Parole d’expert

Puissance et pièges des classes de parties affectées

Publié le 21 mars 2025 à 15h00

Weil    Temps de lecture 4 minutes

Par Jean Dominique Daudier de Cassini et Céline Domenget-Morin, Weil

Force est de constater que si cela se vérifie sur les dossiers de place, de nombreux dossiers, et en particulier ceux qui dérogent aux seuils d’application du dispositif, n’ont pas forcément consacré ce rééquilibrage.

Le droit de préférence accordé aux actionnaires historiques ou l’utilisation de la notion d’actionnaires « non affectés » sont le reflet de certaines dérives positives ou négatives du système.

Dérive positive : dans le cas d’actionnaires méritants (auxquels la déconfiture de l’entreprise ne peut clairement être imputable) et entreprenants (car désireux de réinvestir dans l’entreprise seul ou avec l’aide d’investisseurs amis), le capital historique est certes réduit à zéro par l’effet de la règle de priorité absolue si des créanciers se voient imposer des abandons, mais le nouveau capital issu de ce droit de préférence restera en leurs mains directement ou indirectement. En l’absence de solution alternative satisfaisante, on ne peut que s’en réjouir sans oublier que le plan doit être adopté par une majorité des classes ou au moins par une classe dans la monnaie, et validé par le tribunal.

Dérive qui peut s’avérer négative dans le cas d’actionnaires considérés comme non affectés car non visés par une modification de capital dans le plan. Ainsi, le passif peut être restructuré, parfois très violemment, sans que soit appliquée aux actionnaires la règle de la priorité absolue. Il y a là une injustice, même s’il n’existe aucune alternative à ce plan. Mais en l’absence par exemple de plans de cession alternatifs, faut-il conclure à la liquidation de l’entreprise ?

Le rôle du tribunal condamné à ne statuer sur le plan qu’une fois obtenu l’accord plus ou moins partiel des créanciers est complexe : refuser le plan qui, pour finir, a été accepté par les créanciers et provoquer la liquidation judiciaire ou accepter un plan qui peut paraître déséquilibré quant aux efforts consentis, mais qui assure le sauvetage de l’entreprise.

Une intervention du tribunal en amont de la présentation du plan du ou des plans proposés, donc avant leur vote par les créanciers, pourrait limiter l’impact d’une utilisation du dispositif des classes de parties affectées contraire à son but initial.

En cas d’application forcée interclasses, l’affectation automatique des actionnaires, même dans le cas d’une dérogation aux seuils, serait aussi une piste. Ils garderaient leurs droits de préférence. A défaut, l’écrasement de passif ne devrait pas pouvoir être imposé à une classe, sans retour à meilleure fortune permettant aux créanciers affectés de bénéficier du regain de valeur.

Au-delà, une des problématiques les plus critiques des opérations de restructuration reste le financement de l’exploitation. Il est absolument nécessaire de pouvoir inciter les créanciers qui fournissent ces lignes de financement à les maintenir pour assurer la réussite du plan. Le système d’élévation permet de présenter un plan qui favorise ces créanciers par rapport aux autres créanciers de même hiérarchie. Ce système est souvent une des clés de succès. Il conviendra néanmoins de vérifier que les avantages accordés ne soient pas disproportionnés par rapport aux efforts consentis et que ces derniers soient d’une durée suffisante pour permettre le retournement de l’entreprise.

En conclusion, le système des classes de parties affectées, outil particulièrement puissant et au périmètre ajustable, est une excellente avancée pour la sauvegarde de l’entreprise qui peut voir son passif adapté à sa capacité contributive intégrant les besoins nécessaires à ses investissements futurs. Mais, à trop vouloir optimiser au profit de l’entreprise ses effets, cette dernière risque d’être privée pour le futur de ses soutiens tant auprès de ses banques partenaires que de ses fournisseurs. Il faut donc s’assurer de l’équilibre des efforts en privilégiant certes le redressement de l’entreprise, mais sans oublier les créanciers partenaires de l’entreprise. 

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