapidement accessibles les abattements mis en place, l’inadaptation du régime général et de ces exceptions devrait inciter de nombreux managers de sociétés sous LBO à se tourner vers les principaux schémas d’optimisation envisageables lors de la sortie : donation-cession et apport-cession. A cet égard, le récent durcissement des règles applicables à ces schémas d’optimisation n’est certainement pas un hasard.

Donation-cession : une opération préservée grâce à la censure du Conseil constitutionnel

Le Conseil constitutionnel ayant invalidé le dispositif «anti-abus» imaginé par le Gouvernement3, la donation-cession reste soumise aux règles antérieurement dégagées par le Comité de l’abus de droit et la jurisprudence. L’opération doit revêtir une véritable intention libérale ce qui implique de proscrire toute reprise directe ou indirecte du produit de cession des titres donnés par le donateur.

Sous cette réserve, la donation-cession reste possible et permet de substituer à l’impôt sur la plus-value des droits de donation, tout en réalisant une transmission de patrimoine. Pour être sécurisée et compatible avec la sortie, elle impliquera anticipation et étroite collaboration entre le notaire et le conseil accompagnant les managers.

Apport-cession : une opération consacrée par les textes mais désormais plus encadrée

Un nouveau dispositif législatif encadre désormais les opérations d’apport-cession quand l’apporteur contrôle la société bénéficiaire des apports. Le législateur a donc consacré le bien-fondé d’une opération dont l’Administration tentait jusqu’alors de remettre en cause la validité même. Les conditions fixées par l’article 150 O-B ter du CGI sont néanmoins restrictives, et pour certaines imprécises, en particulier s’agissant de l’appréciation de la notion de contrôle. Surtout, cette opération ne conduit plus à un sursis d’imposition mais extériorise une plus-value d’apport automatiquement placée en report d’imposition.

En dehors de l’hypothèse d’une sortie par LBO secondaire, où l’apport de titres à une société non contrôlée permet d’optimiser le réinvestissement des managers dans le nouveau LBO tout en bénéficiant d’un sursis d’imposition, les opérations d’apport-cession devraient pour l’essentiel être réalisées au profit de sociétés contrôlées par les managers donc soumises au nouveau régime du report d’imposition.

Si la sortie intervient moins de 3 ans après l’apport, la cession des titres apportés entrainera automatiquement la perte du report d’imposition, sauf si la société s’engage à réinvestir dans les 2 ans au moins 50% du produit de cession dans une activité économique. Sur ce point, le nouveau dispositif opère une distinction peu pertinente et contraignante : en cas de réinvestissement par acquisition de titres  existants d’une société, l’acquisition doit conférer le contrôle à l’acquéreur, alors qu’en cas de souscription à des titres nouveaux, aucun contrôle n’est exigé.

Ainsi, si l’apport-cession à une société contrôlée est désormais une opération légitimée par les textes, ses conditions de mise en œuvre sont plus restrictives et ses conséquences fiscales différentes. En outre, les commentaires de l’Administration sont attendus avec impatience par les praticiens pour éclaircir les zones d’ombres qui entourent encore ce nouveau dispositif.

Quelle stratégie adopter pour bien préparer sa sortie ?

Dans ce contexte d’insécurité résultant du changement permanent des règles fiscales, la stratégie à adopter lors de la sortie dépendra avant tout des objectifs patrimoniaux des managers et des contraintes résultant du type de sortie (industrielle, IPO ou LBO secondaire).

Les opérations patrimoniales devront être autorisées par le pacte d’associés et leur pertinence  examinée par chaque manager en amont de la sortie, en fonction des objectifs définis et de l’avantage qui en résulterait par rapport à une simple cession bénéficiant d’un effet abattement.

