Expertise

Restructurations financières et opérationnelles sont devenues inséparables

Publié le 27 juin 2014 à 11h38    Mis à jour le 1 juillet 2014 à 11h49

Guillaume Cornu et Thomas Marcorelles, EY

Depuis deux ans, dans un contexte de crise qui tend à perdurer, de nouvelles restructurations de dettes sont nécessaires. Ces nouvelles approches peuvent passer par une restructuration du bilan, mais également par une transaction, c’est-à-dire une recomposition du capital.

Par Guillaume Cornu (à gauche), associé EY, responsable du département Transaction Advisory Services (TAS) pour la France, le Maghreb et le Luxembourg et Thomas Marcorelles, senior manager Restructuring.

La crise financière survenue fin 2008 après plusieurs années d’euphorie financière a nécessité, pour bon nombre d’entreprises sous LBO, de mener des négociations pour adapter le service de la dette à des niveaux de cash flow d’exploitation inférieurs aux prévisions initiales. En l’absence de visibilité sur la durée de cette crise, les premières opérations de restructuration financière ont majoritairement consisté à envisager des solutions temporaires du type «amend and extend». Il s’agissait avant tout d’obtenir un délai de remboursement plus long dans l’attente d’un retour progressif à la croissance.

Dans l’ensemble, les parties prenantes de l’entreprise ont joué le jeu, avec souvent des apports de nouveaux fonds par les sponsors, des aménagements de concours bancaires, des rééchelonnements de dette de la part des créanciers et assez peu de «write-off» de dettes. Depuis deux ans, dans un contexte de crise qui tend à perdurer, de nouvelles restructurations de dettes sont nécessaires et elles ont pris une nouvelle forme. Désormais nous constatons une volonté assez unanime des parties prenantes et acteurs du restructuring de chercher des solutions  pérennes. Ces nouvelles approches peuvent passer par une restructuration du bilan, mais également par une transaction, c’est-à-dire une recomposition du capital. Nous constations ainsi de nouvelles approches.

Un retour à la valeur de l’entreprise

D’une part, il y a toujours des dossiers nécessitant une seule restructuration de la structure bilancielle. Il s’agit d’entreprises n’ayant pas de véritables problèmes opérationnels, mais rencontrant des difficultés à honorer le remboursement contractuel de leur dette. Les sponsors financiers ne souhaitent pas remettre en cause leur investissement et recherchent des solutions permettant «d’acheter du temps» et différer la sortie de l’actif. L’objectif est donc d’adapter le niveau de dette pour le rendre supportable, par rapport à la génération de cash flow et à l’équilibre du bilan. Des solutions d’amend and extend rendues possibles par une valeur d’entreprise couvrant la dette et tout ou partie de l’equity.

L’approche portera donc sur l’analyse des schémas de restructuration de la dette en cohérence avec la valeur estimée de l’entreprise, éventuellement selon plusieurs scénarios de business plan, pouvant se traduire parfois par une réorganisation du capital. Nous avons vu à ce titre des solutions de «partage» de l’equity entre sponsors, mezzaneurs et banquiers.

Des restructurations plus  opérationnelles

Parallèlement, un deuxième type de dossier existe, lorsqu’une restructuration opérationnelle de l’entreprise apparaît nécessaire pour assurer la pérennité. Nous sommes alors appelés à travailler sur des «independant business review» (IBR) plus complètes reposant sur des «diligences» certes économiques et financières, mais intégrant également d’autres aspects permettant en réalité de répondre à plusieurs problématiques et questions que nous pourrions résumer de la manière suivante : l’entreprise est-elle sur le bon marché ? dispose-t-elle de la bonne stratégie pour envisager un redressement pérenne ? existe-t-il des leviers d’optimisation de sa rentabilité, d’amélioration de son EBITDA ? existe-t-il des leviers d’optimisation de sa liquidité ? En réalité, au-delà de compétences et d’expertises en matière de restructuration financière, ce sont des solutions stratégiques et opérationnelles qui sont étudiées et recherchées.

C’est là un nouvel aspect de notre métier qui nécessite de mobiliser plus de compétences, pour répondre aux différents besoins de l’entreprise et de son environnement.

Ainsi, nos clients, mais également l’ensemble des parties prenantes aux restructurations, nous demandent aujourd’hui de répondre à des problématiques plus globales. Alors qu’elles restaient très financières lors de la vague de restructuration de 2009-2010, nos missions demandent aujourd’hui des analyses et compétences plus  larges. Nous sommes en mesure de satisfaire ces nouvelles exigences grâce notamment au développement de nouvelles offres au sein du TAS, comme le Commercial Advisory services (CAS), l’Operational Transaction Services(OTS), ou encore le cash management. Ces offres nous permettent de compléter notre dispositif aux 3 questions évoquées supra. En outre, nous sommes de plus en plus souvent sollicités pour étudier des scénarios alternatifs et proposer des recommandations.

