Parole d’expert

Projet de simplification du droit des entreprises en difficulté : les pistes du Conseil d’Etat

Publié le 25 juillet 2025 à 14h00

Tellechea Avocats    Temps de lecture 4 minutes

Les lois de simplification, ces remèdes utilisés régulièrement par les gouvernements successifs contre la « boulimie normative de l’Etat » (selon l’expression de François Bayrou), s’apprêtent à toucher – à nouveau – le droit des entreprises en difficulté.

Par Marie Tellechea et Rudi Pfortner, avocats, Tellechea Avocats

Le 27 mai 2025, un groupe de travail sur la simplification de ce droit a en effet été constitué par le garde des Sceaux et la ministre déléguée chargée du Commerce, de l’Artisanat, des Petites et Moyennes entreprises et de l’Économie sociale et solidaire.

Ses membres (constitués de magistrats, de professeurs agrégés, d’un avocat, d’un administrateur judiciaire et d’un mandataire judiciaire) auront pour mission de « proposer des solutions concrètes de simplification du droit et d’amélioration des parcours judiciaires pour les entreprises en difficulté ». Le rapport, attendu pour fin 2026, servira de base à une réforme de simplification. 

L’instauration de ce groupe, annoncée lors des « ateliers de la simplification » du Conseil d’Etat tenus en mai 2025, fait suite à des propositions de simplification formulées par cette même juridiction lors de ses ateliers tenus un an plus tôt.

Ces propositions avaient pour objectif de rendre cette matière, qualifiée de « droit de spécialistes », plus lisible et plus accessible pour ses parties prenantes (débiteurs, créanciers, investisseurs).

Deux pistes d’amélioration ont été identifiées par la Haute Cour :

– réduire « assez sensiblement » le nombre de procédures de traitement des difficultés existantes ; et

– remodeler l’architecture du Livre VI du Code de commerce régissant cette matière.

La seconde piste nous semble devoir être saluée, notamment car, comme le relève le Conseil d’Etat, le Code de commerce opère actuellement de nombreux renvois d’un régime à l’autre. Pour y remédier, il est préconisé la mise en place d’un socle de « dispositions communes », qui devrait assurément améliorer la lisibilité de ce droit.

La première piste nous laisse en revanche plus circonspects à ce stade, au regard des propositions formulées. 

D’une part, il peut être noté que le Conseil d’Etat a été moins ambitieux dans ses recommandations qu’annoncé. Loin de réduire drastiquement le nombre de procédures actuellement applicables, il n’est proposé que la suppression de la procédure de rétablissement personnel et la fusion des deux procédures préventives. Les hauts fonctionnaires suggèrent en outre la création d’une nouvelle procédure collective (réorganisation judiciaire simplifiée) !

Cette prudence peut se comprendre. S’il est vrai que le nombre de procédures préventives (2) et collectives (7) applicables, ainsi que leurs particularités, participent à la complexité de ce droit, la plupart d’entre elles ont su se rendre, au fil des ans, parfaitement justifiées au regard de la diversité des situations. 

La suppression ou la fusion d’un plus grand nombre de procédures aurait certainement entraîné, plus que la simplification de ce droit, une véritable reconstruction. 

D’autre part, toutes les propositions formulées ne nous semblent pas opportunes. En effet, si la suppression du rétablissement personnel, peu utilisée en pratique, se comprend, la création de la réorganisation judiciaire simplifiée nous semble plus discutable, au regard du faible succès de la procédure de traitement de sortie de crise dont elle devrait être l’héritière.

Surtout, la fusion de la procédure de mandat ad hoc et de conciliation a fait réagir bon nombre de professionnels de la matière. Ces deux procédures disposent en effet de spécificités propres justifiant leur dualité. 

En particulier, la procédure de conciliation est limitée dans le temps (cinq mois), ce qui se justifie par le fait qu’elle peut avoir des effets coercitifs sur les créanciers participants. A l’inverse, le mandat ad hoc garantit une entière liberté des négociations, et est à ce titre utilisée dans la résolution d’une typologie de difficultés bien plus variée. Il n’y a dès lors aucune raison d’en limiter la durée.

Il reste que ces propositions ont le mérite de lancer des débats pertinents et constituent une bonne base pour les travaux du groupe de travail. Espérons désormais que l’objectif affiché sera bien atteint et que la simplification recherchée ne laissera pas la place à une nouvelle réforme de fond, dont le nombre ces dernières années constituent la principale cause de la complexité de ce droit selon le Conseil d’Etat.

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