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Transmission d’entreprise familiale et LBO

Publié le 24 juin 2013 à 14h55    Mis à jour le 29 juin 2021 à 10h31

Pierre-Olivier Bernard

Par Pierre-Olivier Bernard, associé, Opléo Avocats

L’âge de la retraite approchant pour nombre de dirigeants, la transmission des TPE et PME constitue une réelle problématique. Et lorsque l’entreprise présente un capital majoritairement familial, le problème se pose avec d’autant plus d’acuité que l’affect entre en ligne de compte. La transmission ne s’improvise donc pas : elle doit constituer une opération réfléchie intégrant tous les enjeux. Transmettre la valeur patrimoniale de l’entreprise au sein de la famille ne sera pas la seule préoccupation du dirigeant ; s’assurer du maintien de son train de vie et de la pérennité de l’entreprise compteront aussi parmi ses impératifs. Le recours à la technique du LBO peut constituer en ce sens une solution avantageuse.

Recourir au LBO permet d’alimenter les différents segments du capital-investissement. On connaît le capital-risque1 et le capital-développement2 mais moins le capital-transmission, généralement défini comme des fonds d’investissement spécialisés dans la reprise d’entreprises à maturité dont les actionnaires ne disposent pas de successeurs au sein de leur famille. C’est là oublier que la réglementation française a évolué, le capital-transmission trouvant aussi sa place au sein des familles. En fait, le LBO est devenu un outil de transmission complétant les outils déjà ­existants mais qui, pris individuellement, ne suffisent pas à soutenir une transmission d’entreprise.

Le LBO familial pour transmettre l’entreprise dans la famille

Le chef d’entreprise doit d’abord identifier, le plus souvent parmi ses enfants, les personnes les plus susceptibles de poursuivre l’activité de l’entreprise de manière pérenne, compte tenu des compétences de chacun. S’il parvient à identifier comme tel l’un de ses enfants, le dirigeant doit alors dissocier l’avoir du pouvoir au sein de la fratrie. Il pourra donner le contrôle de l’entreprise à l’enfant compétent, tout en veillant à ne pas spolier les autres. Les outils de transmission traditionnels à titre gratuit ou onéreux ayant montré leurs limites à cet effet, le droit français s’est enrichi d’un dispositif : le LBO familial3. Cette nouvelle technique vise la donation-partage d’une entreprise4 avec attribution de pleine propriété des titres à l’enfant repreneur, à charge pour lui de verser à sa fratrie une soulte dont le règlement, financée par la dette bancaire, est pris en charge par une holding5.

Le dirigeant peut également ne pas vouloir transmettre son entreprise dans la famille mais à des salariés et/ou tiers-investisseurs. La solution pour une cession en douceur ? Le capital-transmission.

Le LBO pour transmettre l’entreprise hors de la famille

Les outils de transmission traditionnels montrant aussi leur insuffisance, le dirigeant peut recourir au LBO pour transmettre son entreprise aux salariés dont il se sera assuré des compétences avant de les faire accéder au capital, progressivement ou par une cession cash6. Le recours au LBO permettra aux salariés d’accéder au capital de l’entreprise en limitant leur apport personnel, l’acquisition étant financée en partie par la dette bancaire. S’il préfère transmettre à des tiers, le dirigeant devra identifier le ou les repreneurs avant de faire monter ceux-ci au capital avec l’équipe dirigeante, l’objectif étant de créer une communauté d’intérêt entre eux, au moins durant la transmission, pour stabiliser l’entreprise. Ainsi, lors du LBO, l’équipe dirigeante peut être amenée à investir avec des fonds d’investissement, forts d’une surface financière bien supérieure. Loin d’être anodine, cette association doit être bien accompagnée juridiquement, le management package allant constituer un des éléments clés de la négociation entre les deux.

1 - Le capital-développement  finance les entreprises profitables d’une taille significative qui existent depuis plusieurs années et doivent conserver de fortes perspectives de croissance.

2 - Le LBO familial a été introduit par la loi de finance de 2009, venue compléter l’article 787 B du Code général des impôts.

3 - Hors les sociétés unipersonnelles.

