Le traitement de toute nouvelle situation d’entreprises en difficulté commence par une phase de diagnostic permettant à l’ensemble des parties prenantes d’appréhender les origines des difficultés et les mesures de remédiation engagées ou envisagées. Le rôle de la gouvernance, essentiel, n’est alors que très peu abordé.

La question de la gouvernance d’une société se pose pourtant avec d’autant plus d’acuité qu’elle rencontre des difficultés.
Au stade du traitement des difficultés, il n’est pas rare que la société fasse évoluer au moins temporairement son mode d’organisation pour être en mesure d’affronter plus efficacement les difficultés qu’elle rencontre.
Dans des entreprises où détention capitalistique et management sont dissociés, le choix peut se porter sous l’impulsion des actionnaires et des différents conseils vers l’intervention d’un spécialiste de la restructuration extérieur à la société (chief restructuring officer), dont l’indépendance et l’expérience doivent permettre de prendre les mesures nécessaires au retournement de l’entreprise, non biaisées par le poids du passé.
Dans les sociétés cotées, il n’est pas rare qu’un comité ad hoc, composé d’administrateurs indépendants, soit constitué pour permettre le suivi de la restructuration, venant ainsi rassurer les partenaires extérieurs et le marché sur l’indépendance des décisions prises dans un contexte de crise. Un tel comité pourrait être particulièrement utile dans d’autres hypothèses notamment lorsque le dirigeant qui porte le projet de retournement est également l’actionnaire majoritaire.
En interne, la création d’une équipe dédiée, dont le rôle est de définir les contours de la restructuration envisagée, d’interagir avec les différents acteurs concernés et de communiquer de manière adéquate sur la situation, tant en interne qu’en externe, peut être un élément de réponse efficace à une situation de crise.
Si ces aménagements sont très utiles pour traverser au mieux la tempête, il n’en demeure pas moins que le défaut d’anticipation peut parfois s’expliquer par une gouvernance fragile. Cet enjeu central d’une gouvernance efficace, levier d’anticipation et de gestion des crises, mérite donc une attention particulière. Quelle que soit la structure, des phénomènes communs se retrouvent : un organe de surveillance inexistant ou constituant un contrepoids insuffisant à l’équipe dirigeante, une composition du conseil où le poids des administrateurs indépendants bénéficiant d’une expertise solide dans le secteur ou ayant l’expérience d’une entreprise en difficulté n’est plus suffisamment important, ou encore une information apportée auxdits organes de surveillance ou de contrôle insuffisante pour leur permettre de saisir les signaux faibles annonciateurs de difficultés. A cet égard, les risques de responsabilité des actionnaires en tant que dirigeants de fait ne doivent pas être confondus avec leur droit légitime d’exercer un contrôle lorsqu’ils agissent par la voix de leurs représentants au sein d’un conseil.
Les sociétés de tech ou biotech internationales, dont le conseil regroupe le plus souvent, au-delà des représentants des actionnaires, des administrateurs indépendants qualifiés, qui sont par ailleurs habitués aux passages difficiles dans l’attente de la prochaine levée de fonds ou de signature de partenariat, constituent souvent un exemple de dialogue avec le management, n’hésitant pas à multiplier le nombre de réunions en phase de crise aiguë.
Si la gouvernance joue un rôle clé dans la réussite d’une entreprise, lui permettant d’aller chercher la création de valeur, elle est incontournable en période de crise ou même d’avant crise, que celle-ci soit liée à des phénomènes conjoncturels ou à une lente érosion de la performance de l’entreprise. Face à la multiplication des crises et la nécessaire agilité attendue des entreprises et de leurs dirigeants, une gouvernance efficiente, jouant son rôle de contre-pouvoir ou a minima de forum de discussion éclairé, est indispensable. Nous ne pouvons qu’appeler de nos vœux que praticiens et professeurs se penchent sur la question et viennent ainsi enrichir les travaux sur les bonnes pratiques de gouvernance.