Les nouveaux dispositifs invitent également à repenser les modalités d’investissement initiales des managers afin d’optimiser l’effet de l’abattement, voir à organiser certaines opérations patrimoniales en cours de LBO. En tout état de cause, la complexité des dispositifs en vigueur et la coexistence de régimes voisins (sursis et report) emportant des conséquences fiscales très différentes imposent de conduire plus en amont qu’auparavant une analyse rigoureuse des schémas de sortie envisageables.

1. Notamment si les titres cédés résultent d’un exercice de bons de souscription d’actions ou d’une conversion d’actions de préférence.

2. 8 ans de détention pour le régime du remploi et 10% des droits de vote ou dans les bénéficies sociaux pour celui des « pigeons ».

3. Le Gouvernement entendait remettre en cause la purge de la plus-value en cas de cession des titres donnés dans les 18 mois de la donation.

3 questions à... Jean-Pascal Amoros et Marie-Isabelle Levesque, avocats associés, Fidal

Quelles sont selon vous les problématiques actuelles du marché?

A un environnement économique difficile, s’est ajouté au cours des derniers mois un durcissement de l’accès au crédit bancaire, une instabilité fiscale inégalée et une judiciarisation nouvelle des relations entre les fonds et les managers à la suite notamment des nombreux changements intervenus récemment à la tête des équipes de management de LBO sous performants ; à cet égard, plusieurs décisions récentes de la Chambre Commerciale de Cour de Cassation ont alerté les praticiens en remettant en cause pour la première fois la portée de certains engagements extrastatutaires, comme notamment certaines promesses de cessions d’actions en cas de départ d’un manager.

Dans ce contexte à faible visibilité, les managers sont soucieux de négocier des accords respectueux des risques juridiques et financiers qu’ils prennent aux côtés des fonds, résistant à l’épreuve du temps, et plus équilibrés en instruments en capital pari passu avec les fonds. Parallèlement, les seuils de TRI déclenchant les mécanismes optionnels de rétrocession de plus-value ont tendance à être beaucoup moins ambitieux que par le passé, en contrepartie d’une limitation de l’espérance de gain en cas de surperformance.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers?

Composée aujourd’hui d’une dizaine d’avocats, notre équipe, dédiée à l’accompagnement des dirigeants, se caractérise par ses compétences transversales et sa capacité à proposer une offre complète, tant juridique que fiscale et patrimoniale, en matière de structuration de l’accès au capital des dirigeants et managers (dans un contexte transactionnel ou non), d’organisation et transmission de groupes familiaux et de problématiques de rémunération des dirigeants (en particulier de sociétés cotées). En tant que de besoin, notre équipe peut également faire appel aux expertises spécifiques d’autres équipes du cabinet, en droit social notamment.

S’agissant plus particulièrement d’opérations de LBO, notre équipe dispose d’une expérience reconnue auprès des fonds d’investissement, des conseils financiers spécialisés et des équipes de management dans la structuration, la négociation, la mise en œuvre et le conseil au débouclage du management package. Nous pouvons nous appuyer sur notre réseau international de correspondants  pour conseiller les équipes de management également implantées à l’international et nous connaissons bien les conseils financiers spécialistes du management package, avec lesquels nous travaillons en parfaite complémentarité.

Comment accompagnez vous vos clients?

En règle générale, nous accompagnons nos clients à tous les stades du LBO, c’est-à-dire au moment de la mise en place du LBO mais aussi pendant la durée de vie du LBO et au moment de la sortie.

En période de difficultés, nous  accompagnons l’équipe de management dans la renégociation de son management package, notamment pour permettre le cas échéant l’accueil d’une nouvelle équipe de dirigeants et assurer le succès du nouveau plan d’affaires. C’est un exercice complexe mais nous constatons le plus souvent une volonté commune du fonds d’investissement et des cadres clés de trouver une solution pérenne et équilibrée. Bien entendu, nous conseillons à nos clients de nous avertir des difficultés rencontrées le plus en amont possible afin de les anticiper plutôt que de les subir.

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