Parole d’expert

L’égalité de traitement à l’épreuve des restructurations avec classes de parties affectées

Publié le 21 mars 2025 à 15h00

White & Case    Temps de lecture 4 minutes

Par Anne-Sophie Noury, et Alicia Bali, associées, White & Case

Près de cinq ans après la transposition en droit français de la directive européenne (UE) 2019/1023, le nouveau dispositif de traitement des difficultés a trouvé un terreau fertile dans le paysage économique français, tant dans le cadre des restructurations financières d’envergure, pour lesquelles sa mise en œuvre est obligatoire, qu’au bénéfice des PME, pour lesquelles sa mise en œuvre demeure facultative. La négociation des droits, priorités et sûretés ainsi que les perspectives de recouvrement dans un scénario liquidatif sont devenues la boussole des restructurations financières et se retrouvent au centre de tous les enjeux, permettant de justifier les efforts requis des parties. Cela étant, certains principes ancrés dans les procédures collectives françaises perdurent, comme celui de l’égalité entre les créanciers.

Pour constituer les classes de parties affectées, l’administrateur judiciaire doit respecter des règles précisément définies par la loi, parmi lesquelles figure l’appartenance à une communauté d’intérêt économique suffisante sur la base de critères objectifs vérifiables. On a pu constater, dans les restructurations qui ont suivi la réforme, que ce critère peut donner lieu à de multiples combinaisons. Une classe peut ainsi regrouper des créanciers bénéficiaires de différentes sûretés réelles, de garanties personnelles ou encore de différents instruments de dettes pour autant qu’une communauté d’intérêt économique les rapproche. La diversité des situations qu’elle recouvre offre ainsi la possibilité à l’administrateur judiciaire de façonner la constitution des classes avec une large marge d’appréciation.

Cette marge d’appréciation connaît toutefois certaines limites, dont l’article L. 626-31, 2° du Code de commerce. Celui-ci érige en condition d’adoption d’un plan avec classes de parties affectées que les parties partageant une communauté d’intérêt suffisante au sein de la même classe bénéficient d’une égalité de traitement. L’égalité de traitement ne s’apprécie pas au regard de la communauté d’intérêt « économique », mais en considération de la seule existence d’une communauté d’intérêt. Si la jurisprudence n’a pas encore tranché, on pourrait ainsi en conclure qu’une classe pourrait elle-même être subdivisée en sous-classes, chacune devant justifier d’une communauté d’intérêt (économique ou autre) et recevoir une égalité de traitement.

Plus encore, cet argument textuel trouve son écho dans la conception distributive de l’égalité qui invite à prévoir un traitement égalitaire uniquement en présence de situations similaires. A l’inverse, les différences de situations justifient les différences de traitements. C’est notamment le cas lorsque les parties affectées d’une même classe ne fournissent pas le même niveau d’implications pour contribuer à la restructuration du débiteur. A cet égard, il est cohérent que la partie affectée qui fait plus d’efforts en tire des avantages. C’est l’exemple des créanciers qui consentent des financements opérationnels au débiteur, sans quoi le groupe ne peut plus financer son activité. La question de leur regroupement dans une classe avec d’autres créanciers peut se poser et certaines restructurations ont pris le parti de considérer que la mise en place de ce type de financements justifiait la création d’une classe distincte. Il aurait pu en être autrement.

Par ailleurs, la constitution des classes pourra être influencée dès la phase préparatoire de la procédure préventive, en offrant aux créanciers la possibilité de consentir des efforts spécifiques qui fonderaient leur appartenance à une communauté d’intérêt. Cette possibilité devra toutefois être offerte à toutes les parties prenantes ou selon les cas, à certaines catégories de parties, sans discrimination. 

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