
L’augmentation massive du nombre de procédures de redressement et de liquidations judiciaires postérieure à la crise sanitaire, suite à la fin des dispositifs d’aides de l’Etat, a ouvert des opportunités de reprises à la barre d’entreprises. Pour beaucoup, l’adoption d’un plan de redressement par voie de continuation n’est plus une option.
Des clients peuvent être intéressés par ces opportunités qui peuvent représenter de réels outils de croissance externe, mais la taille de l’entreprise reprise, la diversité de ses activités peuvent représenter un frein lorsque nos clients ne sont pas intéressés par tous les pôles d’activités de la cible.
Face à cette difficulté, on peut constater dans la pratique qu’une croissance du nombre de reprises réalisées par des consortiums d’offres s’est développée (Métalliance/Gaussin ; Sodistour ; Minelli, etc.), ce que j’ai pu constater moi-même dans le dossier Eugène Perma.
Le groupe Eugène Perma, qui comptait 235 salariés et réalisait en consolidé un chiffre d’affaires de 118 millions d’euros, disposait d’un large éventail d’activités : distribution de soins capillaires, R&D, distribution de soins du corps, fournisseur intragroupe, distributeur BtoB et GMS. Mon client, Naturopera, était intéressé par la reprise de la distribution BtoB avec laquelle il avait de fortes synergies, mais pas par les autres activités (la distribution professionnelle et l’usine de fabrication).
Nous avons déposé une première offre, mais compte tenu du périmètre d’activité limité dont la reprise était proposée, l’offre risquait de ne pas être retenue par le tribunal. Nous avons donc discuté avec deux autres candidats ayant déposé des offres et sommes parvenus à trouver des synergies et un accord global entre nos offres respectives.
Les discussions ont été longues et un certain nombre de points ont dû être éclaircis entre les repreneurs tels que l’usage de la marque. La marque Eugène Perma est iconique et a une valeur importante, nous avons donc dû nous mettre d’accord sur son utilisation. On a également dû discuter de l’utilisation des locaux situés à Gennevilliers qui intéressaient plusieurs repreneurs et nous avons dû trouver un accord avec le bailleur.
D’un point de vue plus juridique, les offres sont combinées et indivisibles mais non solidaires, ce qui signifie que le tribunal ne peut que retenir l’offre de chacun des membres du consortium, ou aucune, mais qu’en cas de non-respect de l’un des engagements par un candidat, les autres ne sont pas tenus. L’avantage est évident : il permet d’éviter d’être tenu d’engagements des autres membres, d’autant plus que chaque candidat a son conseil qui lui rédige son offre ; nous ne les consultons pas forcément avant qu’elles soient déposées et n’avons pas une idée claire des engagements qu’ils ont pris. Il est d’ailleurs très rare en pratique que les offres d’un consortium soient solidaires. L’inconvénient, peut-être plus difficile à percevoir, est que si l’un des candidats repreneurs ne paraît pas sérieux aux yeux du tribunal, il risque de rejeter toutes les offres, l’indivisibilité et l’absence de solidarité font que chaque repreneur doit voir son projet être approuvé par le tribunal.
Bien entendu, chaque candidat a dû régler les difficultés liées à son périmètre de reprise. Pour Naturopera, il s’agissait notamment de négociations avec des créanciers disposant d’un droit de rétention sur les stocks ou d’une fiducie-sûreté.
Par jugements du 14 décembre 2023, le tribunal de commerce de Paris a arrêté le plan de cession des actifs et activités du groupe Eugène Perma au profit du consortium, dont Naturopera qui a ainsi repris l’acticité GMS et peut la développer.
La reprise est une réussite puisqu’elle a permis le maintien de 212 des 235 salariés du groupe, la continuité de l’ensemble des activités et un prix de cession global satisfaisant pour le désintéressement des créanciers, ce qui n’aurait indiscutablement pas été possible sans ce consortium.
Le point de vue des repreneurs
Le point de vue des repreneurs : « C’était la première fois que nous tentions un tel défi : reprendre une ETI en redressement judiciaire ! Jusque-là, Naturopera avait adopté une trajectoire de croissance organique, développant ses marques Tidoo et Carryboo en magasin bio et en GMS, puis en internalisation la production de ses couches bébé dans les Hauts-de-France. La perspective de consolider le pôle historique “hygiène-bébé” avec un nouveau pôle “beauté” (Pétrole Hahn, Eugène Color, Kéranove...) faisait sens et permettait de préserver le savoir-faire centenaire d’Eugène Perma. La formation du consortium de reprise et l’enjeu de vitesse incroyable ont nécessité des capitaux mobilisables immédiatement, un accompagnement juridique de pointe et une grande agilité pour redémarrer l’activité en s’appuyant sur les compétences de tous ! »
Geoffroy Blondel de Joigny et Kilian O’Neill, cofondateurs, Naturopera