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Trouver des solutions pérennes, qui passent par des restructurations lourdes, devient impératif 

Publié le 27 juin 2014 à 11h55    Mis à jour le 1 juillet 2014 à 11h49

Pascal Bonnet, KPMG

Après plusieurs années fastes pour les opérations de LBO avec des multiples d’Ebitda atteignant des records, la période 2007-2008 a mis un coup d’arrêt à cette envolée des ratios. Face à la crise, l’équilibre financier des LBO est devenu instable mettant en difficulté plusieurs entreprises vis-à-vis de leurs créanciers.

Par Pascal Bonnet, Associé KPMG, Responsable du département restructuration

C’est pourquoi de 2008 à 2012, les mécanismes d’«amend and extend» se sont multipliés. Les fonds d’investissement, les pools bancaires et les entreprises optaient non pas pour une renégociation du montant de la dette mais plutôt pour de simples rééchelonnements des échéances de remboursement et notamment celles in fine. Le but étant plutôt de reculer l’échéance de la dette, afin de s’accorder du temps, tout en prévoyant des clauses de rendez-vous régulières, permettant de rétablir, au mieux, les ratios bancaires demandés par les prêteurs.

Les IBR, passage presque  incontournable

C’est pendant cette période de 2008 à 2012 que les IBR (Independent Business Review) ont fait leur apparition, encore méconnus avant 2007. Cet outil permet d’apporter un éclairage sur la situation financière réelle de l’entreprise sous LBO afin de voir dans quelles conditions elle peut faire face au remboursement de sa dette. Les indicateurs analysés sont notamment l’Ebitda et la génération de cash afin de recalculer le montant de dette effectivement remboursable par l’entreprise, compte tenu des nouvelles conditions de marché. A partir des conclusions de cette analyse financière de l’entreprise, une solution viable et pérenne peut alors être proposée et négociée avec les créanciers de la société sous LBO. Dans la plupart  des cas, les entreprises étaient encore largement profitables mais leur niveau d’endettement, devenu subitement, à cause de la crise, particulièrement lourd, n’était plus en adéquation avec les conditions du marché provoquant de nombreux bris de covenants.

Tenir compte de la spécificité  des LBO

Les IBR se sont donc multipliés durant quatre ans. Toutes les parties en présence, banques, fonds d’investissement, entreprises, anticipant à ce moment là plutôt une crise courte, ou souhaitant tout simplement repousser le problème, en attendant des jours meilleurs. Malheureusement, les effets de cette dernière sur les entreprises sont toujours perceptibles et celles-ci disposent, à l’heure actuelle, de marges de manœuvre de plus en plus réduites, en termes de trésorerie.

Les entreprises sous LBO ne font pas exception à la règle, si ce n’est qu’elles ont un accès plus limité à certaines sources de financements alternatifs, compte tenu des contraintes de leur documentation bancaire, que les entreprises se finançant dans le cadre de prêts bancaires classiques. Ces dernières peuvent, par exemple, avoir recours à des mécanismes financiers de «sale and lease back», d’affacturage ou de financement sur stock.  

Une nouvelle étape de la restructuration des LBO est donc engagée depuis 2012, les solutions proposées étant maintenant nettement plus lourdes et structurelles qu’un simple «amend and extend». Et même si c’est toujours la capacité à rembourser la dette qui guide la solution choisie, deux cas de figure se présentent.

Restructurer sur le long terme

Ainsi, si l’entreprise a réussi à se maintenir voire à rebondir, à la suite de son «amend and extend», elle peut essayer de se financer maintenant, directement sur le marché des obligations «high yield» qui est en ce moment en plein essor. C’est le cas notamment du français Quick, qui a dernièrement levé environ 600 millions d’euros, grâce à une émission d’obligations «high yield», à taux variable. Détenu par le fonds d’investissement Qualium, et dont la dette est portée par de nombreux prêteurs, le groupe était endetté à hauteur de 500 millions d’euros environ. Le produit de cette émission se substituera aux anciennes lignes de financement et permettra au groupe de faire une économie substantielle en termes de frais financiers. Une opération réussie, qui rend le financement plus souple, moins onéreux, et permet à l’entreprise de dégager de la trésorerie qui bénéficiera aux investissements futurs du groupe.