Dans ces dossiers plus complexes qui nécessitent la plupart du temps d’injecter de nouveaux fonds pour financer la restructuration, et où la valeur de l’entreprise ne couvre que tout ou partie de la dette, les solutions passent bien souvent par des changements d’actionnaires, qu’ils soient financiers ou industriels. Nous sommes entrés dans des solutions qui pourraient être qualifiées de transaction/restructuration. En effet, les restructurations opérationnelles et financières sont conjuguées à une transaction et l’entrée de nouveaux actionnaires.

Questions à ... Guillaume Cornu et Thomas Marcorelles, EY

Guillaume Cornu (à gauche), associé EY, est responsable du département Transaction Advisory Services (TAS) pour la France, le Maghreb et le Luxembourg. Thomas Marcorelles est senior manager Restructuring.

Quelles sont selon vous les tendances actuelles du marché ?

Le marché fait toujours face à de nombreuses restructurations de dettes de LBO. Nous sommes confrontés à certains dossiers dits «de rechute», qui sont bien souvent les «amend and extend» de 2008 dont le retournement ne s’est pas concrétisé mais aussi des dossiers de LBO montés dans les années 2006 et 2007 avec pour la plupart des dettes in fine qui arrivent à échéance et qu’il faut refinancer. Quelle que soit la situation, nous assistons à des évolutions importantes, notamment dans le comportement des acteurs sur le marché français.

Les banques, y compris les banques françaises, sont aujourd’hui plus enclines à envisager de nouvelles solutions : nous avons vu à ce titre des banques participer à des solutions de lenders led, partager la valeur avec des fonds de retournement ou encore “trader” leurs créances. Par ailleurs, nous assistons au développement de nouveaux fonds, souvent d’origine américaine, qui s’installent à Londres pour se déployer et investir sur le marché européen (Espagne, Italie et France). Ce sont soit des fonds de dettes, soit des fonds de retournement, mais bien souvent ils peuvent agir au sein du même fonds tant en equity qu’en dette. Et compte tenu d’un deal flow assez limité, nous voyons également des fonds traditionnels de private equity s’intéresser à des situations spéciales ou complexes. Enfin, ces dossiers en restructuring intéressent aussi de plus en plus les acheteurs «corporate» qui connaissent les actifs, savent les redresser et constituent ainsi souvent de très belles solutions pour l’entreprise en difficulté.

Ces évolutions ont une conséquence positive à savoir, de plus en plus de solutions et de liquidités sur le marché. Le point négatif réside probablement dans le fait que l’augmentation du nombre d’intervenants et d’interlocuteurs dans les dossiers les plus importants, et la divergence d’intérêts entre ceux-ci, tendent à complexifier la situation et ralentir la mise en place de la bonne solution. Or chaque spécialiste du restructuring sait que dans une restructuration, il faut rechercher autant que possible une solution simple, rapide et efficace.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Présentes dans 89 pays, les équipes Transaction Advisory Services comptent 9 000 professionnels dans le monde, dont 350 collaborateurs et 28 associés en France. L’équipe est présente sur le marché depuis longtemps, ce qui nous permet d’apporter à nos clients le recul et l’expérience nécessaire dans tous les domaines, en matière de due diligence, de restructuration stratégique opérationnelle et financière et d’optimisation de BFR. Enfin, notre renommée internationale nous permet d’intervenir sur des dossiers importants. La constitution d’équipes cross border avec d’autres collaborateurs du réseau EY nous permet de partager des expériences entre l’opérationnel et le stratégique et d’appliquer en France des méthodes de travail ayant déjà démontré des résultats, par exemple en Grande-Bretagne.

Comment accompagnez-vous vos clients ?

En quelques années, comme évoqué supra, les clients et notre environnement ont changé. La taille des entreprises, la législation, l’internationalisation, les nouveaux acteurs, les produits financiers nous demandent une adaptation permanente. Nous devons aujourd’hui répondre à des demandes transverses et globales, et c’est cette approche que nous proposons à nos clients. Nos équipes sont aussi très familières du microcosme économico-juridico-financier local, qu’il s’agisse des avocats, banquiers, fonds d’investissements, pouvoirs publics, mandataires de justice, tribunaux de commerce, etc. Enfin, la connaissance du secteur dans lequel évolue le client est essentielle. Cette dimension est très importante dans notre organisation afin d’être au plus près des enjeux et des marchés de nos clients. Et au-delà des expertises particulières du TAS, nous pouvons constituer des équipes mixtes en croisant l’ensemble des compétences du cabinet pour apporter des solutions véritablement sur mesure. Nous apportons collectivement un service et conseil de grande proximité, pluridisciplinaire, transverse et à haute valeur ajoutée pour nos clients. La notion de «Trusted Business Advisor» est plus que jamais prioritaire dans nos missions.

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