4 - Prenons le cas d’un dirigeant qui, âgé de 55 ans et détenant en 2013 la totalité du capital de sa société, souhaite transmettre progressivement celle-ci à son bras droit. Pour parvenir à ce résultat, le dirigeant peut réaliser plusieurs opérations successives dans le temps. Ainsi, en 2013, il cédera 40 % de ses actions à un fonds et 15 % à son bras droit ; conservant 45 % du capital, il gère toujours  l’entreprise et profite du produit de la vente de 55 % des actions. En 2018, le dirigeant procèdera à une seconde opération en cédant  20 % de son capital à un fonds et 10 % à son successeur. Fort du nouveau produit de vente de 30% des actions, il pourra se retirer des opérations fonctionnelles. Enfin, en 2023, interviendra une troisième et dernière opération, le dirigeant allant vendre les 15 % restant de son capital.

3 questions à Pierre-Olivier Bernard, associé, Opléo Avocats

Quels sont selon vous les problématiques actuelles du marché ?

Elles sont essentiellement au nombre de deux.

D’un côté, il y a la difficulté, pour le dirigeant fondateur, d’identifier le repreneur idoine pour l’entreprise ; il s’agit de choisir celui qui sera le mieux à même de reprendre le flambeau et de poursuivre le développement de l’entreprise de manière pérenne. Cette préoccupation reste capitale dans les dossiers de transmission d’entreprise que nous avons à connaître, peu importe que la transmission soit ou non envisagée au profit d’un successeur au sein du cercle familial. Peu importe également les modalités de transmission et de financement de l’opération.

D’un autre côté, il y a l’instabilité fiscale, source d’insécurité juridique pour le dirigeant fondateur et de va-et-vient incessants dans la stratégie à conduire. Dernière illustration en date : la tentative de réforme du régime des plus-values initiée à l’automne dernier par le projet de Loi de finance pour 2013, avant que le gouvernement ne recule devant le vent de protestations orchestré par le mouvement dit des «Pigeons».

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée à ces dossiers ?

Notre équipe accompagne au plus près les dirigeants qu’elle épaule notamment sur toutes les questions patrimoniales que soulève la détention d’un actif professionnel. Dans ce cadre, nous intervenons toujours très en amont du processus de transmission et conseillons le dirigeant dès  sa phase de réflexion, cela jusqu’à la mise en œuvre de son projet. Notre parfaite connaissance de l’environnement personnel du ­dirigeant nous permet d’aborder l’opération de transmission dans son ensemble en intégrant les paramètres aussi bien familiaux que patrimoniaux.

Une telle aptitude suppose de la part de notre équipe qu’elle soit en mesure de réunir et d’orchestrer les compétences transversales nécessaires : droit du ­patrimoine, droit des sociétés, droit fiscal, droit social…Parfois même certaines compétences très ciblées, dès lors que le dossier l’exige.

De fait, notre équipe a vocation à ­rester un partenaire de premier plan du ­dirigeant ; une équipe sachant s’adapter de par sa composition aux exigences et nécessités de chaque dossier.

Comment accompagnez-vous vos clients ?

Nous accompagnons systématiquement nos clients sur le long terme en veillant à toujours intervenir de manière transversale, à partir d’une vue globale du dossier. Et le fait de prendre en compte l’ensemble des paramètres de la situation personnelle, familiale et patrimoniale de nos clients nous permet d’apporter une réponse «sur mesure» à chaque cas.

Nous nous faisons également fort de préparer et d’anticiper l’«après-transmission» pour le Dirigeant, un devenir parfois totalement occulté. Nos préconisations sont naturellement fonction des objectifs poursuivis à terme, qu’il s’agisse d’un départ à la retraite ou encore de la poursuite d’une activité active ou passive… Il faut en effet savoir que nombre de nos clients souhaitent poursuivre une activité entrepreneuriale en prenant des participations dans d’autres entreprises, associant éventuellement certains de leurs proches à leur démarche.

Et pour le cas où l’entreprise serait à transmettre au sein de la famille, il sera également primordial de prévoir les règles de gouvernance familiale allant permettre de définir les modalités d’organisation du pouvoir au sein de l’entreprise.

Il ne faut jamais perdre de vue que le moment de la transmission constitue un passage de témoin : il ne peut être seulement abordé par le prisme fiscal, les ­contraintes fiscales ne devant pas dicter les modalités de transmission de l’entreprise. Celles-ci doivent essentiellement répondre au projet du dirigeant, dans l’intérêt de son entreprise, comme du sien et de celui de sa famille.  

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