A l’inverse, de nombreuses entreprises sous LBO ont du mal à vraiment s’en sortir. Dans ce cas de figure, trouver du financement pour se restructurer, investir et croître devient très compliqué. C’est pour répondre à ces besoins d’argent frais que certains fonds d’investissement américains ont fait leur apparition dans le paysage européen. Spécialisés dans les opérations de restructuration pure, ces acteurs bénéficient d’une force de frappe qui leur permet d’entrer au capital de société cible grâce au rachat de leur dette (technique dite du «Loan-to-Own»). Cela a été le cas, par exemple, en fin d’année 2013 avec le rachat de FransBonhomme par le fonds de pension américain Centerbridge Partners, et dont la restructuration lourde a permis de réduire la dette de 600 millions d’euros à moins de 300 millions, avec des maturités fortement rallongées et des frais financiers nettement diminués.

Questions à ... Pascal Bonnet, Associé KPMG

Pascal Bonnet est Associé KPMG en charge de l’activité Restructuring au niveau national couvrant les activités de Restructuration Financière et de Restructuration Opérationnelle. Entré chez KPMG en 1990, il est également membre du Steering Group Advisory de KPMG France et dispose d’une expérience solide en Transaction Services.

Quelles sont, selon vous, les problématiques actuelles du marché ?

Les financements bancaires deviennent de plus en plus compliqués à obtenir. Depuis le début de l’année 2013, les encours de crédit bancaire en France sont restés stables, à environs 800 milliards d’euros. Ce constat fait suite à une frilosité importante des banques à délivrer de nouveaux prêts, notamment par rapport à la réglementation Bâle 3, qui les oblige à immobiliser de nombreux fonds propres supplémentaires. De leur coté, les fonds d’investissement traditionnels peuvent avoir des difficultés à réinjecter de l’argent dans leurs participations en difficulté et/ou n’ont pas forcément envie d’aller sur des opérations de « distressed ». Les solutions à trouver doivent donc être des alternatives aux réponses classiques. Restent alors les véritables restructurations via l’entrée au capital de fonds spécialisés dans la restructuration de dette, qui se fait dans des conditions particulièrement difficiles pour les actionnaires et prêteurs historiques. L’autre alternative, réservée au cercle restreint des entreprises sous LBO les mieux notées, peut passer par l’émission sur les marchés  financiers d’obligations dites «high yield». La difficulté de ce type de marché, connu pour être particulièrement volatile, est qu’il s’ouvre aussi rapidement qu’il ne se referme.

Quelles sont les particularités de votre équipe dédiée  à ces dossiers ?

Notre équipe de restructuration chez KPMG est composée d’une trentaine de personnes très spécialisées et basées à Paris. En France, nous disposons de 238 bureaux, regroupés en huit directions régionales, qui disposent chacune d’une équipe dédiée. Ce maillage du territoire nous permet d’être très proches de nos clients et d’offrir des conseils adaptés aux PME et ETI en proposant des équipes mixtes (Régions/ Paris) en fonction de la complexité et de la spécificité des situations. Cela nous permet également d’avoir une grande proximité avec les 135 tribunaux de commerce en région. Enfin, nous disposons, au niveau national, d’une équipe dédiée au marché des « high yield », ce qui nous permet d’apporter une réponse alternative si cela est nécessaire. Cette mixité et cette proximité de nos équipes nous permettent d’intervenir sur les dossiers les plus variés, de toutes tailles et dans des délais records.

Comment accompagnez-vous vos clients ?

Nous intervenons auprès des banques, des fonds d’investissement ou encore des chefs d’entreprise. Nous répondons aux besoins de l’ensemble de ces acteurs de manière adaptée et spécifique. Nous les accompagnons dans les opérations d’IBR classiques cherchant ainsi à trouver la meilleure solution face aux problèmes de gestion de la dette. Par ailleurs, l’expérience internationale de certains des membres de l’équipe est très appréciée, notamment lorsque nous intervenons sur des dossiers pour lesquels des banques anglo-saxonnes sont impliquées. La dimension internationale de nos équipes nous permet d’intervenir sur des IBR de grosses tailles auprès de pools bancaires majeurs, ce qui nous a permis de travailler sur des LBO importants. Cela nous permet également d’avoir des contacts privilégiés avec les fonds de restructuration. Par ailleurs, nous proposons des due diligences pour ces fonds distressed sur des sociétés très endettées. Nous pouvons donc intervenir sur des IBR et des «vendor due diligence», mais aussi sur des sujets plus opérationnels comme l’optimisation du cash ou la mise en place de programme de réduction de coûts. Enfin, nous assistons également régulièrement nos clients dans leurs projets de reprise de société à la barre des tribunaux de commerce.

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